La coopérative viticole de Chartoun réalise ses premiers pas.
Pour l’heure, une dizaine de propriétaires terriens de ce village chrétien du Chouf, situé dans le caza de Aley, se sont associés pour mettre en œuvre cette nouvelle coopérative viticole. Jusqu'à présent, il n'existait qu'une seule coopérative viticole au Liban, celle de Héliopolis à Deir el-Ahmar, qui regroupe neuf villages, aussi bien chrétiens que musulmans, et compte quelque 250 coopérants dans ses rangs. 

« La coopérative de Chartoun s’installe sur cinq hectares. Mais nous espérons atteindre rapidement le nombre de 20 à 25 coopérants et gérer une quinzaine d’hectares, tous compris dans les limites du village », fait valoir Yves Chartouni, l’ingénieur agronome du projet, dont la famille – comme son nom le laisse présager - est originaire de Chartoun. « 80% des terrains du village, qui pourraient être cultivés, sont abandonnés », précise le président de la municipalité de Chartoun, Joseph Maroun. Si cette première étape réussit, la coopérative pourrait ensuite s’étendre à des hameaux limitrophes.

Ce projet entend faire revenir les anciens villageois, qui ont quitté la région en masse pour Beyrouth (ou l’exil à l’étranger) lors de la « guerre du Chouf » de 1983. Il espère également enrayer la vente de terrains. « Chartoun a été occupé par les Druzes qui l'ont rasé lorsqu'ils ont dû nous restituer nos biens. Nous reconstruisons au fur et à mesure. Mais sans une activité économique régionale, on peut difficilement espérer le retour de la population », déplore le président de la municipalité.

Aujourd’hui, une centaine de personnes vivent encore à Chartoun de manière permanente. Un peu plus de 3000 y sont pourtant inscrites sur les listes électorales. Pour la municipalité, la vigne représente cet espoir d'une reconquête de la montagne par sa population chrétienne. « La vigne est une activité agricole qualitative. Le prix des raisins est en augmentation depuis quelques années suite notamment à l’explosion du nombre de caves au Liban. Un paysan peut vivre de la culture de sa vigne », assure Yves Chartouni.

Cette année, certains des meilleurs raisins (syrah, ou cabernet-sauvignon) de la Békaa se sont arrachés entre 1,15 et 1,5 dollar le kilo. Pour cette même qualité, les cours plafonnaient à 1 dollar le kilo maximum, il y a deux ans seulement.

La coopérative viticole de Chartoun est en train de signer un accord d’exclusivité avec le Domaine Rouss, une propriété vinicole, fondée par l'homme d'affaires Alfred Yaghy, située sur les terres du village tout proche de Majdel Meouch.

Fondé en 2008, le Domaine Rouss possède son propre vignoble (30 hectares). Celui-ci n’est toutefois qu’en phase d’exploitation partielle et le domaine achète aujourd'hui des raisins à différents viticulteurs de la Békaa. « Or, nous voulons faire un vin de terroir, qui exprime les spécificités de notre région, le Chouf. D’où notre recherche de partenaires locaux », fait valoir l’œnologue du domaine Hiba Saloum. Cette année, le Domaine Rouss a rentré entre 600 et 700 tonnes de raisins pour assurer sa première vinification. Il prévoit une production de 500.000 cols de vins rouges et blancs. « Même lorsque notre vignoble sera en pleine activité, sa surface restera insuffisante au regard de notre objectif qui est de produire 1 million de bouteilles par an », reprend l’œnologue.

Le Domaine Rouss devrait donc s’engager à aider les futurs exploitants de la coopérative de Chartoun en prenant en charge la moitié des frais liés à l'aménagement de ces nouveaux vignobles. Le domaine leur fournira également les ceps à planter et assurera le conseil et le suivi des plantations. « L’investissement est de 25.000 dollars pour chaque parcelle. C'est très lourd pour un agriculteur », précise Yves Chartouni. La coopérative recherche d’ailleurs d’éventuels financements supplémentaires pour aider les anciens habitants de Chartoun à retrouver le chemin de la terre.