La valse des boutiques et des agents de Benetton au Liban semble enfin achevée. Après des années chaotiques, la célèbre enseigne italienne aurait-elle trouvé un distributeur libanais pérenne ?

Après cinq années ressemblant davantage
à un feuilleton télévisé qu’à l’histoire
d’une représentation commerciale,
Benetton a confié la distribution libanaise
de ses produits à la société New
Trends, détenue à 99 % par Germaine
Khoury. Fondée en juin 2006, la société se
dit bien décidée à redorer le blason d’une
marque qui en a vu de toutes les couleurs au
pays du Cèdre. Elle s’en donne les moyens,
puisque l’actionnaire principal a réinjecté un million de dollars dans l’affaire.
L’investissement est destiné à réparer les
pots cassés légués par le précédent distributeur,
affirme le directeur général de New
Trends Walid Matta. Il s’agit de redéfinir la
stratégie d’implantation géographique, de
réorganiser la gestion de la société, de
revoir les circuits d’approvisionnement
mais aussi de régler les contentieux hérités
des anciens distributeurs qui nuisent à
l’image de marque de Benetton. Au CityMall par exemple, le magasin est resté
plusieurs mois sous scellés en raison d’un
procès, l’avocat de l’ancien distributeur
ayant porté plainte contre son propre
client. La direction du centre commercial a
récupéré récemment son espace, mais
une procédure est encore en cours pour le
paiement des arriérés de loyer. Idem à
l’ABC auprès de qui l’ancien distributeur a
laissé une ardoise importante. « Nous
avons proposé de racheter au moins la
décoration, qui vient d’Italie et qui a une
valeur importante », confie Matta, qui
s’inquiète du déficit d’image dont souffre
la marque qu’il représente. Il prévoit de
corriger le tir à travers une campagne de
communication destinée à redonner au
producteur italien une place dans les habitudes
du consommateur libanais.
Pour ce faire, New Trends veut d’abord stabiliser
l’implantation géographique des
enseignes et mettre un terme aux fermetures
et aux ouvertures intempestives qui
se sont multipliées au cours des trois dernières
années : tous les points de vente
dans les grands centres commerciaux
avaient été fermés (ABC Dbayé et Achrafié,
CityMall), ainsi que ceux de Solidere, de
Verdun, près du Chili’s, certains quelques
mois à peine après leur inauguration.
Inversement, un magasin avait été ouvert
dans le centre Concorde hébergeant déjà
Zara, concurrent direct de Benetton ! La
nouvelle société a décidé de ne conserver
pour l’instant que quatre de ses anciens
emplacements (Zouk, Élissar, Broummana
et Tripoli), de rouvrir sa solderie à Furn el-
Chebback et elle a inauguré un nouveau
local à Zalka, dans l’hôtel Promenade. Deux
implantations à Verdun et à Saida sont à
l’étude pour la saison prochaine.
Le nouveau distributeur dit aussi vouloir
réorganiser la gestion des points de vente.
« Lorsque nous avons repris Benetton, certains
magasins étaient dirigés en direct
alors que d’autres étaient confiés en gérance.
Nous avons donc décidé de les gérer
tous nous-mêmes. » De façon générale,
c’est tout le fonctionnement des magasins
qui est revu. « Il y avait un problème de
gestion, estime Walid Matta. Par exemple,
la saison de plein prix était réduite à un ou
deux mois, afin de passer rapidement aux
soldes qui permettaient d’alimenter la caisse.
Et ces soldes passaient de 30 à 70 %
en un mois, ce qui est beaucoup trop rapide.
Si bien que les clients ont pris l’habitude
d’attendre que Benetton soit à 70 %
pour faire leurs achats. » Désormais, les
soldes ne dépasseront pas 50 %, sachant
toutefois que les prix ont été réduits de 30 %.
Un autre défi consiste à redonner aux
clients confiance dans la qualité des produits.
En effet, Benetton dispose d’une
usine en Syrie produisant une gamme spécifique
– moins chère mais aussi de moins
bonne qualité. Certains de ces produits ont
été écoulés au Liban, impliquant probablement
des marges plus élevées pour le précédent
distributeur. « Nous avons donc
opté pour une stratégie simple : nous suivons
exactement la politique de Benetton-
Italie. Nous proposons les collections commandées
auprès du nouveau bureau régional
basé à Dubaï et nous n’importons plus
rien de Syrie. » La valse des distributeurs
Au début des années 80, Tony Zaatar
et Wassim Daher s’associent pour
représenter Benetton au Liban et
dans tout le Moyen-Orient, mais se
séparent en 1984. Via sa société Linea
Italiana, Zaatar poursuit seul la
représentation, qu’il cède toutefois
en 2001 à la société Fashion
Network, pour la récupérer neuf
mois plus tard ! En 2003, un nouveau
venu, Khalil Karam (qui a alterné
les associés) forme la société Green
Tag et récupère l’enseigne au Liban,
laissant à Zaatar la représentation
pour le reste du Moyen-Orient.
Mais dès septembre 2005, Green Tag
laisse la place à Trends and Colors,
une nouvelle entité dans laquelle le
même Khalil Karam s’associe à
Germaine Khoury – une Libanaise
vivant entre le Liban et les pays du
Golfe – qui apporte un financement
de plus d’un million de dollars. Cette
collaboration ne dure que cinq mois.
Germaine Khoury se retire rapidement,
acceptant de faire une croix
sur sa mise de départ à condition
que Karam se désiste de tous les
actifs de la société et s’engage à ne
pas faire obstacle à la reprise de la
marque.
En juin 2006, la société New Trends
est donc formée, détenue à 99 %
par Germaine Khoury qui réinjecte
un million de dollars (dont 400 000
dollars d’achat de marchandises).
En parallèle, Zaatar, qui n’est plus
impliqué au Liban depuis 2003, n’a
pas obtenu le renouvellement de
son contrat de distribution régionale,
Benetton ayant décidé de s’implanter
directement à Dubaï pour
prendre en charge l’ensemble des
activités de la marque dans la
région. Khalil Karam et ses proches
ont quitté le Liban, et Tony Zaatar a
refusé de s’exprimer sur cette affaire. Les règles de fonctionnement
de la marque italienne
Les accords de distribution Benetton
fonctionnent selon des règles
strictes : un volume global de marchandise
(d’environ 2,5 millions de
dollars au Liban) est commandé en
début d’année, exclusivement
auprès de la maison mère. Celle-ci
fixe les prix publics, laissant cependant
au distributeur la liberté de
définir sa politique de soldes.
Benetton-Italie s’implique aussi dans
tous les aspects extérieurs de sa
marque (visuel, décoration des
magasins, tenue des employés),
approuvant les emplacements des
magasins et élaborant la communication
dans son ensemble. Par
exemple, elle réalise elle-même les
supports publicitaires, les adaptant
éventuellement selon les recommandations
de ses distributeurs. Un
contrôle est en principe effectué par
la marque si elle est directement
présente dans la région ou, à
défaut, par l’agent régional.
Interrogé sur les dérives qui se sont
produites au Liban, un porte-parole
de Benetton-Italie a préféré rester
évasif, attribuant les complications
des cinq dernières années à « la
situation économique et politique
difficile du pays ». L’implantation de
la marque italienne à Dubaï et la
signature d’un contrat avec un nouveau
distributeur libanais devraient
en tout cas corriger ces errements et
lui permettre d’« établir une présence
forte sur le marché