Un article du Dossier

Liban-Chine : des relations encore timides

La Chine cherche à sécuriser l’approvisionnement et la circulation des matières premières, notamment énergétiques, dont elle a besoin pour assurer la croissance de son économie. Elle souhaite également élargir et diversifier ses marchés. Cette expansion ne se fait pas sans heurts.

Forte de sa croissance à deux chiffres des dernières décennies, la Chine a développé une puissance financière considérable dans les années 2000. Celle-ci est due notamment à ses réserves de change et d’or, les plus élevées au monde, qui, fin 2012, atteignent les 3 312 milliards de dollars. La majeure partie des réserves chinoises sont placées en bons du Trésor américain, peu risqués et aux rendements limités. Un fonds souverain, la Chinese Investment Corporation, a été créé en 2007 avec un capital initial de 200 milliards de dollars. L’argent a été utilisé pour effectuer des placements en actions en Chine ou à l’étranger. Elle a par exemple acquis 10 % de la banque américaine Morgan Stanley.
Les entreprises chinoises, publiques ou privées, réalisent également des investissements directs aux quatre coins du globe. Selon les analystes de l’Irsem (Institut de recherche stratégique de l’école militaire au sein du ministère de la Défense français), Pékin cherche à élargir et diversifier ses marchés, ainsi qu’à sécuriser ses accès aux voies d’approvisionnement et de circulation des marchandises et ressources énergétiques, indispensables au soutien de sa croissance. Le gouvernement chinois n’hésite pas à combiner diplomatie, investissements et aides publiques au développement, pour s’ouvrir les portes d’un marché. C’est ce qu’il a fait en Afrique par exemple, dans des pays souvent délaissés ou sanctionnés par les puissances occidentales, mais riches en ressources dont il a besoin.

400 milliards de dollars d’investissement depuis 2005

L’Afrique subsaharienne a attiré depuis 2005 plus de 100 milliards de dollars d’investissements chinois, selon la Heritage Foundation. Ce think tank conservateur américain suit depuis 2005 les prises de participations de la Chine dans le monde ainsi que les contrats de construction et ingénierie.
Au total, selon les chiffres de la Heritage Foundation, le montant des investissements chinois dans le monde totalise 386,7 milliards de dollars en sept ans, dont 79,76 rien que pour 2012, année record. Ses analystes expliquent que les Chinois sont prêts à payer le prix nécessaire pour obtenir les ressources dont ils ont besoin. Ils ont notamment investi dans l’énergie (pétrole, gaz et électricité), les métaux, la finance, l’immobilier et la construction. Les sociétés chinoises, qui ont tendance à se déplacer en groupe, se concentrent aujourd’hui sur les États-Unis, qui sont le plus grand bénéficiaire de leurs investissements (17,5 milliards de dollars en 2012).

Un intérêt pour les pays arabes en croissance

Par comparaison, les pays arabes n’ont bénéficié “que” de 58,2 milliards de dollars d’investissements chinois depuis 2005, notamment dans les secteurs de la construction et de l’ingénierie. Au sein du Moyen-Orient, ce sont l’Arabie saoudite et l’Algérie qui attirent le gros des financements : 12,9 milliards et 10,5 milliards respectivement. 
Mais au vu de la faiblesse actuelle des économies européennes et américaines, le monde arabe apparaît de plus en plus attractif pour les exportations chinoises et une cible potentielle pour les investisseurs chinois. La multiplication des forums sino-arabes en est la preuve. Au-delà de l’intérêt de Pékin pour le pétrole et le gaz de la région, les pays du Moyen-Orient sont aussi bien placés pour aider au développement des provinces de Chine occidentale à forte minorité musulmane, qui sont à la traîne par rapport à leurs consœurs de la côte est, argumente le correspondant du Washington Post en Chine, William Wan. La région de Ningxia, désertique, pauvre et peuplée à un tiers de musulmans, abrite par exemple chaque année un forum arabe, qui peine cependant à décoller.

Une expansion difficile

L’expansion chinoise dans le monde ne se fait pas sans heurts : les gouvernements étrangers sont souvent méfiants vis-à-vis des entreprises chinoises, qu’ils soupçonnent souvent d’espionnage. D’autant que selon la Heritage Foundation, les 20 plus grands investisseurs chinois à l’étranger sont contrôlés par l’État, ce qui représente 92 % du montant total investi environ depuis 2005. Les puissances occidentales se plaignent également du manque de réciprocité dans le traitement de leurs propres entreprises en Chine : cette dernière multiplie les régulations anticoncurrentielles et autres barrières à l’entrée, pour favoriser ses propres entreprises.
D’où les échecs essuyés dans certains cas. Les affaires manquées par la Chine sont estimées à 200 milliards de dollars depuis 2005 par la Heritage Foundation, en raison soit de blocages de la part des pays récepteurs, soit d’une maladresse ou d’un manque de savoir-faire des entreprises chinoises. L’exemple le plus commenté a sans doute été la proposition, faite en 2005, par le groupe pétrolier public CNOOC de racheter l’américain Unocal. L’offre a été refusée par Unocal, après de vives réactions médiatiques et politiques aux États-Unis.

www.heritage.org/research/projects/china-global-investment-tracker-interactive-map

Un aperçu de l’économie chinoise

La Chine cumule les superlatifs : première population mondiale (1,3 milliard de personnes), troisième plus grand pays au monde derrière la Russie et le Canada (9,6 millions de kilomètres carrés, soit 918 fois le Liban ), plus grande nation commerçante au monde (8 870 milliards de dollars d’imports et d’exports en 2012), deuxième puissance économique mondiale derrière les États-Unis avec un PIB de 12 400 milliards (billions) de dollars à parité de pouvoir d’achat…
La Chine cumule également les inégalités : son PIB par habitant est de 9 100 dollars, soit en dessous de la moyenne mondiale, alors qu’elle abrite plus de 120 milliardaires dont 29 nouveaux en 2012, selon le classement annuel de Forbes ; 13,4 % de sa population vit en dessous du seuil de pauvreté ; les régions du centre du pays sont délaissées par rapport aux régions côtières de l’Est qui ont profité de trois décennies de boom économique ; la politique de l’enfant unique signifie que sa population âgée augmente très vite ; la corruption y est monnaie courante ; les atteintes à l’environnement sont nombreuses…
La République populaire de Chine, fondée en 1949 par le Parti communiste, a longtemps été considérée comme l’atelier du monde, avec une industrie qui représente toujours en 2012 près de la moitié de son PIB et emploie 28,7 % de sa population.
À la mort du père fondateur Mao Zedong, vers la fin des années 1970, la Chine se dirige vers ce qui a été appelé une “économie socialiste de marché”. Le gouvernement abandonne l’agriculture collective, libéralise les prix, décentralise la fiscalité… Le secteur public continue de tenir une place importante dans la vie économique, mais les entreprises privées y jouent un rôle croissant et le pays s’intègre fortement dans le système économique mondial. Depuis 2001, la Chine est membre de l’Organisation mondiale du commerce. En mars 2011, le gouvernement adopte son 12e plan quinquennal : il met l’accent sur les réformes économiques et la nécessité d’augmenter la demande interne, faible en raison d’un taux d’épargne élevé des ménages. L’objectif est de rendre l’économie moins tributaire des exportations, soutenues par une monnaie sous-évaluée selon le Trésor américain.
Le libéralisme affiché de la Chine est contesté par diverses études et analyses qui démontrent que les grandes entreprises privées du pays sont de fait avalisées par le Parti communiste au pouvoir, leurs dirigeants appartenant à l’élite du parti. Les quelque 120 à 170 entreprises géantes, dont la Chine s’enorgueillit, font face à peu de concurrence dans leur propre pays et s’internationalisent avec le soutien de leur gouvernement.
En 2012, l’économie chinoise a connu sa plus faible croissance en 13 ans avec 7,8 % de hausse du PIB, contre 10,4 % en 2010 et 9,3 % en 2011. Le ralentissement de l’économie chinoise est dû notamment à celui de la croissance du commerce extérieur, affecté par la crise mondiale : la hausse est passée de 22,5 % en 2011 à 6,2 % l’an dernier. Elle est également la conséquence de facteurs internes : la production industrielle a augmenté de 10 % en 2012 contre 13,9 % en 2011, et les ventes au détail de 14,3 % en 2012, contre 17,1 % l’année précédente.
L’année 2012 a également été marquée par la première transition politique depuis une décennie. Pour soutenir l’activité pendant cette transition, le gouvernement a relancé à la mi-2012 de grands travaux d’infrastructures, notamment dans les chemins de fer. Ceux-ci sont parfois critiqués par les économistes pour leur faible rentabilité et le fait qu’ils engendrent souvent de l’inflation. Ils ont également renforcé la dépendance de l’économie chinoise aux investissements, qui représentent près de 50 % du PIB selon les chiffres du CIA World Factbook.

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