La guerre a retardé le processus, mais LibanPost espère enfin parvenir à l’équilibre financier, malgré les nombreuses difficultés qui continuent d’entraver son expansion.

LibanPost comptait sur 2006 pour arriver
à une situation d’équilibre financier.
La dernière guerre a retardé
l’échéance jusqu’en 2007, l’activité ayant
accusé une baisse de 37 % en juillet et
août (en rythme annuel), ce qui devrait
affecter les résultats de l’ensemble de
l’année, après une légère baisse des
Le bureau de poste de Riad Solh.
ventes, déjà, en 2005 par rapport à 2004.
LibanPost revient en tout cas de loin, car
elle était, selon son PDG Khalil Daoud, en
2001 dans une situation financière
« désastreuse » due à un chiffre d’affaires
qui était très bas à l’époque, et ses projets
de développements sont nombreux.
L’absence de culture postale au Liban
était le problème initial de LibanPost au
moment de son lancement, il y a cinq ans,
grâce à un partenariat avec le Canada. Ce
service n’existait pas pendant la guerre et
il était très peu fonctionnel les années
d’avant. La société n’a donc pas bénéficié
d’une base de clientèle fiable pour son
redémarrage. S’il est valable pour les particuliers,
ce constat est d’autant plus
grave pour les entreprises qui ont mis en
place leur propre système de distribution
pour pallier à l’absence du service public.
Ainsi, comme la révolution des communications
a mené les sociétés postales à travers
le monde à se réorienter surtout vers
la clientèle commerciale (brochures, publications,
factures…), le handicap est
double pour LibanPost. Actuellement, les
entreprises représentent seulement 57 %
de son chiffre d’affaires, alors qu’elle estime
à 52 millions de pièces par an le volume
postal qui lui échappe sur ce créneau,
soit près de trois fois plus que ce qu’elle
traite à l’heure actuelle. Dans les pays Khalil Daoud explique fièrement qu’en 2003, 2004 et 2006, au cours de compétitions internationales de rapidité et d’efficacité de services de
poste, LibanPost a été sélectionnée parmi les quatre finalistes.
développés, même les services commerciaux
sont menacés par les nouvelles
technologies, et les sociétés postales tentent
de compenser la baisse de leur activité
par le développement d’un troisième
créneau : la livraison des commandes
effectuées en ligne. Un horizon encore
lointain pour LibanPost.
Aujourd’hui, la compagnie traite 20 millions
de pièces par année, un chiffre en
augmentation par rapport aux années précédentes,
mais pas encore suffisant pour
que la société arrive à l’équilibre.
L’objectif est donc dans un premier temps
d’augmenter le volume de 3,5 millions de
pièces par an, avant de commencer à
engranger des bénéfices.
Pour cela, Khalil Daoud applique une politique
qui lui a réussi jusqu’à présent.
« Nous misons avant tout sur la
logistique », dit-il. Il s’agit pour LibanPost
de livrer le courrier ou un colis d’un point
à l’autre dans les plus brefs délais sans
dommage. La société compte désormais
un centre de tri et 57 bureaux de poste, et
emploie 688 personnes (une masse salariale
qui représente 43 % de ses charges).
Sa stratégie commerciale est quant à elle très ciblée. LibanPost travaille au développement
de la clientèle commerciale, un domaine
très porteur, mais difficile étant donné la force
des habitudes prises par les entreprises.
« Nous nous sommes rendus compte que ce
processus serait long avant que le service
devienne rentable », explique le PDG. En
parallèle, LibanPost multiplie donc les services
à valeur ajoutée en exploitant un filon
porteur : la simplification des procédures
administratives, véritable cauchemar des
Libanais.
« Nous avons décidé de servir d’intermédiaire
entre le citoyen et les administrations, afin
de réduire à une seule étape les formalités
nécessaires à l’obtention d’un passeport,
d’une exemption de service militaire, au paiement
de TVA… etc. Le tout, pour la modique
somme de 3 000 à 5 000 livres suivant les
cas. » L’idée est payante, puisqu’elle a
contribué à augmenter le volume des pièces
traitées qui représentent désormais 20 % du
total. L’objectif est de parvenir à une part de
30 % du chiffre d’affaires, grâce à une quarantaine
de formalités proposées.
Elle a toutefois nécessité des investissements.
Car il a fallu inciter les administrations
à repenser leur organisation et à
alléger leurs procédures. « Un processus
qui nous coûte cher (64 % du prix de
vente), mais que nous espérons amortir
grâce au volume des demandes », précise
Khalil Daoud, qui ne souhaite pas toutefois
révéler à quel niveau se situe son seuil de
rentabilité. « Nous voulons développer
l’offre et nous espérons un jour prendre le
dossier de la Sécurité sociale. »
D’autres pistes sont aussi explorées.
LibanPost va bientôt commercialiser des
polices d’assurance – un projet retardé par la
guerre. Elle va aussi créer une société de service
aux entreprises pour l’impression, la
mise sous enveloppe et la distribution pour
des envois en grand nombre. Enfin, « après
deux ans d’efforts, nous avons obtenu une
licence pour la création d’un entrepôt public,
qui sera opérationnel avant la fin de l’année
», annonce le PDG. Cet espace en zone
franche, situé dans les locaux de la poste à
l’aéroport, offrira la possibilité à des entreprises
de stocker leurs marchandises en
franchise de douane et de TVA. LibanPost
leur livrera les quantités qu’elles souhaitent
au fur et à mesure de la demande, tout en se
chargeant des formalités de dédouanement,
explique Daoud. « La tarification de ce service
est encore à l’étude », précise-t-il.
Enfin, LibanPost se lance dans le conseil.
« Nous ambitionnons d’exporter notre expertise
et notre savoir-faire, souligne le PDG, qui dit
avoir déjà été sollicité à plusieurs reprises à
l’étranger. Des contacts sont en cours et nous
espérons signer bientôt des accords. » L’une des premières
privatisations de l’après-guerre
Avant les années 1970, la poste libanaise
fonctionnait, comme partout dans le
monde, sans réel souci de productivité
et de profitabilité. En interrompant les
services, la guerre a empêché une
modernisation progressive du service.
Une fois la paix revenue, face à l’ampleur
de la tâche, le gouvernement a
choisi de suivre la tendance internationale
en la matière, en privatisant ce service
public. Un partenariat a été conclu
en octobre 1998 avec deux géants
canadiens, Canada Post et SNC-Lavalin
(une société mondiale d’ingénierie et
de construction), qui ont créé
LibanPost, une société privée à 100 % à
qui le ministère des
Télécommunications a confié la gestion
du courrier, tout en conservant l’autorité
de tutelle et de régulation (l’approbation
des tarifs par exemple). LibanPost reverse
1 % de son chiffre d’affaires au ministère.
Les actionnaires canadiens se sont
toutefois retirés de la société en 2001, les
profits n’ayant pas été au rendez-vous.
« Les Canadiens ont cru que l’investissement
dans la logistique serait suffisant, ils
n’ont pas eu le souffle pour attendre une
augmentation des volumes, trop lente à
leur goût », explique Khalil Daoud,
actuel PDG de la compagnie qui a été
rachetée par divers investisseurs libanais,
dont Facteur Invest et al-Mousahamat
Holding, filiales respectives du groupe
Lebanon Invest (groupe Banque Audi) et
de la holding de la famille Mikati.
En 2005, des négociations étaient sur le
point d’aboutir avec le groupe régional
Aramex appartenant au Libanais Fadi
Ghandour, qui comptait acquérir
LibanPost. Mais l’affaire ne s’est finalement
pas conclue.