Fragilisé par la crise économique, l’industrie du tourisme fait face à une nouvelle baisse d'activité avec l’épidémie de Covid-19. 

Des touristes japonais en excursion  à Saïda
Des touristes japonais en excursion à Saïda crédit : AFP / Mahmoud ZAYYAT

L’épidémie mondiale de coronavirus, qui a fait 41 cas au Liban, heurte de plein fouet l’industrie du tourisme. Pour un secteur déjà mis à mal par la crise économique, et qui contribue en temps normal à près de 7 % du PIB (environ 4 milliards de dollars), c’est un nouveau coup dur.

Les compagnies aériennes se trouvent en première ligne. «L’activité était déjà ralentie. Mais depuis le début de l’épidémie, on constate une nouvelle diminution de 5% des réservations», détaille Matthieu Tétaud, directeur régional d’Air France.

Même constat à la Middle East Airlines (MEA). «Normalement, à cette période, les avions sont remplis à 90 %. Cette année, seuls 75 % des sièges sont occupés», indique Walid Abillama, le directeur commercial de la MEA, qui chiffre lui-aussi à 5 % la part des pertes directement imputables à l’épidémie de coronavirus.

Selon les derniers chiffres communiqués par l’aéroport de Beyrouth, le nombre de passagers en janvier était déjà en baisse de 14% en rythme annuel.

Limitation des déplacements

Les mesures prises fin février par les autorités libanaises pour limiter l’entrée sur le territoire de visiteurs en provenance de Chine, de Corée du Sud, du Japon, d’Iran et d’Italie – sauf pour les Libanais et les étrangers résidant au Liban - a eu des répercussions immédiates : la Middle East Airlines a, par exemple, vu le nombre de passagers sur ses vols reliant Beyrouth à l’Italie divisé par deux.

A leur tour, les pays du Golfe ont pris des mesures similaires vis-à-vis des ressortissants Libanais. L’Arabie saoudite, qui avait précédemment suspendu la Omra, le petit pèlerinage, a annoncé ce lundi que ses aéroports n’accepteraient plus d’avions en provenance du Liban pour une période de 14 jours. Pour la MEA, cela représente une perte supplémentaire de 15 % de son trafic habituel.

Le Qatar a également annoncé refuser l’entrée des passagers en provenance du Liban jusqu’à nouvel ordre. Ces nouvelles décisions ont poussé la MEA à suspendre ses vols vers le Qatar, l’Arabie Saoudite et la Koweit. La compagnie s’est engagée à annuler tous les frais liés à la modification ou au remboursement des billets d’avion jusqu’au 31 mars.

Outre l’absence des touristes, c’est toute la clientèle professionnelle qui disparaît désormais avec le développement de l’épidémie. «Aujourd’hui, le coronavirus impacte en plus les déplacements professionnels qui représentaient 40 % de notre activité», concède Nadine Kurban-Boutros, dont l’agence a vu son chiffre d’affaires moyen mensuel divisé par deux depuis le début de la contestation.

Une majorité d’entreprises limitent les voyages d’affaires de leurs collaborateurs au strict minimum. «On interdit les déplacements dans les pays où l’épidémie fait rage – la Chine, l’Italie…- et on limite à des impératifs professionnels dûment vérifiés les voyages dans la région», témoigne Nada Abi Saleh, directrice de l’agence Leo Burnett à Beyrouth.

Effet ricochet

Sans surprise, la baisse du trafic aérien se répercute sur l’ensemble des acteurs du secteur tourisme. «La location de voitures a baissé de 30 %», atteste la directrice de l’agence de voyages Kurban, qui gère ce service pour ses clients.

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Mais ce sont surtout dans l’hôtellerie et la restauration que les conséquences sont les plus visibles. Le secteur avait déjà enregistré une baisse d’activité historique depuis octobre. Selon la Fédération des syndicats du secteur touristique, les pertes avoisinaient les 700 millions de dollars et le taux d'occupation des hôtels ne dépassait pas 10 à 20% pour les deux premiers mois de 2020 alors qu’il frôlait les 60 % en janvier 2019.

La crise du coronavirus vient donc s’ajouter à la crise économique. Par mesure de précaution, les autorités libanaises ont choisi de fermer les discothèques et les bars jusqu’au 15 mars. «Cette décision va évidemment avoir un impact sur tout le pays. La crise du coronavirus est catastrophique pour le secteur du tourisme au Liban comme dans les autres pays», regrette Tony Ramy, président du Syndicat des restaurateurs.

Pour le moment, les restaurants, où le nombre de couverts est limité, restent ouverts mais sont soumis à des normes stricts d’hygiène, comme la désinfection fréquente des tables, chaises, menus…

À cela s’ajoute le report de grands événements. L’hôtel Movenpick a ainsi enregistré l’annulation de plusieurs conférences au mois de mars. «Nous devions également recevoir des groupes scolaires pour célébrer la fête des enseignants. Avec la fermeture des écoles par les autorités, ces groupes ne viendront pas», relate Cynthia Flouty, directrice des ventes et du marketing de l’établissement, qui estime le manque à gagner à près de 80 000 dollars pour l’hôtel.

Panique générale

Dans les prochaines semaines, la situation ne devrait guère s’arranger. «Il y a une panique générale avec les nouvelles restrictions aérienne dans les pays du Golfe», regrette Nadine Kurban-Boutros.

La MEA s’attend encore à 15 à 20 % de passagers en moins. Des projections en phase avec celles de l’Association internationale du transport aérien (IATA) : en cas d’une propagation limitée du Covid-19, l’IATA table sur une baisse de 7 % du nombre de passagers sur l’ensemble des vols à destination du Moyen-Orient (à l’exclusion de l’Iran). En revanche, dans le cas d’un développement massif, l’association estime la baisse à 23 %, soit 4,9 milliards de dollars de revenus en moins, pour le Liban, Bahreïn, l’Iraq, l’Iran, le Koweït, et les Émirats arabes unis.