Un article du Dossier

Chiffres-clés 2012 : l’économie à l’heure syrienne

L’année 2012 a été marquée par une explosion du nombre d’usagers de la 3G au Liban : lancée en octobre 2011 à Beyrouth et déployée ensuite dans tout le pays, cette technologie qui permet aux usagers de smartphones d’accéder rapidement à Internet a séduit quelque 1,2 million d’usagers à fin décembre 2012, soit plus du double qu’au premier semestre 2012. À titre de comparaison, ils n’étaient que 80 000 à être connectés à l’Internet mobile avant le lancement de la 3G (sur les technologies Edge et GPRS). Ces internautes mobiles représentent en décembre 2012 plus de 30 % du nombre d’utilisateurs de téléphonie mobile (3,8 millions), qui a lui-même augmenté de 8,7 % par rapport à 2011.
Le réseau d’antennes 3G a été déployé en 2012 par Touch et Alfa, et couvre aujourd’hui 90 % du territoire libanais. Quelque 200 stations, soit 6 000 antennes, ont été installées par les opérateurs. Le tout a coûté 80 millions de dollars. Cette transition à la 3G ne s’est pas faite sans heurts : les usagers se sont beaucoup plaints des “drop call”, ces coups de fil interrompus de manière intempestive. Le ministère affirme cependant qu’après une période difficile, le Liban serait aujourd’hui de nouveau dans la norme internationale avec un peu moins de 1 % de “drop calls”, la moyenne internationale variant entre 0,5 et 1,5 %.
Le prix du service 3G, tributaire de tarifs décidés en Conseil des ministres, n’a pas changé depuis le lancement : l’offre la moins chère est à 10 dollars par mois (hors taxe), pour une capacité de téléchargement de 100 mégabytes (MB) ; l’offre la plus chère est à 99 dollars pour 5 gigabytes (GB) par mois.
Comme prévu lors du renouvellement de leurs contrats de gestion, Alfa et Touch ont multiplié en 2012 le lancement d’offres à destination de publics ciblés à des prix plus abordables que leurs offres courantes : Alfa U chat (pour les universitaires), Touch bil Khidmé (pour les membres de l’armée)…
Depuis fin 2012, un renforcement de la capacité de la 3G (3G deep indoor), qui permet le raccord d’un plus grand nombre d’utilisateurs, est en cours. Beyrouth et quelques grandes villes du Liban bénéficient également du déploiement d’un réseau 4G, conformément aux accords avec les équipementiers de la 3G. « Nous développerons le réseau en fonction de la demande », explique Tony Hayek, conseiller du ministre des Télécoms sortant. À ce jour, peu d’appareils présents sur le marché sont compatibles avec la 4G.

Diversification et augmentation de la capacité internationale

Longtemps victime d’un goulot d’étranglement sur sa capacité internationale, l’Internet libanais a connu une amélioration à l’été 2011, avec l’activation du câble Imewe (India Middle East Western Europe), qui a apporté 10 gigabits par seconde (Gbps) supplémentaires aux trois fournis par le câble historique Cadmus. Les deux câbles ont subi des upgrades réguliers en cours d’année 2012 pour augmenter la capacité internationale du pays : le Liban en utilise aujourd’hui 40 Gbps. Mais ça n’est pas encore suffisant : les Libanais ont expérimenté une panne d’Internet pendant trois jours en juillet 2012, en raison d’une rupture d’Imewe. Depuis, le ministère des Télécoms a œuvré pour diversifier les sources d’approvisionnement de la capacité internationale du pays. Un accord a finalement abouti avec Chypre début mars 2013 pour acheter 770 Gbps de capacité sur le câble Alexandros, qui lie Alexandrie en Égypte à l’Europe en passant par Chypre. Ils permettront notamment d’assurer de la redondance en cas de panne. L’opération a coûté 37,5 millions de dollars, déjà approuvés par la Cour des comptes, et payables sur quatre ans et demi.
En parallèle, le Liban prépare d’ores et déjà le remplacement du câble Cadmus, construit en 1997 et dont la durée de vie est d’environ vingt ans. Le Liban et Chypre seront partenaires à parts égales dans un nouveau câble, baptisé Europa, du nom de la Phénicienne qui a donné son nom au continent européen. Le mémorandum d’entente a été signé en mars 2013, la contribution du Liban à sa construction devrait être de moins de 7 millions de dollars (contre 10 initialement), auxquels s’ajoutera le coût des équipements. La chute du gouvernement en mars 2013 retarde cependant le début de la construction, car « le ministère n’a pas encore reçu la ligne de crédit pour lancer les travaux », explique Firas Abi Nassif, conseiller du ministre des Télécoms. Le pays n’est pas pressé de le terminer pour ne pas payer des frais de maintenance et d’opération sur deux câbles en même temps. Le Liban est en effet propriétaire de Cadmus à 36 % et à ce titre responsable d’une partie des frais s’y rattachant.

Un réseau local en attente

Le plan de déploiement du réseau local de fibre optique de 4 700 km et de modernisation des centraux téléphoniques, lancé quant à lui en 2010 et financé à hauteur de 40 millions de dollars, a du retard. Selon Tony Hayek, la moitié des 13 boucles prévues sont en service. Mais le réseau ne peut pas être activé avant que le Conseil des ministres n’approuve les décrets de tarification qui en découlent.
Cette situation se reflète dans les vitesses de connexion locales, dont les usagers se plaignent souvent. Le site speedtest.net, qui publie un classement mondial sur la rapidité de connexion à Internet, a relevé en mars 2013 que le Liban se positionne en 150e place sur 182 en termes de vitesse moyenne de download (avec 2,54 mégabits par seconde) et en 172e place en vitesse d’upload (avec 0,55 Mbps). Cela constitue une progression par rapport à avant, mais reste insuffisant au vu des besoins des Libanais.

Une restructuration du secteur qui se fait attendre

Les consommateurs dénoncent également des prix encore excessifs pour des capacités toujours limitées, aussi bien pour l’Internet fixe (DSL) que mobile (3G), que pour les communications téléphoniques mobiles. Les prix sont fixés en Conseil des ministres, qui a pour préoccupation de maintenir, voire d’augmenter les revenus de l’État : en 2012, les Télécoms ont rapporté plus de 1,8 milliard de dollars au gouvernement libanais, soit plus de 40 % du budget du Trésor public. Une nouvelle taxe a de plus été proposée en mars 2013 par le Conseil des ministres, pour financer une partie de l’augmentation de la grille des salaires du secteur public.
La dernière baisse des prix de la voix sur téléphone portable remonte à… 2009.
La dernière baisse des prix de l’Internet remonte, quant à elle, à août 2011, date à laquelle le Conseil des ministres a approuvé un décret destiné à réduire en moyenne de 80 % les tarifs de transmission de données au Liban. Le ministère via l’organisme public Ogero avait alors baissé les prix des abonnements DSL qu’il propose aux particuliers et aux entreprises, et le secteur privé s’était rapidement aligné. Ce même secteur privé continue de souffrir d’un abus de position dominante d’Ogero : celui-ci, qui cumule les fonctions de responsable de la bande passante internationale et locale d’une part et de fournisseur de services Internet d’autre part, profite de sa position pour gagner des parts de marché dans une région donnée avant d’autoriser le secteur privé à s’y introduire. La situation s’est cependant améliorée : le secteur privé est aujourd’hui présent dans 70 centraux du pays, contre 35 en 2011. Ogero est connecté quant à lui dans 130 centraux. Il ne détient plus aujourd’hui qu’un peu plus de 60 % des quelque 260 000 abonnements DSL du pays, contre plus de 70 % il y a quelques années, selon Tony Hayek. 
Par ailleurs début décembre 2012, le ministère des Télécoms a finalement ouvert le marché de la transmission mobile des données au secteur privé, comme prévu dans les contrats de gestion des opérateurs de téléphonie mobile signés début février 2012. Quelque six compagnies privées ont maintenant le droit de vendre aux consommateurs des clés ou routeurs 3G se connectant aux ordinateurs et tablettes (et pas aux téléphones), aux côtés de Alfa et Touch. Ces clés leur permettent d’avoir accès à Internet sur tout le territoire couvert par le réseau de 3G. Le secteur privé achète de la bande passante mobile (3G) aux opérateurs à un prix de gros fixé en Conseil des ministres, pour la revendre à un prix de détail, très similaire à celui proposé par les opérateurs aux consommateurs. Le secteur privé mise cependant surtout sur la distribution de 3G sur téléphones portables, où se situe le gros du marché : celle-ci reste pour le moment l’apanage de Touch et d’Alfa, pour des contraintes techniques en cours de résolution, selon Tony Hayek.

Lancement de BDD
Le Beirut Digital District (BDD) a été inauguré le 3 septembre 2012 à Bachoura, en bordure du centre-ville de Beyrouth. Il s’agit du premier pôle numérique du pays. Son objectif est de renforcer le secteur des TIC (Technologies de l’information et de la communication) au Liban, en stimulant la productivité et la créativité grâce au rapprochement physique des entreprises et des personnes qui contribuent à la même chaîne de production. C’est ce qu’on appelle en anglais le “cluster effect”, principale valeur ajoutée des zones numériques dans le monde.
Le ministère des Télécoms mise sur l’hébergement d’une centaine de PME dans le Beirut Digital District d’ici quatre à six ans, qui contribueront à la création de plus de 1 000 emplois. L’incubateur libanais Berytech a été l’un des premiers à y prendre un immeuble.
La gestion de la zone est assurée par le promoteur immobilier ZRE, détenu en majorité par la famille libanaise Zein (et non la koweïtienne Zain qui possède Zain Telecoms, l’opérateur de Touch). Cette dernière a, aux côtés de milliers d’autres propriétaires, des terrains à Bachoura, un quartier délaissé depuis la fin de la guerre du Liban. ZRE investit plusieurs centaines de millions de dollars dans la zone. En pariant sur sa réussite, ZRE mise sur une revalorisation à long terme de toute la région. D’ici à cinq ans, le BDD couvrira une zone de 38 000 mètres carrés, dont
26 000 de bureaux ; il devrait compter cinq immeubles.  La scène entrepreneuriale libanaise a accueilli la nouvelle avec prudence, attendant de voir si le BDD ne sera pas « juste un autre projet immobilier ».

MTC Touch devient Touch
L’opérateur de téléphonie mobile MTC Touch a officiellement changé de nom en juin 2012, pour s’appeler désormais Touch. La marque MTC appartient à l’opérateur koweïtien Zain en charge de la gestion du réseau alors que la marque Touch appartient à l’État libanais.  Ce qui signifie que si le contrat de gestion avec Zain vient à prendre fin, le nouvel opérateur ne pourra pas utiliser le nom MTC. Le lancement de la nouvelle identité commerciale, dont le coût n’a pas été dévoilé, a été accompagné par une vaste campagne médiatique, réalisée par l’agence JWT.



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