Un article du Dossier

Une année d’expectative sur les marchés financiers

Comme annoncé dès l’année dernière dans notre dossier “Où placer votre argent”, les actions reviennent en force dans les portefeuilles des investisseurs. Les remous de ces deux dernières années sur les marchés financiers ont libéré de fortes liquidités prêtes à être investies. « Les marchés d’actions bénéficient de la situation d’incertitude du fait que les taux courts sont bas et sont amenés à rester bas à moyen terme, ce qui augmente l'attrait relatif des actions : les investisseurs doivent bien placer leur argent quelque part », résume Tarek el-Ahdab, vice-président de l’Arab Finance Corporation (AFC).
En 2011, ces marchés d’actions se sont caractérisés par l’hétérogénéité de leurs performances : les zones émergentes ont sous-performé les marchés développés et la zone euro a été la plus mauvaise élève du groupe. Sur le plan sectoriel, les investisseurs ont largement favorisé les valeurs défensives, de sociétés plutôt stables et conservatrices, face aux actions cycliques, plus tributaires des fluctuations de la conjoncture.
Alors quelle stratégie adopter cette année ? La règle de base reste inchangée : il faut privilégier les titres qui proposent des dividendes élevés, dont les entreprises ont un bilan solide avec un potentiel d’appréciation. Et l’analyse doit se faire à deux niveaux : d’une part le champ d’activité de l’entreprise et d’autre part sa localisation géographique. Comme le note Nadim Kabbara, qui dirige le département recherche de la FFA Private Bank, la croissance ne doit pas être forcément excellente pour que les entreprises présentent de bons résultats. Différents types d’actifs sont intéressants : les investisseurs peuvent se tourner vers les fonds collectifs de placement ETF (Exchange Traded Fund), qui reflètent les performances d’un indice ou d’un ensemble d’actions. Ils sont un moyen de se diversifier et d’éviter les risques trop spécifiques. Au Crédit agricole suisse, les gestionnaires de portefeuille recommandent quant à eux le “stock-picking”, à savoir la sélection de titres au cas par cas. Pour Tarek el-Ahdab une des stratégies possibles pour les amateurs de produits dérivés est aussi la vente de “put” sur les indices actions.

Une phase d’ajustement

Mais attention, les détenteurs de portefeuilles d’actions ne doivent pas oublier la forte volatilité des marchés. Entre octobre 2011 et mars 2012, les cours ont fortement monté et se réajustent depuis. « D’ici à la fin de l’année nous devrions voir un processus de digestion des marchés, qui devraient fluctuer pour s’ajuster », estime Nadim Kabbara. Volatilité, correction, consolidation : les professionnels s’attendent à des variations dans les mois à venir. « Cette évolution en dents de scie devrait s’avérer plutôt constructive in fine, à la différence de l’année dernière, et il conviendra d’en tenir compte du mieux possible afin d’optimiser la performance des portefeuilles », considère Christina Azouri, Senior Investment Advisor au Crédit agricole suisse. Elle n’exclut toutefois pas les risques liés aux échéances politiques en Europe, aux mauvaises surprises conjoncturelles et à la pression sur les marges des entreprises avec une hausse limitée des chiffres d’affaires. « Nous prévoyons d’adopter un style d’investissement défensif à ce moment-là, orienté davantage sur des actions présentant qualité, évaluation modeste et support du dividende. »
En termes de secteurs, « les actions les plus défensives sont les entreprises multinationales à large capitalisation boursière, dont l’activité est non cyclique, et qui paient des dividendes élevés. C’est le cas par exemple du secteur pharmaceutique », note Toufic Aouad, directeur général de la banque privée Audi-Saradar. Les grandes entreprises d’exportation présentent également des opportunités. Le Crédit agricole suisse favorise lui les secteurs de la technologie. « Les compagnies européennes avec une exposition aux pays émergents et bénéficiant d’un dollar américain fort, ainsi que les actions de compagnies minières d’or qui traitent à des niveaux attractifs suite à une forte chute en mars et mai », détaille Christina Azouri. Pour elle, le début de l’année a bénéficié aux investisseurs qui s’étaient positionnés sur les marchés émergents, le secteur de la technologie aux États-Unis et, au sein de l’Europe, la Suisse et l’Allemagne.

Zone euro : faire du cas par cas

Le découpage géographique des marchés, bien qu’il ne soit plus aussi fiable que par le passé, révèle de grandes disparités, notamment en défaveur des places européennes. Mais pour beaucoup les actions sont justement une alternative intéressante au marché obligataire du Vieux Continent, plombé par les incertitudes politiques. « La tension continuera à régner en Europe offrant aux investisseurs des opportunités de trading », estime Christina Azouri. L’économiste d’UBS Paul Donovan confirme l’existence de bonnes affaires en Europe, notamment en Allemagne où le secteur de l’exportation est fort. Son credo : étudier les titres au cas par cas. Les valeurs défensives restent un bon calcul, avec les secteurs de la santé et les entreprises produisant des biens de consommation courante. « Cette année l’aérospatial, les technologies et les industries lourdes sont à éviter en Europe », note Nadim Kabbara.

États-Unis : la reprise tant attendue

Le scénario américain est lui plus joyeux. La reprise, bien qu’en demi-teinte, ainsi que les indicateurs des pays émergents poussent les investisseurs à miser sur la croissance des entreprises. Les États-Unis représentent dans le contexte actuel un environnement d’investissement avec moins de risques à la baisse que les pays européens et une surperformance à la hausse. « Ceci a été le cas en 2008, 2009, 2010 et 2011. L’année 2012 ne devrait pas faire exception compte tenu de l’incertitude considérable planant en Europe du Sud et des bons résultats des entreprises américaines, analyse Christina Azouri. Au 7 juin 2012, 95 % des compagnies de l’indice S&P avaient publié les résultats du premier trimestre, dont 69 % supérieurs aux attentes. » Les investisseurs peuvent donc se permettre d’être un peu plus agressifs.
À surveiller, les entreprises de construction qui profitent de la stabilisation du marché de l’immobilier et les compagnies qui produisent de l’équipement agricole. Ces dernières devraient bénéficier de la hausse prévue des denrées alimentaires dans les années à venir. « Les actifs des banques sont toujours à éviter globalement, même si certaines affichent une bonne reprise », signale Nadim Kabbara.


Ralentissement des marchés émergents

Du côté des marchés émergents, les avis sont partagés. Les indicateurs à deux chiffres de ces dernières années nous avaient habitués à des performances exceptionnelles. Le ralentissement de la croissance de nombreux pays du groupe, notamment la Chine et l’Inde, inquiète une partie des investisseurs. Ces derniers étaient jusqu’ici prêts à braver l’instabilité sociale et politique de ces marchés compte tenu des gains potentiels, mais ils révisent désormais cette stratégie. Cette correction de la croissance n’est néanmoins pas alarmante pour les professionnels. « D’un point de vue technique l’indice composite de Shanghai est en phase de correction depuis début mai et nous préférons attendre de meilleurs niveaux d’entrée, mais nous restons positifs sur le marché et la croissance chinoise », précise Christina Azouri. La récente publication des chiffres de l’inflation et des exportations chinoises a par ailleurs rassuré les marchés, et le FMI a renouvelé sa confiance dans les pays émergents. Le PIB par habitant est globalement en hausse, notamment aux Philippines, en Indonésie et en Chine, où le marché domestique se consolide. « Il est intéressant de posséder des actions de marchés émergents dans son portefeuille pour se diversifier et pour profiter des fondamentaux favorables qu’offrent ces marchés, notamment une population jeune et des niveaux de revenus croissants. Mais il faut voir à plus long terme pour viser de bons profits», note Nadim Kabbara. Il met toutefois en garde contre les impacts potentiels du repli des capitaux européens.

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