Un article du Dossier

Une année d’expectative sur les marchés financiers

Si les marchés d’actions bénéficient de la relative reprise mondiale, les marchés obligataires eux sont plutôt mal en point. Les nouvelles concernant la dette publique ne sont pas engageantes : mi-juin, le taux à 10 ans de l’Espagne a atteint un record à la hausse depuis la création de la zone euro à plus de 7 %. Une hausse qui est la conséquence de la dégradation de la note du pays par l’agence de notation Moody’s. Cette situation inquiète les marchés, car le seuil de 7 % est celui à partir duquel la Grèce, l’Irlande et le Portugal sont entrés dans le rouge. L’Italie est également dans le collimateur des opérateurs : les taux à échéances longues des émissions mi-juin ont dépassé les 6 %, mais Rome a réussi à lever les 4,5 milliards d’euros qu’elle espérait. Cette hausse des taux creuse l’écart avec l’Allemagne, dont le taux est une référence, et avec les pays plus solides tels que la France et le Royaume-Uni qui ont atteint des bas historiques. Et les perspectives à court terme sont incertaines. La Banque centrale européenne (BCE) n’achète plus actuellement de dette souveraine sur le marché, ce qui ferait pourtant baisser les taux. On constate également que le deuxième plan de refinancement à long terme sur trois ans (LTRO, Long Term Refinancing Operation) de la BCE, qui consiste à prêter aux banques, et les améliorations apportées au plan de sauvetage de l’euro n’ont pas empêché les écarts de rendements obligataires d’augmenter. Ces craintes se sont traduites par une vague d’achats de dettes de pays sûrs, comme lors de chaque poussée de fièvre depuis le déclenchement de la crise de la dette en mai 2010. De nombreux gérants de fonds ont même décidé de sortir de la zone euro par peur d’une mutualisation du risque et se précipitent sur les bons du Trésor américains. Si la pression sur les pays en crise venait à s’alléger, les rendements des Bunds devraient remonter. Mais à l’inverse, « le pire scénario serait que l’Allemagne ait à fournir davantage de garanties pour les autres pays de la zone euro, dans ce cas les rendements à long terme pourraient exploser à la hausse », prévient la banque suisse UBS dans sa parution “Investor’s guide” du mois de mai.
Outre-Atlantique les perspectives sont plus stables, avec un rendement de l’obligation du Trésor à 10 ans qui fluctue autour de 1,6 %. Les perspectives encourageantes de croissance devraient pousser les rendements à moyen terme. « Nous conseillons de ne pas s’engager sur un trop long terme en fixed income, sauf si l’on est prêt à attendre la maturité de la dette », recommande Nadim Kabbara, qui dirige le département recherche de la FFA Private Bank. Antoine Salamé, d’Optimum Invest, remarque que les investisseurs se jettent sur les bons américains.   « Une fois qu’ils seront sur-achetés, il faut s’en débarrasser en prévision des hausses de taux d’intérêt », conseille-t-il. Dans les économies émergentes, la dette, en devises locales et étrangères, demeure un bon placement dans une perspective à long terme d’appréciation des devises locales, notamment en Asie. Mais il est recommandé d’analyser la santé financière des pays au cas par cas, car certains sont mal en point comme le Belize en Amérique centrale, qui menace de faire faillite. La Chine, face au ralentissement de sa croissance, envisage la baisse possible de ses taux d’intérêt. La Banque centrale a annoncé mi-juin une baisse surprise d’un quart de point de ses taux directeurs.

Bons rendements des obligations privées

Du côté des émissions de dette d’entreprise, les nouvelles sont meilleures. Selon la parution “Investor’s guide” d’UBS, les obligations corporate “investment grade” ont affiché un rendement total de 4 % au premier trimestre 2012, un niveau rarement observé ces dernières années. Pour la banque suisse cela s’explique par la baisse de la prime de risque sur la dette des entreprises moins bien notées qui opèrent sur les marchés cycliques et sur les titres subordonnés. La plupart des spécialistes s’accordent pour dire que les opportunités les moins risquées sont les entreprises disposant d’une notation supérieure ou égale à BBB et disposant d’un bilan sain ; et les sociétés à haut rendement, ou “high yield”, qui peuvent afficher des taux jusqu’à 6 %. « C’est une manière alternative de jouer les marchés d’actions. En Europe, le second LTRO a rassuré les marchés quant à la solvabilité des institutions financières qui peuvent respecter les nouvelles normes prudentielles de Bâle III. « Les importantes liquidités injectées par la BCE suite aux LTRO autorisent un bon rapport risque/rendement pour les titres de créance senior des banques de premier plan et les dettes subordonnées senior (lower tier 2) spécifiques », note Christina Azouri, Senior Investment Advisor au Crédit agricole suisse. Mais certains pays sont plus faibles que d’autres : une détérioration de la qualité des actifs et une augmentation des prêts défectueux, comme c’est le cas dans les banques indiennes détenues par le gouvernement, les mettent sous pression, signale la spécialiste du Crédit agricole suisse. Pour les investisseurs expérimentés, les obligations privées notées “AA” des marchés émergents, assez rares, sont très prisées. En Amérique latine, malgré la vague massive d’émissions, les obligations corporate ont affiché de bonnes performances.
Pour les investisseurs plus frileux, il est possible de se tourner vers les obligations quasi souveraines, émises principalement par des entreprises publiques. Les secteurs intéressants sont les infrastructures, les ressources, les activités liées au service public ou encore les télécoms : tous les secteurs développés en partie par l’État.

Dette publique vs dette corporate

Une note “Flash Marchés” de Natixis datée d’avril 2012 pose la question actuellement sur toutes les lèvres des opérateurs de marchés obligataires : quelle est désormais la meilleure stratégie à adopter compte tenu des turbulences de la zone euro ? Vaut-il mieux miser sur la dette publique de pays considérés “sans risque” comme l’Allemagne ou se tourner vers la dette privée ? La dette allemande, pays considéré comme le meilleur élève de la zone, permet de comparer tous les autres taux, cotés en “spread” par rapport à un taux sans risque. Dans un contexte de crainte quant au futur de la Grèce, de l’Espagne et de l’Italie, les opérateurs se précipitent donc sur le Bund allemand, ce qui participe à garder les taux bas. Pour la publication “Investor’s guide” d’UBS daté de mai 2012, les Bunds allemands et les bons du Trésor américains restent les investissements les plus sûrs et les plus liquides en euros et dollars. Mais la crise a montré qu’on ne peut pas vraiment se fier aux notes données par les agences de notation qui mesurent le risque des entreprises et des États. Les obligations d’État sont théoriquement les plus fiables, mais aujourd’hui les certitudes s’effondrent. Tout d’abord les entreprises qui ont les meilleures notations affichent peu d’endettement et plus de réserves de trésorerie. Par exemple, la dette des entreprises des marchés émergents paie des rendements plus élevés que des obligations d’État à notation égale et leurs échéances sont en général plus courtes, selon UBS. Les États en revanche sont tous endettés. En Allemagne, la dette souveraine atteint 78 % du PIB, alors que la dette des entreprises du DAX représente 40 % de leur chiffre d’affaires (65 % pour le CAC 40). Ensuite, les entreprises s’assurent des revenus internationaux bien répartis géographiquement, alors que les revenus des États sont très dépendants de la conjoncture économique locale. Enfin, le risque politique lié aux résultats des élections peut avoir un lourd impact sur les marchés obligataires. Si les nouveaux élus de la zone euro décidaient de mutualiser les dettes souveraines comme ceci a été évoqué, cela provoquerait la détérioration de la signature de l’Allemagne.

Les obligations sont-elles des placements risqués ?

Les obligations sont des actifs traditionnellement moins risqués que les actions, davantage sujettes aux variations des marchés et à la volatilité. Néanmoins, comme le dit le fameux adage des marchés financiers : « Il n’y a pas de repas gratuit », un placement source de profits est automatiquement source de pertes. Les obligations, comme tout investissement, comportent donc certains risques.

Risque de défaut
Aussi appelé risque de non-paiement. L’entreprise ou l’État émetteur de l’obligation ne peut pas payer le coupon (intérêts) ou le remboursement du nominal (somme initiale). C’est le cas si la société fait faillite ou dépose le bilan. Le cas d’État en faillite est moins courant. Dans ces deux cas, les détenteurs d’obligations sont toutefois prioritaires sur les actionnaires pour récupérer leur nominal. C’est le taux de “recovery”, en moyenne de 40 % pour des obligations en classe investissement (note de crédit allant de AAA à BBB-). Ce risque lié à la solvabilité est évalué par les agences de notation comme Moody’s et S&P.

Risque de marché
Aussi appelé risque de taux d’intérêt. L’évolution du prix d’une obligation va dans le sens inverse de celle des taux d’intérêt. Si l’on conserve le placement jusqu’à échéance, cela n’a pas d’importance, mais dans le cas d’une vente anticipée, une perte de capital est possible.


Risques externes
L’inflation peut réduire la valeur, exprimée en termes de pouvoir d’achat, des cash-flows qu’une obligation génère. Les obligations indexées sur l’inflation, contrairement aux non-indexées ou “nominales”, sont épargnées par ce risque. L’indexation protège contre le risque d’inflation pendant toute la durée de vie de l’obligation et lui assure un rendement réel. L’indexation peut porter sur le capital ou sur les coupons. Les obligations émises par les gouvernements représentent la majeure partie de cette classe d’obligations.
Les risques politiques ou juridiques sont également à prendre en compte. Un gouvernement peut imposer de nouvelles restrictions fiscales ou juridiques sur les titres déjà acquis.

 

dans ce Dossier