Mercredi 24 août, la cour d’appel fédérale de New York a rejeté la requête d’une dizaine de plaignants, victimes d’attaques de roquettes du Hezbollah pendant la guerre de 2006. Ces plaignants de différentes nationalités réclamaient la condamnation de la Lebanese Canadian Bank (LCB) au titre de complicité de terrorisme et demandaient le paiement de dommages et intérêts.

La LCB ayant été accusée en 2011 par les autorités américaines d’avoir contribué à blanchir au moins 230 millions de dollars provenant de trafic de drogue, et à financer le Hezbollah, classé par le département d’Etat américain comme une organisation terroriste. Démantelée, ses actifs sont passés sous le contrôle de la SGBL.

Pour justifier d’un procès aux Etats-Unis, les victimes - dont des Israéliens, des Américains et des Canadiens - ont invoqué les règles de l’Alien Tort Status (ATS), lesquelles autorisent des non-américains à réclamer des dommages et intérêts devant les juridictions fédérales américaines en violation des « lois de la nation », à l’encontre de personnes situées sur le sol américain.

Le demandeur doit alors justifier que l’auteur (non-américain) du délit (commis en dehors des Etats-Unis) se trouve sur le territoire américain ou qu’il y dispose de biens.

Dans l’affaire de la LCB, les avocats des victimes estimaient que l’ancienne banque libanaise, qui ne possédait pourtant ni employés ni locaux sur le sol américain, avait facilité l'attaque du Hezbollah contre des civils, du fait de virements de plusieurs millions de dollars, diligentés par ses services, sur le compte de la Fondation « Shahid », qui dépend du Hezbollah.

Les opérations étant effectuées par l’intermédiaire de l’American Express Bank Ltd., un établissement dont le réseau couvre, lui, les Etats-Unis, justifiant ainsi l’action intentée.

Au terme de plusieurs années de procédure et de trois appels en cinq ans, la cour d’appel de New York a cependant refusé de suivre les plaignants : la cour américaine a considéré qu’elle n’était pas compétente pour statuer sur la base des dispositions de l’ATS dès lors qu’il il s’agit de sociétés.

Les trois juges, qui ont rendu leur décision à l’unanimité, ont rappelé que la cour était tenue par sa jurisprudence et ce jusqu’à ce que la cour suprême des Etats-Unis ou une formation spéciale de la cour d’appel opère un revirement.

Jusqu’à présent, en effet, les tribunaux américains ont rejeté de manière constante la demande des victimes dans des cas similaires : l’affaire Kiobel (2010) et celle de l’Arab bank (2014), le premier réseau bancaire jordanien, accusé de financer un groupe considéré comme terroriste par les Américains, le Hamas palestinien.

A chaque fois, les tribunaux américains ont estimé que des personnes morales ne pouvaient être poursuivies en justice pour des violations des droits humains au titre de l’ATS.

Dans l’affaire Kiobel, les requérants se sont pourvus devant la Cour suprême des Etats-Unis et perdu en 2013.

Dans l’affaire de l’Arab bank en revanche, après que le procès intenté sur la base de ATS a été perdu, des citoyens américains ont entamé une nouvelle procédure, sur la base cette fois du « Financial Terrorism Act ».

La banque jordanienne a alors été reconnue coupable de financement terroriste en 2014, une première dans un procès civil de financement terroriste aux Etats-Unis. Pour éviter de débourser des millions en dédommagements, l’Arab bank a signé en 2015 un accord avec plusieurs centaines de plaignants dont on ignore encore aujourd’hui le montant global.

Un tel scénario pourrait peut-être se reproduire pour la LCB. Auparavant toutefois, la cour suprême des Etats-Unis devra trancher à nouveau. Les avocats des plaignants ayant d’ores et déjà annoncé qu’ils entendaient faire appel devant sa juridiction.