Pour lutter contre la propagation du Covid-19, le gouvernement libanais a mis en place des mesures de confinement. Ecoles et universités, restaurants, bars, clubs de sport ou encore sites touristiques sont désormais fermés, contraignant les employés de ces secteurs à rester chez eux. Quelles sont les conséquences de ces mesures pour les employés ? Quid du salaire ? Joanna Kyrillos, avocate à la cour, fait le tour de la question.
La pandémie qui frappe l’ensemble du pays n’a pas encore été règlementée : il s’agit d’une situation exceptionnelle et il n’existe aucune réglementation en droit libanais qui pourrait la régir. Cependant, on pourrait considérer que cette épidémie correspond à une situation de force majeure, définie comme «un événement extérieur, irrésistible et imprévisible». La force majeure peut être une cause de suspension du contrat non imputable ni l’employeur ni à l’employé. Dans ce cas, le contrat de travail est considéré comme suspendu et non pas résilié (article 243 du Code des obligations et des contrats).
Cette suspension de l’exécution du contrat de travail entraîne l’interruption de la prestation de travail et dispense l’employeur du versement de la rémunération.
Mais l’abattement opéré sur le salaire des employés doit être strictement proportionnel à la durée de l’arrêt de travail. Aucune réduction supplémentaire n’est possible. Le code du travail ne comporte pas de dispositions autorisant une baisse de salaire et ceci même dans le cas de circonstances exceptionnelles. Une modification de la rémunération serait considérée comme un amendement unilatéral du contrat de travail dont la validité peut être remise en cause par les tribunaux compétents.
Dès lors que la situation de force majeure prend fin, le contrat de travail reprend son cours normal.
Reste à savoir si l’argument de la force majeure va être utilisé pour priver le salarié d’une rémunération lui permettant de subvenir à ses besoins.
Dans les faits comme cela risque-t-il de se passer pour les employés ?
En fait, et bien avant la propagation du virus Covid-19, beaucoup d’entreprises libanaises avaient été déjà contraintes d’adopter des mesures concernant le paiement des salaires étant donné la situation économique, comme la baisse des rémunérations, la diminution du temps de travail, voire même des licenciements sans motifs valables.
L’article 50 du code du travail règlementant le licenciement est pourtant très clair, L’employeur n’est pas autorisé à réduire la rémunération du salarié ni à mettre fin à son contrat de travail uniquement a cause d’une baisse d’activité.
Mais en pratique, le ministère du Travail a essayé de jouer un rôle de médiateur entre les salariés et les entreprises, en encourageant l’acceptation par les employés de la baisse de leur salaire présentée comme une meilleure option que le licenciement, fût-elle considérée comme abusive au regard du Code du travail. Cette solution qui a prévalu durant la crise pourrait être étendue à la situation actuelle.
Le gouvernement pourrait-il prévoir des dispositifs spécifiques, comme le chômage technique en France, pour aider les entreprises ?
En France près de 3.600 entreprises et 60.000 salariés d’entreprises sont passées en activité partielle (aussi appelée «chômage technique») qui permet d’éviter le licenciement. Le salarié touche alors 84% de son salaire net, financé par une aide de l’Etat français. Pour cela, l’entreprise doit faire une demande auprès du Ministère du Travail, qui lui répond dans un délai de 48 heures.
Etant donnée la situation financière de l’Etat libanais, il est peu probable qu’une telle mesure puisse être mise en œuvre.
Existe-t-il des solutions alternatives ?
Oui, le télétravail, si la présence sur le lieu de travail n'est pas indispensable. Par exemple, certaines écoles et universités dispensent des cours à leurs élèves via une application. En France, 27% des entreprises déclarent avoir incité les salariés à télétravailleur en période d’épidémie, et 36% des salariés affirment que leur entreprise les a incités à travailler chez eux afin d’éviter toute contamination ou arrêt du travail. Ces arrangements dépendent de la nature du travail. Il est évident que les employés d’un café ou d’un restaurant ne peuvent accomplir leur travail à distance.
En cas de mise en quarantaine : quid du salaire ?
Le cas de quarantaine n’est pas prévu dans le Code du Travail, on pourrait cependant appliquer les dispositions prévues en cas d’arrêt maladie, il s’agit d’un congé payé permettant au salarié de suspendre son contrat de travail tout en continuant à être rémunéré par son employeur (article 40 du code du travail). La durée du congé varie en fonction de l’ancienneté du salarié, de quinze jours à deux mois et demi de plein salaire. Dans le cas de mise en quarantaine préventive pour les personnes revenant de zones à risque, rien n’est pour l’instant prévu par l’Etat.