Les promesses n’engagent que ceux qui les croient. En la matière, Donald Trump, aura été exemplaire. Lors de sa rencontre avec le Premier ministre libanais, Saad Hariri, ce 26 juillet à Washington, le président américain a ainsi assuré que « l’assistance américaine peut aider l’armée libanaise à se maintenir comme le seul gardien des besoins du pays » ajoutant aussitôt : « l’armée des Etats-Unis a été fière de contribuer à ce combat et nous allons continuer à le faire », sans toutefois être plus précis.

Or, l’administration Trump envisage des coupes sombres dans l’aide allouée au Liban, destiné à alimenter les actions du département d’Etat, responsable de la diplomatie américaine, ainsi que de son agence de développement international USAID. Même s’il a très peu de chance d’être voté en l’état, le budget 2018 présenté, en mai dernier, envisage une réduction globale de plus de 50 % des fonds pour le Liban. 

En 2016, l’aide économique au développement et l’assistance militaire américaines au Liban ont représenté 213,5 millions de dollars. En 2018, le budget table sur une enveloppe de seulement 103,8 millions de dollars.

« C’est un changement radical de paradigme en ce qui concerne la politique américaine. La nouvelle administration entend montrer qu’on peut fonctionner de la même manière avec beaucoup moins d’investissements. C’est aussi une remise en cause des fondements du multilatéralisme », décrypte Joseph Bahout, chercheur invité au Programme du Moyen-Orient du think tank américain Carnegie (Washington), et spécialiste de la Syrie et du Liban.

Baisse de 82 % de l’aide militaire
Si l’aide économique chute de 22,7 % entre ces deux années de référence (passant de 110 millions à 85 millions pour l’année prochaine), c’est l’assistance militaire au Liban, pourtant présenté comme un « partenaire clef » de la lutte contre les mouvements islamistes, qui prend de plein fouet ces coupes budgétaires : l’aide à l’armée libanaise chute de 82 %, passant de 103 millions de dollars en 2016 à seulement 19 millions en 2018 !

En cause ? L’arrêt d’un important programme de formation et d’équipement militaire, le Foreign Military Financing (FMF), d’un montant de 85,9 millions de dollars en 2016.

Certes, le Liban n’est pas le seul pays concerné : le projet de loi de finances 2018 fait la part belle à la doctrine America first, sur laquelle Donald Trump a construit toute sa campagne électorale.

Concrètement, cela signifie que la nouvelle administration prévoit de trancher à très grande échelle (-28 %) dans les ressources allouées (37,6 milliards de dollars) aux opérations extérieures, en premier lieu au budget du département d’Etat.

Malgré cela toutefois, le programme militaire se maintient pour des pays comme l’Egypte (montant inchangé, 1,3 milliard de dollars), Israël (inchangé à 3,1 milliards de dollars), ou la Jordanie (- 20 % à 350 millions de dollars en 2018).

Punir l’armée libanaise
C’est cette « inégalité de traitement » qui fait dire à certains que le cas libanais n’est pas anodin. « Les États-Unis ont commencé à investir lourdement dans le renforcement des capacités de l'armée libanaise après 2006 avec l’idée que si vous construisiez les institutions nationales du Liban, cela réduirait le pouvoir relatif - et le besoin perçu - du Hezbollah dans la population du Liban », rappelait notamment Andrew Exum, ancien secrétaire adjoint de la Défense dans l'administration Obama, au Christian Science Monitor (18 juillet 2017).

En tout, l’assistance militaire américaine a porté depuis 2005 sur 1,4 milliard de dollars au Liban. Sans compter le Pentagone, dont les opérations avoisinent les 90 millions de dollars.

Mais la nouvelle administration semble estimer que l’investissement n’a pas porté ses fruits : « le programme d'aide militaire au Liban depuis 2006 n'a pas rempli l'objectif assigné : que les forces armées libanaises contrecarrent le Hezbollah », a déclaré à l’AFP Joe Macaron, du Cercle d'analyse Arab Center à Washington.

En ligne de mire notamment, l’imbrication grandissante de l’armée libanaise et de la milice chiite comme dans les opérations, menées en vue de la reprise du Jurd de Ersal.

Trump n’a d’ailleurs pas hésité à assurer que : « Le Liban [était] en première ligne pour combattre le Hezbollah », positionnant le groupe libanais au même niveau qu’Al-Qaida ou que l’Etat islamiste alors que celui-ci participe au gouvernement et à la vie parlementaire libanais.

« L’affaiblissement de l’assistance militaire est avant tout un symbole. Sur le terrain, des militaires américains continuent d’opérer avec les Libanais et du matériel de pointe est toujours livré à l’armée libanaise », précise encore Joseph Bahout.

Le Liban devrait ainsi recevoir d’ici octobre deux Super Tucano ainsi que 32 véhicules de combat blindés, des M2 Bradley, faisant du Liban le 3e pays au monde aux côtés des États-Unis et de l'Arabie Saoudite à détenir ce genre d’équipement.

Durcissement vis-à-vis de l'Iran
C’est pourquoi d’autres analystes voient dans les mesures budgétaires prises la conséquence du durcissement de la diplomatie américaine dans la région : « S’il existe un point sur lequel l’ensemble de la nouvelle administration se réconcilie, c’est l’Iran. Il y a désormais des pressions pour que le gouvernement libanais, le peuple lui-même, « prennent ses responsabilités », poursuit Joseph Bahout. Chez certains analystes américains, on trouve même l’idée qu’il faut « taper là où ça fait mal » pour obliger le pays à agir contre le Hezbollah, considéré comme le représentant iranien au Liban », ajoute-t-il. « C’est extrêmement dangereux ».

Dans ce repositionnement, le rôle du Hezbollah est un point d’abcès grandissant entre les deux partenaires. Les nouvelles sanctions économiques, présentées devant le Congrès américain le 20 juillet, semblent en ce sens un autre signe de la détérioration des relations libano-américaines.

A se demander si la présentation par Donald Trump du Hezbollah comme d'un groupe terroriste à l'image d’Al-Qaida ou de l’Etat Islamique, contre lequel le Liban lutte, est bien une « énième bourde » du Président américain ou s’il faut y voir l’expression de ce nouveau paradigme diplomatique…