Connaissez-vous l’obeidi ? Si vous êtes Libanais, vous devriez. C’est le cépage de raisin, qui sert à la fabrication de l’arak traditionnel.

Planté sur quelque 800 hectares, notamment dans la Békaa et sur les montagnes de l’Anti-Liban, ce cépage blanc est la star (en volume au moins) du vignoble.

« C’est l’un des rares cépages locaux endémiques identifiés à ce jour », explique Diana Salamé, oenologue-conseil.

Endémique ? En clair, cette variété n’existe que dans un périmètre limité, entre le Liban et la Syrie, ce qui le rend emblématique de son terroir comme le cabernet-sauvignon « incarne » les Bordeaux ou le pinot noir les vins de Bourgogne.

« Beaucoup pensent que sa structure végétale, ses grappes, même l'apparentent au cépage chardonnay , dont on dit qu’il pourrait être l’ancêtre. A titre personnel, je pense qu'il est plus proche du sémillon », ajoute-t-elle.

Pourtant, malgré ce « succès de masse », l’obeidi reste un mal-aimé. Très peu de vignerons l’emploient dans l’assemblage de leurs vins.

Surtout, aucune cave n’avait encore lancé sur le marché un 100 % obeidi. La raison ? « L’obeidi ne répond pas aux tendances actuelles où dominent des cépages très aromatiques comme le sauvignon, le chardonnay ou le viognier. C’est un cépage au bouquet plus discret, aux arômes plus fins », reprend l’œnologue.

Pour la première fois, une propriété saute donc le pas : Domaine Wardy propose un monocépage baptisé Obeïdeh.

« Nous avons sélectionné de vieilles vignes, au moins 20 ans d’âge, issues de parcelles situées en altitude dans la région de Zahlé », explique Aziz Wardy, qui dirige le Domaine Wardy (Zahlé).

Depuis plusieurs années, Wardy tente d’acclimater ce raisin à la production de vin. « Nous menons ici une expérimentation de longue haleine. Car contrairement aux cépages internationaux, nous n’avons pas de référent. Nous devons au contraire construire nous-mêmes le cadre pour l’aider à s’exprimer au mieux », ajoute Aziz Wardy.

Malgré ces tâtonnements, Aziz Wardy ne veut pas en démordre : les cépages autochtones peuvent être une piste d’avenir pour le vignoble libanais.

« Derrière ce premier Obeïdeh 2012, il faut aussi voir une réflexion sur l’identité du vignoble libanais dans son ensemble. »

Pour lui, le Liban pourrait jouer comme l’Espagne naguère : les cépages internationaux (cabernet, chardonnay, syrah et merlot…) ont été progressivement implantés, surtout dans les nouvelles zones viticoles et pour les « vinos de la tierra » (l’équivalent français des « vins de pays »). Mais une place de choix a toujours été laissée aux cépages autochtones qui continuent de tenir le haut du vignoble avec, par exemple, le tempranillo, cépage roi de la région vinicole de Rioja.

Alors que faut-il en attendre de cette Obeïdeh 2012 ? Pour Diana Salamé, ce monocépage joue sur une minéralité presque tonitruante.

« En bouche, on constate une note « cendrée », « toastée », qui devrait s’affirmer plus encore avec le temps. Il se distingue par son gras qui enrobe littéralement le palais », ajoute le propriétaire.

« Le vin a vieilli 12 mois en barriques, non neuves », précise Aziz Wardy. Pour son millésime 2012, Domaine Wardy commercialise seulement 1200 bouteilles, vendues en exclusivité à la cave de Zahlé pour un prix public de 20 dollars. .