Dans un interview exclusive, accordée le 8 juin à la chaîne américaine CNBC, le gouverneur de la Banque du Liban (BDL), Riad Salamé, a confirmé la fermeture de quelque 100 comptes bancaires liés à des institutions ou des personnes, proches du Hezbollah.

« De par la loi, vous avez des personnes ou des institutions qui figurent sur la liste Ofac (ndlr : Bureau de contrôle des avoirs étrangers du Trésor américain). Dans ce cas, les banques ont l’obligation de fermer leurs comptes immédiatement sans autre formalité supplémentaire », a-t-il assuré à la journaliste de la chaîne américaine.

Ces fermetures de comptes interviennent dans le cadre des demandes formulées par l’Ofac. C’est ce bureau qui s’assure de la mise en oeuvre du « Hezbollah International Financing Prevention Act of 2015 » (HIFPA 2015), une loi votée fin décembre par le Congrès américain et transcrit, en mai dernier, dans des circulaires de la Banque du Liban.

« Au début de la mise en œuvre des circulaires, nous avons fait face à des réactions violentes », explique Riad Salamé à CNBC. Une référence aux déclarations publiques de plusieurs députés du Bloc parlementaire du Hezbollah, accusant alors la Banque centrale de « se plier » aux diktats américains et de « contribuer à une guerre d’élimination interne ».

Mais « aujourd’hui, les choses sont davantage sur un mode du “wait and see”. La façon dont nous appliquons la loi américaine est rationnelle et juste. Quoi qu’il arrive, l’intérêt du pays reste notre priorité », a-t-il encore fait valoir.

Depuis le vote fin décembre de l’HIFPA, l’Ofac a transmis à la BDL une liste des 99 noms de personnes physiques ou morales libanaises visées par les sanctions américaines. Ce sont ces comptes qui se retrouvent aujourd’hui bloqués.

« Nous ne discutons pas les décisions de l’Ofac. Nous les mettons en œuvre de manière automatique », s’est encore justifié le gouverneur de la banque centrale libanaise. Car en la matière, la BDL n’a pas le choix, si elle veut préserver l’intégration du secteur bancaire libanais sur le marché international.

« Là où nous pouvons agir, c’est dans les vérifications menées. Nous devons nous assurer que les banques [libanaises, NDLR] ne ferment pas de comptes sans mener les vérifications nécessaires, en particulier sur l’activité des comptes incriminés. »

Le gouverneur de la Banque centrale n’a pas donné davantage de détails quant aux comptes concernés. Dans son édition du mercredi 8 juin, le quotidien Al-Akhbar cite plusieurs institutions dont les comptes bancaires auraient été fermés selon lui, en particulier l’hôpital al-Rassoul el-Aazam, situé à l’entrée de Bourj Barajné, dans la banlieue sud de Beyrouth.

L’hôpital n’a pas confirmé, mais certains de ses fournisseurs contactés par Le Commerce du Levant ont affirmé n’avoir pas été payés depuis plusieurs semaines, alors que l’établissement est en général ponctuel. « Une première, pour nous », assure l’un d’entre eux « qui pense toutefois que l’hôpital pourrait basculer vers du paiement en cash. »

Autres centres hospitaliers visés par le gel de ses avoirs bancaires, selon le Akhbar : l’hôpital Saint-Georges de Hadath, détenu par l’hôpital Al-Rassoul el-Aazam ainsi que ceux de Baalbeck et de la Békaa Ouest, deux centres dans l’orbite de l’institution Al-Shahid, une association du Hezbollah qui prend en charge les familles des morts au combats ou des victimes de bombardements. L’article du Akhbar mentionne qu’il pourrait s’agir, dans le cas de cette association religieuse, de « centaines voire de milliers de comptes ».

Enfin, l’hôpital Bahman, détenu par la fondation Al-Mabarrat de feu Hussein Fadlallah, n’a plus accès à ses comptes bancaires depuis déjà plusieurs semaines. La fondation tente pour l’heure de négocier « à l’amiable » avec les banques loin des projecteurs des médias, selon al-Safir.

« Ces sanctions vont très loin », s’inquiète le Akhbar. Quid des employés qui ont des crédits bancaires ? Comment les rembourseront-ils ? Quid des fournisseurs ? Quid des transferts de l’Etat aux hôpitaux ? « Devront-ils tous être payés en liquide ? »

Les répercussions de l’application de la loi américaine sur le tissu social et économique du Liban ne font que commencer.