De nombreuses entreprises sont confrontées à des difficultés économiques qui les ont conduites à modifier leur politique salariale, voire à réduire leurs effectifs. Quelles règles doivent-elles respecter en la matière ? “Le Commerce du Levant” répond aux questions les plus courantes.

• La guerre permet-elle à l’employeur
de licencier librement ses employés ?
L’article 50-alinéa (f) du code du travail autorise
l’employeur à licencier tout ou une partie
des salariés pour cause de force majeure ou
pour motifs économiques ou techniques à
condition de respecter certaines règles de
forme. Il doit notifier le ministère du Travail de
sa décision un mois à l’avance et établir un
programme définitif de cessation des contrats
de travail en concertation avec le ministère en
prenant en considération l’ancienneté des
employés dans l’établissement, leur spécialisation,
leur âge, leur situation familiale et sociale
et enfin les moyens nécessaires à leur réemploi.
Les salariés licenciés pour les raisons
citées ci-dessus bénéficient, durant une année
à dater de leur fin de service, d’un droit de priorité
à la réembauche dans l’établissement
duquel ils ont été licenciés, si l’activité y
reprend de manière normale et permet de
pourvoir à nouveau des postes.
• Des dispositions spéciales ont-elles
été décidées pendant cette guerre ?
L’arrêté ministériel no 193/1 publié dans le
Journal Officiel no 42 daté du 31/8/2006 prévoit
une procédure spéciale légèrement différente
de celle édictée à l’article 50-(f) du
code du travail en ce qui concerne la cessation
du contrat de travail pour cause de force
majeure ou pour motif économique, ainsi que
pour cause de cessation définitive de l’activité
de l’entreprise. Ainsi, l’employeur ne peut
mettre fin à un contrat de travail pour les raisons
précitées sans se concerter préalablement
avec le ministère du Travail. Cette
concertation ne concerne plus le programme
définitif de licenciement comme dans l’article
50 précité, mais permet au ministère de se
prononcer quant à la pertinence même de la
décision de licenciement. Cependant, l’arrêté
ne précise pas si l’avis du ministère dans ce
sens est obligatoire. Enfin, l’arrêté délègue à
l’Inspection du travail le pouvoir d’appliquer
ses dispositions. Plusieurs reproches peuvent
être faits à l’arrêté no 193/1. Tout d’abord
celui de ne pas respecter le parallélisme des
formes, dans ce sens qu’un arrêté ministériel
de portée générale ne peut pas avoir pour
effet de modifier les dispositions d’une loi
hiérarchiquement supérieure, à savoir les
dispositions du code du travail. De même,
l’application de l’arrêté précité n’est pas limitée
dans le temps. Enfin, les termes de cet
arrêté ne sont pas clairs et peuvent donner
lieu à plusieurs interprétations.
• Quelle est la sanction du non-respect
de la procédure préalable prévue
par la loi ?
L’arrêté no 193/1 prévoit que le non-respect
par l’employeur de la procédure préalable
obligatoire entraîne la qualification de la décision
de licenciement comme étant abusive,
alors qu’auparavant elle était qualifiée comme
telle par les tribunaux. Mais dans les deux cas,
ce sont les dispositions de l’article 50 relatives
au licenciement abusif qui s’appliquent. Le
délai d’un mois pour intenter une action en justice
pour licenciement abusif demeure applicable.
De même, le juge ne peut condamner
l’employeur à réintégrer le salarié à son poste.
Il peut tout au plus le condamner au paiement
de dommages et intérêts allant de deux à 12
mois de salaire mensuel.
• Qu’est-ce que le licenciement économique
: quelles raisons invoquées peuvent-
elles le justifier ?
L’article 50-alinéa (f) du code du travail ne
donne pas de définition précise et limitative
du licenciement économique. Il donne
comme exemples de circonstances justifiant
un tel licenciement « la réduction du volume
de l’établissement, le remplacement d’un
système de production par un autre ou l’arrêt
définitif du travail ». Cette définition suppose
que la cause du licenciement ne soit
pas inhérente à la personne du salarié et
implique nécessairement une suppression
d’emplois. D’autre part, ce même article
prévoit une procédure collective de licenciement
(une partie ou la totalité des contrats
de travail). Il ne concerne donc pas les licenciements
individuels. À ce titre, le champ d’application de l’arrêté n° 193/1 est plus
large à notre avis que celui de l’article 50-
alinéa (f), dans le sens qu’il vise tous les cas
de licenciements sans préciser si la procédure
est collective ou individuelle.
• L’absentéisme dû à la guerre peut-il
justifier un licenciement ?
L’article 74-alinéa (5) du code du travail dispose
que l’employeur peut résilier le contrat
de travail sans aucune indemnité ni préavis si
le salarié s’absente sans motif légitime plus
de quinze jours par an ou plus de sept jours
de suite. Or, la guerre n’étant pas en soi un
cas de force majeure (cf Le Commerce du
Levant daté de septembre), il faut que le
salarié justifie son absence dans les vingtquatre
heures qui suivent son retour afin de
pouvoir échapper à l’application de cet
article. Dans le cas contraire, son licenciement
n’est pas considéré comme abusif.
• L’employeur a-t-il le droit de réduire
un salaire ?
La réduction du salaire est justifiée par les tribunaux
durant les périodes de crise dans le
cas où le travail fourni par le salarié a été luimême
réduit. Les tribunaux appliquent dans
ce cas le principe de l’équivalence des prestations.
Cependant, cette réduction ne doit
pas s’appliquer à notre avis dans le cas où le
salarié a travaillé normalement. De même,
une réduction définitive du salaire ne peut
pas être décidée unilatéralement par l’employeur
sous peine de considérer le contrat
terminé à la seule responsabilité de ce dernier,
ce qui confère au salarié le droit de
réclamer des dommages et intérêts. Mais si
l’employé continue de travailler sans contestation
de sa part, il est considéré comme
ayant accepté tacitement les nouvelles conditions
imposées par l’employeur.
• L’employeur peut-il contraindre l’employé
à prendre un congé annuel forcé ?
Concernant le congé annuel payé, la règle générale
est la suivante : il revient à l’employeur de
fixer la date à laquelle celui-ci doit être pris selon
les nécessités du travail. Cependant, pour le
congé non payé forcé pour cause de sécurité,
celui-ci équivaut à une suspension du contrat de
travail, qui reprend normalement dès que la
cause de l’interruption a cessé. Ceci est le cas
par exemple des sociétés qui ont dû fermer leurs
portes pour des raisons de sécurité, ou celui de
l’employé qui a été empêché de se rendre au
lieu du travail pour les mêmes raisons. Dans de
tels cas, les tribunaux considèrent que l’employeur
doit réintégrer le salarié à son poste dès
que la cause de l’interruption a cessé. Toutefois,
le salarié n’est pas justifié à réclamer son salaire
pour toute la période de l’interruption.
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• Les employés ont-ils l’habitude de porter
plainte, sachant que le Liban compte
peu de grandes entreprises et donc peu
de possibilités d’actions collectives ?
Il faut savoir que dans tous les cas, qu’on soit
dans le cadre de l’article 50-alinéa (f) du code
du travail ou celui de l’arrêté 193/1, il n’est pas
nécessaire que l’action collective soit intentée
par tous les employés licenciés. Un seul
employé s’estimant lésé peut recourir à la justice
pour faire valoir ses droits, même si les
autres choisissent d’y renoncer. Cependant, les
salariés hésitent en pratique à recourir à la justice.
En effet, si l’action devant le Conseil arbitral
du travail (le tribunal compétent) est
exemptée de droits judiciaires, celle-ci demeure
coûteuse, car le Conseil ne condamne pas la
partie perdante au paiement des honoraires
d’avocat et certains frais de justice (notifications
des parties…). La lenteur de la justice
constitue également un motif de dissuasion,
car le jugement n’est jamais rendu avant une
année dans les cas les plus optimistes.