Après avoir acquis pour 210 millions de dollars la marque française Façonnable en 2007, le groupe M1 appartenant à la famille Mikati poursuit son expansion dans le secteur de la mode en misant notamment sur la distribution. M1 Fashion détient des participations financières dans plusieurs sociétés du secteur et cherche à élargir son portefeuille industriel, puisque la filiale a notamment tenté, sans succès, de racheter la marque Escada. Elle a en parallèle créé il y a quelques mois Emerge Distributions, une entité chargée de développer l’activité de distribution dans la région MENA (Moyen-Orient et Afrique du Nord). Son premier client est bien entendu Façonnable, mais la société qui emploie pour l’instant six personnes est loin de s’en contenter.
« Nous venons de signer un accord de distribution avec la marque sud-américaine de vêtements haut de gamme pour enfant Kissy Kissy et nous sommes en discussions avec deux marques européennes d’habillement, l’une féminine, l’autre masculine », explique le directeur général de Emerge Distributions, Nadim Chammas, dans ses bureaux du centre Starco.
« Nous opérons en tant qu’agents, distributeurs ou partenaires dans la vente au détail et offrons une vaste gamme de services allant des études de marché à l’évaluation des stratégies de ventes régionales, la création et l’animation de showrooms, ou encore la mise en place de nouveaux concepts de boutiques. »
Pour Kissy Kissy, fabriquée au Pérou, le contrat de distribution porte sur toute la région MENA. Emerge prévoit l’ouverture dès 2010 de deux points de vente au Liban et en Arabie saoudite dans des boutiques multimarques ou des grands magasins. L’objectif est d’atteindre les dix points au total dont une franchise en 2011.
Très présente en Angleterre, en Europe du Nord, en Russie et aux États-Unis, Kissy Kissy est une marque de la société Tatiana & Company, basée aux États-Unis, qui appartient au groupe péruvien Castillo.
En ce qui concerne Façonnable, le rôle d’Emerge Distributions est d’accroître l’implantation de la marque, déjà présente dans huit pays de la région, en particulier à Dubaï et au Liban. L’idée est de capitaliser sur l’évolution du positionnement “lifestyle” de la marque depuis sa reprise par le groupe M1. Le “retour aux fondamentaux” de l’univers créé sur la Côte d’Azur par Jean Goldberg en 1950 suppose des changements à tous les niveaux. La gamme a été élargie pour inclure des accessoires (maroquinerie et chaussures), des tenues de plage (ligne Azur) et une ligne très haut de gamme. « Tout a été revu, du produit aux points de vente, en passant par la communication, les emballages, etc. », explique Nadim Chammas, qui a aussi la casquette de directeur du développement au sein de M1 Fashion. « Tous ces changements se verront à partir de 2011, car les évolutions dans la mode prennent du temps. »
Les nouveaux concepts de boutiques Façonnable, actuellement en test aux États-Unis, devraient notamment arriver dans la région MENA l’année prochaine. La marque de “sportswear chic” y est déjà distribuée dans 25 points de vente dont six franchises et 19 boutiques multimarques ou grands magasins. « Nous prévoyons d’atteindre les 35 points de vente en 2012, en doublant notre chiffre d’affaires, avec des ouvertures au Maroc, en Algérie et en Tunisie dès 2011 notamment.
Si les États-Unis restent le premier marché de la marque Façonnable dont le siège est à Nice, avec 45 % du chiffre d’affaires, le Moyen-Orient occupe une place importante, selon Nadim Chammas. Ce marché qui représente 15 % des ventes « est très sensible aux produits haut de gamme et il a poursuivi sa croissance malgré la crise internationale », explique-t-il.
Le Liban a un rôle particulier dans cet ensemble. Il représente une « vitrine » pour la région, estime Chammas. La marque est présente dans quatre points de vente : les établissements Joseph Eid et une franchise rue Allenby au centre-ville, exploitée par le même groupe. « Nous envisageons de nouvelles ouvertures au Liban où le chiffre d’affaires de Façonnable est en progression constante. » M1 se diversifie
Le groupe M1 appartient à la famille Mikati (Négib et Taha). Le PDG est aujourd’hui Azmi Mikati, fils de Taha. L’entreprise a commencé dans les années 1960, dans la construction, mais c’est en entrant dans le secteur des télécoms, qu’elle acquiert une autre dimension, deux décennies plus tard, avec la société Investcom, qui a notamment été actionnaire de l’opérateur Cellis.
La vente d’Investcom au sud-africain MTN, dont M1 est resté l’un des plus gros actionnaires, a propulsé en 2006 le groupe dans la cour des grands opérateurs internationaux. Valeur du deal : 5,5 milliards de dollars. La holding a, depuis, continué à diversifier ses activités. Elle est présente dans le transport aérien (avec le rachat en 2007 de la British Mediterranean Airlines et de la compagnie genevoise low-cost Baboo en 2008, toutes les deux en déconfiture), l’industrie pétrolifère, ou encore la banque, avec l’entrée toute récente au capital de la Bank Audi, à travers le rachat de la moitié des parts d’EFG Hermès. Montant : 450 millions de dollars. Son expansion dans la mode date du rachat en 2007 de Façonnable au distributeur américain Nordstorm. En revanche, M1 a perdu la bataille contre la belle-fille de l’aciériste Mittal pour l’acquisition de la marque allemande Escada.
Basée à Monaco, la société M1 Real Estate est le bras du groupe dans l’immobilier. En février, elle a annoncé l’acquisition pour 175 millions de livres sterling à Londres du bâtiment Art-déco Victoria House à Bloomsbury, à la suite du rachat du siège du Crédit suisse à Canary Wharf, en octobre 2009.
Dans l’industrie, M1 a surtout des activités libanaises : fabrication sous la marque Saboun de savons et de détergents à l’huile d’olive, une tradition ancestrale à Tripoli. La filiale M1 Industries a également racheté au groupe Ghandour la marque libanaise de produits laitiers Dairiday. Elle affiche enfin son intention de se développer sur le créneau des cosmétiques.