La tendance est mondiale : les hommes veulent faire peau neuve. Les marques de cosmétiques entendent bien les y aider : nouveau marketing, nouveaux produits, nouvelle distribution. La révolution se fait doucement, mais sûrement…
« Les hommes sont de retour », assure une publicité pour la nouvelle Peugeot ; des hommes qui, sans être efféminés, prennent ouvertement soin d’eux pour la grande joie des marques de soins et de cosmétiques qui voient un nouveau – et juteux – marché s’ouvrir à elles.
Metrosexuel, übersexuel et masculinité
Tout a commencé il y a environ quatre ans : les spécialistes du marketing ont d’abord tâtonné en donnant naissance au concept de métrosexuel (alias David Beckham). Pour ce trentenaire citadin, hétérosexuel, branché et aisé, la virilité façon costume-cravate, cigare et grosse cylindrée était dépassée… Il s’accordait le droit de suivre des régimes, d’acheter de la lingerie, de porter des bijoux et de soigner son corps… Une aubaine pour les marques, jusque-là axées uniquement sur les produits après-rasage et capillaires. Elles proposent désormais des soins sophistiqués, inimaginables auparavant : sérum contour des yeux, soins déstressants, hydratants, défatigants, etc.
Le métrosexuel, un peu caricatural, a récemment cédé la place à l’übersexuel (alias George Clooney ou Zinedine Zidane), auquel le commun des mortels, en particulier libanais, s’identifie mieux : aventurier mais gentleman, viril mais doux, barbu mais soigné… Moins féminisé que le métrosexuel, il souhaite avant tout être lui-même, bien dans sa peau.
Ce concept, concocté par des communicants futés, correspond à une réalité. Selon l’institut Eurostaf, qui a réalisé une étude mondiale sur le marché de la beauté, 74 % des hommes soignent surtout leurs cheveux, 65 % pomponnent leur peau et 32 % sont tentés par la nouveauté. D’après un autre institut, Xerfi, 47 % des Français n’hésitent plus à choisir eux-mêmes leurs produits plutôt que de confier l’acte d’achat à leur épouse, voire d’utiliser en cachette les crèmes de leurs compagnes… Au Liban, on est encore loin de ces proportions, mais le phénomène commence à prendre de l’ampleur. Il se traduit par des changements de comportement notables. « Les hommes parlent plus facilement de leur physique, explique Marie-Hélène Moawad, spécialiste en marketing. Ils n’ont plus de complexe à acheter des produits cosmétiques. Cela dit, ce phénomène reste concentré dans la capitale. Et, à l’inverse de la France, il concerne surtout la tranche d’âge des hommes entre 35 et 40 ans. Les moins de 25 ans vivent encore souvent chez leurs parents, ils poursuivent leurs études et leur pouvoir d’achat est limité. »
Des acteurs de plus en plus nombreux
Il est donc loin le temps où Biotherm faisait une mini-révolution en lançant en 1985 sa gamme masculine sous le slogan “Les hommes ont une peau, c’est nouveau !”. Les hommes ne disposaient pas encore d’un espace spécifique en parfumerie. Aujourd’hui, la marque du groupe L’Oréal continue de dominer le marché du luxe, mais les concurrents se sont précipités dans différentes brèches. En 2001, Vichy relançait en pharmacie sa gamme masculine, tandis que Clarins investissait les parfumeries en 2002.
Avec des taux de croissance frisant les 20 % par an sur certains marchés, la dynamique est très forte sur ce circuit sélectif des parfumeries à la clientèle relativement aisée. Même les nouveaux entrants y trouvent satisfaction. En France, Shiseido Men a pris 7 % du marché en cinq mois, lors de son lancement en 2004. « Cette tendance n’est pas partie de rien, analyse Moawad. Elle repose sur les bases posées par le marché féminin. »
La démocratisation des produits de soins pour homme se manifeste surtout dans la grande distribution, longtemps dominée par la marque Nivea for Men. Ce segment a connu en France une croissance de plus de 100 % en 2004, stimulée par le lancement de Men Expert par L’Oréal-Paris la même année et par la refonte début 2005 de la gamme Adidas Active Skin Care de Coty.
En revanche, en pharmacie les marques innovent peu et communiquent donc nettement moins que sur d’autres circuits de commercialisation.
Une communication très ciblée
Face à une clientèle de plus en plus avisée, il ne suffit plus de décliner au masculin des produits pour femme. Simplicité d’usage et performance adaptée à la peau masculine sont de rigueur pour convaincre le consommateur. « Les codes masculins n’ont pas été modifiés, souligne Marie-Hélène Moawad. Par exemple, les couleurs restent classiques : bleu, noir, gris… Le recours aux stars et aux sportifs reste très efficace, car ils incarnent des modèles réellement virils. » L’übersexuel se veut aussi très proche de la nature, d’où le développement de gammes axées sur le caractère naturel et authentique des produits. Au Liban, les produits atténuant les effets de la pollution ou de la cigarette font un tabac.
Entre stress et surmenage, les hommes d’aujourd’hui ne rechignent plus à prendre un peu soin d’eux, désormais convaincus qu’eux aussi “le valent bien”.