Construire des maisons écologiques pour dégager des crédits carbone qui sont ensuite revendus sur le marché : c’est le business plan de Green Future. Cette entreprise libanaise exploite sa triple compétence en lobbying, en finance et en écologie pour surfer sur la vague verte.

Green Future est née de la rencontre d’un ingénieur en chimie Bernard Ammoun et d’un financier Liwa Saleh. L’un rêvait de mettre au point des maisons écologiques, l’autre voulait investir au Liban. De la fusion de ces deux ambitions a jailli l’idée de projets écologiques générant des crédits carbone revendus sur le marché. La maison Nageeb (National Action for Growing Energy Efficient Buildings) au bilan énergétique faible illustre la logique de ce business plan.

Une maison “verte”

La maison Nageeb est « la plus écologique possible », selon Liwa Saleh. Elle génère 90 % de son électricité grâce à des panneaux solaires, propose un chauffage basé sur la combustion de déchets combustibles, un système de récupération des eaux de pluie et des toilettes-compost. Elle reprend l’architecture des vieilles bâtisses libanaises, et s’est également inspirée de leur système de répartition de la chaleur pour exploiter le soleil d’hiver et contrer le soleil du Sud. Combiné à une isolation performante, ce système maintient la température à l’intérieur de la maison sans système de régulation à 17-18 °C l’hiver et 25 °C l’été. Afin de garantir un espace d’autosuffisance alimentaire, les maisons ne doivent pas s’étendre sur plus de 15 % du terrain sur lequel elles sont construites, il y est prévu d’introduire des cultures biologiques.

Le carbone, pièce maîtresse du business plan

Bien que la plupart des matériaux soient importés de l’étranger, ce qui suppose de lourdes émissions de carbone pour leur acheminement, cet assemblage de procédés écologiques est rétribué par des crédits carbone : le premier prototype de la maison Nageeb construit au Canada économiserait 40 à 60 tonnes de carbone par an selon les audits de l’Onu, ce qui correspond à 40 à 60 crédits carbone. L’entreprise les revend ensuite sur le marché du crédit carbone. Les deux associés misent donc sur l’augmentation du cours du crédit carbone pour dégager des bénéfices, leur taux de marge sur le prix de vente d’une maison étant de 5 à 7 %. Pour le moment, un crédit carbone s’échange contre 0,8 dollar sur le marché.

Des crédits à taux zéro

Liwa Saleh a observé que le coût du financement d’un projet immobilier peut être un frein à l’achat au Liban, compte tenu des taux d’intérêt élevés (7-8 %). Green Future a donc convaincu la Banque du Liban d’aider les acheteurs à financer leur projet d’achat d’une maison écologique en leur proposant des prêts couvrant le montant total de la maison à 0 % sur 10, 15 ou 20 ans avec un report du premier remboursement quatre années après l’achat. « Il nous a fallu trois ans de négociations avec la Banque du Liban pour arriver à cet accord ! » explique Liwa Saleh. Le prix de vente de ces maisons oscille entre 120 000 dollars pour une surface de 180 m2 et 180 000 dollars pour une surface de 280 m2.
L’étude de faisabilité menée avec la Banque du Liban a permis d’établir un objectif de vente de 5 000 maisons. Pour 2013 et 2014, 1 500 maisons figurent sur le carnet de commandes de Green Future. L’entreprise travaille directement avec les municipalités. Dans les deux prochaines années, 60 maisons Nageeb devraient être installées du côté de Chatine, dans le Nord, et 20 autres à Faqra, au Kesrouan. Dans le Sud, Jouaya près de Tyr, Mechref au nord de Saïda et Jezzine à l’est de Saïda ont prévu d’allouer respectivement 60 000 m2, 250 000 m2 et un million de mètres carrés pour la construction de ces maisons. Cependant, l’entreprise compte vendre son modèle au-delà des frontières du Liban : elle cible en particulier les pays dont les ressources en eau et l’accès à l’énergie sont limités ou chers : le Maroc, l’Irak, l’Équateur, le Salvador, le Brésil...