Cela fait quelques années que la présence de gaz et de pétrole dans la Méditerranée est médiatisée. Les récentes découvertes dans le bassin levantin participent d’une véritable révolution dans le secteur : les experts prédisent que la majorité des réserves mondiales en gaz en 2030 proviendront des gisements trouvés après 2008, notamment les gisements en eaux profondes et les gaz de schistes.

Des gisements de gaz récemment découverts dans les eaux chypriotes et en Israël ont créé de grandes attentes au Liban. Mais pour les experts de l’énergie et les membres des compagnies pétrolières réunis le 27 avril au troisième séminaire annuel de l’Institut Munib et Angela Masri sur l’énergie et les ressources naturelles de l’AUB la prudence reste toujours de rigueur.

Pour les intervenants le point mérite d’être répété : pour l’instant, rien n’est certain quant au contenu réel en gaz naturel et pétrole du bassin levantin, malgré des études en deux et trois dimensions des fonds marins qui s’avèrent prometteuses. Øystein Lie, manager à Petroleum Geo-Services, a évoqué le risque que les réserves de gaz ne soient pas connectées entre elles car situées dans différentes strates géologiques, ce qui rendrait l’exploitation des ressources beaucoup moins rentable. « Des attentes exagérées peuvent mettre la pression sur le gouvernement et l’économie nationale. Le gouvernement se doit de dire la vérité au public sur les faits et leurs limitations », prévient Farouk al-Kassim, président de la société Petroteam.

Au-delà des imprévus techniques, le vrai défi reste sur la terre ferme. Alia Moubayed, senior économiste à Barclays Capital, voit d’un œil plutôt pessimiste la capacité du Liban à faire preuve de la bonne gouvernance indispensable pour mener à bien des investissements de cette ampleur.

Le principal point négatif souligné par Farouk al-Kassim est bien le risque d’une « malédiction pétrolière » au Liban si le processus est mal géré. Selon lui, une déstabilisation économique pourrait s’ensuivre si un afflux de revenus du gaz ou du pétrole arrivait trop soudainement, ayant un « effet tsunami » sur les autres secteurs de l’économie, comme cela a pu être le cas dans certains pays du Golfe ou aux Pays Bas, d’où le terme de « syndrôme hollandais » pour désigner le phénomène.

Cependant, Farouk al-Kassim, qui conseille le gouvernement libanais sur sa politique de ressources pétrolières depuis 2007, a félicité ce dernier pour le cadre légal adopté. Le ministre de l’Energie et de l’Eau Gebran Bassil a profité de la conférence pour annoncer la création imminente — plus d’un an et demi après l’adoption de la loi sur l’exploitation des ressources offshore — de l’Autorité pétrolière chargée de superviser la politique énergétique du Liban. Quelque 500 candidatures ont été reçues pour les six membres de cet organisme.

Pour le ministre, le gaz pourrait avoir un effet salutaire sur la situation énergétique du pays. « Le Liban ne peut plus rester à la traîne avec une politique énergétique qui l’épuise et l’appauvrit. Le gaz naturel pourrait réduire la dépendance libanaise, avoir un impact positif sur l’environnement et apporter une solution au problème d’électricité dont souffre le pays ».

Une ambition légitime selon Charles Proctor de Genel Energy : « Les réserves du Liban sont potentiellement considérables, pas seulement à une échelle nationale ou régionale, mais au niveau mondial ».

Le directeur du service de l’énergie chypriote Solon Kassinis, dont le pays est plus avancé que le Liban dans le processus d’exploitation gazière partage cet optimisme. Il a suggéré une collaboration entre les deux pays qui « pourrait potentiellement changer la scène politique et économique régionale pour le mieux ». Il a encouragé l’accélération du processus d’exploration et de commercialisation des ressources libanaises. « Le Liban doit agir très vite, afin d’attirer les compagnies qui postulent actuellement pour des blocs dans les eaux chypriotes ».