Définition La “balance des paiements”
est un système statistique
composé de deux groupes de
comptes principaux : le compte
des opérations courantes (voir
l’édition de mars du Commerce
du Levant) et les comptes de
capital et de financement.
Pour rappel, la balance courante
mesure le solde de toutes les
opérations portant sur des valeurs
économiques que les résidents
d'un pays (gouvernement,
ménages, entreprises, etc.)
réalisent avec le reste du monde
durant une année ainsi que les
transferts sans contrepartie.
Le compte de capital ne couvre
pas, comme son appellation
pourrait le suggérer, les “mouvements
de capitaux”. Il concerne
les transactions sans contrepartie
financière et portant sur des biens
d’investissement (par opposition
aux transactions sur les actifs
financiers ou sur les biens et services
utilisables dans la consommation,
comme dans les transferts
sans contrepartie). Il comprend
les transferts de capitaux
(c'est-à-dire essentiellement les
dons d’équipements, les remises
de dettes mais aussi les modifications
de la nature, résidente ou
non des patrimoines, suite aux
migrations de leurs détenteurs) et
les transactions sur les actifs non
financiers et non produits (cessions
de licences, etc.). Il porte
généralement sur des montants
très réduits. Le solde de
la balance courante est exactement
et nécessairement compensé
par celui du compte de capital
et du compte financier, résumés
par l’appellation balance des
capitaux. Car toute transaction “économique” a une contrepartie
“financière” ou “en capital” (les
transactions sans contrepartie
ayant été inventoriées à part) et car
les comptes de la balance des
paiements sont estimés ex-post :
tout déficit économique a déjà
nécessairement été couvert (et tout
excédent replacé) sinon les transactions
n'auraient pas pu avoir lieu.
Cette identité comptable doit toujours
être gardée à l'esprit.
Le compte financier, bien plus
important par son ampleur que le
compte de capital, comporte les
flux nets (ou les variations nettes)
relatifs à toutes les formes de
titres financiers, c'est-à-dire donnant
des droits certains ou incertains
sur des actifs ou des revenus
entre l’économie concernée et le
reste du monde.
Il comprend les quatre postes
suivants :
• Les investissements directs
recouvrent les transactions qui
visent à obtenir un contrôle de l'activité
dans laquelle l’investissement
est réalisé ou celles qui concernent
une entité contrôlée par l’investisseur
(filiales). L’investissement peut
prendre la forme de participations,
de prêts, de réinvestissement de
profits, etc. On inclut aussi dans
cette catégorie l’achat de terrains
par les non-résidents. On
considère, par convention, qu’il y
a contrôle dès lors que 10 % des
droits de décision sont détenus
par l’investisseur.
• Les investissements de
portefeuille sont ceux qui n'ont
pas pour but la prise de contrôle
ou qui ne se passent pas dans ce
cadre. Ils peuvent prendre la
forme de titres de participation
ou de créances.
• Les autres investissements
représentent une catégorie
résiduelle et recouvrent essentiellement
les dépôts et les
avances bancaires ainsi que les
facilités commerciales.
• Les modifications de réserves
concernent les mouvements affectant
l’or monétaire et les devises
étrangères détenues et effectivement
mobilisables par la Banque
centrale pour influencer le cours de
change ou les autres postes de la
balance des paiements.
Chacun des comptes mentionnés
fait l'objet d'une estimation fondée
sur la compilation des données statistiques
: en débit, les transactions
qui correspondent à un paiement
de devises effectué par l'économie
domestique et, en crédit, les transactions
qui correspondent à un
encaissement de devises effectué
par l'économie domestique.
L'égalité globale n'est généralement
pas atteinte de manière
exacte. D'où un résidu – d'autant
plus limité que la statistique est
fiable – inscrit au poste des
erreurs et omissions nettes.
Cette convention de signe s’applique
aisément aux transactions
regroupées dans les opérations
courantes : en crédit, les exportations
et, en débit, les importations...
Les transactions financières
sont plus complexes : un
pays “reçoit des devises” quand il
emprunte à l’étranger mais aussi
quand l’étranger lui rembourse
une créance antérieure ; il “perd
des devises” quand il prête à l’étranger
et quand il rembourse une
dette antérieure. Aussi distinguet-
on dans chacun des comptes
financiers les transactions portant
sur les titres relevant de l’économie
d’accueil et celles sur
les titres du reste du monde et,
pour chacune des deux catégories,
les opérations en crédit et
en débit.
En particulier, le signe des
variations de réserves peut
sembler déroutant : une variation
négative correspond à une
augmentation des réserves. En
effet, les devises sont
“employées” à l’augmentation
des réserves comme elles le
seraient pour payer des importations.
Parmi les quatre composantes
du compte financier, les modifications
de réserves occupent
une place particulière. Elles
constituent le principal instrument
dont disposent les autorités
économiques et monétaires pour
corriger les déséquilibres des
comptes extérieurs (mais aussi
pour influer sur le cours de
change ou pour donner confiance
aux créanciers extérieurs et
domestiques, et modifier leurs
comportements, etc.). C'est
pour cette raison que l'on relève
le solde cumulé du compte
courant et du compte de capital
et financier hors modifications
des réserves. C'est ce solde
que l'on appelle couramment
solde (global) de la balance
des paiements. Il exprime le
besoin qu'ont eu les autorités
monétaires d'intervenir au
niveau de la balance des
paiements. Un déficit très
important et/ou chronique peut
signaler une crise. Mais ce n'est
là qu'un indicateur partiel qui est
bien loin de refléter les relations
économiques et financières d'un
pays avec le reste du monde. Comprendre la variable L’identité de base entre le
solde de la balance courante
et le solde des comptes de capital
et financier signifie que le solde
des opérations courantes est
compensé par la variation des
actifs extérieurs nets. Un déficit
correspond ainsi à la cession
d'actifs domestiques à l'extérieur
(titres de créance sur l'État ou sur
les banques domestiques ou sur
les entreprises, ou titres de propriété
portant sur des terrains ou
des entreprises, etc.) et à la cession
d'actifs extérieurs (réserves de la
Banque centrale, avoirs des banques
commerciales, titres de
créance et de placement à l'étranger,
etc.). Cette diminution des
actifs extérieurs nets (ce que le
pays possède à l'extérieur moins ce
que l'extérieur possède dans le
pays) signifie que l'économie
domestique devra, à l'avenir,
verser à l'extérieur des revenus
attachés aux actifs cédés (intérêts,
dividendes, plus-values) [ou
recevoir moins de l'extérieur] et
devra, pour toutes les créances
accumulées, supporter la charge
de devoir éventuellement les
Comprendre la variable
rembourser.
Les comptes de capital et
financier, tout comme le compte
des opérations courantes (dont il
est symétrique), donnent donc une
image synthétique des relations
d'une économie avec l'extérieur.
Mais sa structure en elle-même est
extrêmement importante :
• Les investissements n'ont pas le
même effet sur l'économie que les
mouvements de capitaux financiers
(dépôts bancaires et titres de
créance). Et parmi les investissements,
l'acquisition de titres
fonciers (considérée d'ailleurs
comme une opération de financement)
est loin d'avoir, pour l'économie,
les mêmes effets qu'un
investissement dans une entreprise
qui produit de la richesse et des
emplois. Il faut clairement distinguer
les deux significations du
terme “investissement” : dans les
comptes de la balance des
paiements, il recouvre toutes les
transactions financières, alors
qu’en termes économiques, il ne
s’applique qu’aux accroissements
des capitaux fixes impliqués dans la
production. Ainsi, pour la balance
des paiements, l’achat d’un terrain
ou des transactions de portefeuille
(achats d’actions ou d’obligations)
sont des investissements, alors
qu’en termes économiques, ils n’ajoutent
absolument rien au capital
investi.
• La forme juridique des capitaux
est importante : un investissement
“productif” signifie un engagement
long dont la rémunération est liée
aux résultats de l'activité qu'il
finance, surtout s’il s’agit d’activités
contrôlées par l’investisseur ; en
revanche, un placement financier,
surtout s'il est court (c'est le cas en
particulier des dépôts bancaires),
exige une rémunération inconditionnelle
et reste sujet à des retraits
à brève échéance ; cela implique la
nécessité d'attirer, en complément,
des réserves pour faire face à cette
volatilité et alourdit d'autant le coût
effectif.
• L’étude de la balance des
paiements est bien plus ancienne
que celle de la comptabilité
nationale. Elle remonte à l’époque
des mercantilistes, avec Colbert
comme emblème. Une idée simple
prévalait : le pays devait dégager un
excédent commercial pour s’enrichir
à travers l’accumulation de
l’or. Cette vision est dépassée.
Mais il reste que l’on doit se
préoccuper de la soutenabilité de
la balance des paiements à l’instar
de celle de la dette publique. Il
existe des similitudes entre les deux
approches, notamment au niveau
de la dualité des stocks et des
flux : la dette publique, les capitaux
volatils et l’endettement extérieur
court sont des stocks ; le solde
budgétaire et la balance courante
sont des flux. Mais la tâche est
encore plus difficile avec la balance
des paiements, car la dette obéit à
des maturités déterminées, alors
que les flux de capitaux, avec le
développement des marchés
financiers, n’obéissent pas à des
échéances prédéterminées, les
obligations longues peuvent être
vendues en un instant et, s’il n’y a
pas acquéreur, l’effondrement de
leur prix risque de déclencher un
effet boule de neige. C’est pour
cette raison que les comptes de
la balance des paiements ont
laissé tomber la distinction entre
“court” et “long terme”. Évolution de la variable au Liban Les deux indicateurs dont on
entend le plus parler au Liban
sont la balance commerciale et la
balance des paiements. Cette
approche réductrice conduit à des
confusions graves. Elle occulte,
d’une part, l’état de la balance
courante et, d’autre part, la place
des transferts et la structure du
compte financier. Pourtant, le
caractère exceptionnel, voire
aberrant, du compte des opérations
courantes au Liban trouve son
pendant au niveau des comptes de
capital et financier.
Un certain nombre de remarques
techniques sont nécessaires
pour comprendre les enjeux
des comptes de la balance des
paiements au Liban.
1) La qualité des données. La
Banque du Liban a démarré depuis
quelques années un programme de
collecte des données de la balance
des paiements auprès des banques
commerciales. Les mouvements de
plus de 10 000 dollars sont
reportés un à un suivant la nature
économique de la transaction qu’ils
recouvrent. Les résultats de ce travail
de compilation sont attendus
avec impatience et on espère que
le poste des “erreurs et omissions”
deviendra enfin un poste effectivement
résiduel, alors qu’il tourne
autour des trois milliards de dollars
dans la balance libanaise officielle.
2) La nature des réserves. Ce
que l'on appelle couramment
“balance des paiements” au Liban
est calculé à reculons, comme la
somme des variations des avoirs
extérieurs nets de la Banque centrale
et des banques commerciales.
Or, la raison qui justifie que l'on
s'arrête à l'étape du “solde de la
balance des paiements”, c'est-àdire
aux variations des réserves,
implique que l'on n'y amalgame
pas automatiquement, comme on
le fait au Liban, les variations des
réserves extérieures de la Banque
centrale avec les variations des
avoirs extérieurs nets des banques
commerciales, car ces dernières ne
constituent pas un facteur correctif
d'un éventuel déséquilibre mais
font partie intégrante du déséquilibre.
De plus, si l’on regarde plus
attentivement les facteurs d’évolution
des réserves, la balance des
paiements alloue une place distincte
(en dessous de la ligne) aux
“financements exceptionnels” : les
arriérés, les aides internationales
en soutien de la balance des
paiements, etc. Or, depuis les
dépôts arabes auprès de la
Banque du Liban, les financements
de Paris II et, aujourd’hui,
les aides provenant de Paris III,
ce poste des “financements
exceptionnels” acquiert une
importance croissante et nécessite
une présentation adaptée
des comptes de la balance des
paiements.
3) Le critère de résidence. Une
part considérable des capitaux
entrants au Liban dans le cadre des “autres investissements”
arrive dans des comptes bancaires
catalogués comme appartenant
à des Libanais considérés
comme résidents. On est en droit
de penser qu’une grande proportion
de ces capitaux proviennent
d’activités situées en dehors du
Liban et appartenant à des
Libanais qui, en termes de “résidence
économique”, ne sont pas
résidents au Liban. Le FMI, dans
ses dernières publications, opère
une correction dans ce sens.
L’amalgame des notions de résidence
et de nationalité est à la
source de différences profondes
dans la lecture de l’économie
libanaise, de ses forces et de ses
faiblesses et dans l’appréciation
des politiques économiques et
financières. Des statistiques particulièrement imprécises Les données de la BDL sur la
balance des paiements montre
que :
- Le solde “global” exprimé à travers
“la variation des avoirs
extérieurs nets” est resté positif
durant la période, sauf en 2001, où
un déficit sérieux a été enregistré
(période de tension sur le marché
des changes) et, en 2003, où un
excédent massif est apparu à la
suite de la conférence de Paris II.
- Les investissements directs
(essentiellement dans le foncier et
l’immobilier) ont été révisés à la
baisse en 1997, d’où leur chute
brutale, pour augmenter ensuite
progressivement.
- Le poste “dette publique externe”
affiche des montants très importants,
suggérant que les eurobonds
émis sur les marchés internationaux
ont été massivement
souscrits par l’extérieur, ce qui n’est
pas certain. De plus, les financements
de Paris II (en 2003) ne sont
pas repris en financements exceptionnels,
en dessous de la ligne.
- Enfin le poste “autres capitaux
+ erreurs et omissions” amalgame
les capitaux bancaires
avec les omissions et représente,
globalement, un poste déterminant
dans la balance des paiements.
Le second tableau qui compare la
balance des paiements pour 2002
et 2003 d’après les trois sources
disponibles : le FMI, la BDL et la
série des Comptes économiques
du Liban publiée par le ministère de
l’Économie et du Commerce
appelle aussi quelques remarques.
Les comptes des biens et services
sont relativement homogènes. La
variation relative (écart-type sur la
moyenne des trois sources) est
inférieure à 5 %. On ne retrouve
pareille homogénéité qu’au
niveau des réserves de la Banque centrale (variation relative
de moins de 4 %).
Tous les autres postes présentent
des écarts considérables :
- La balance courante est fortement
minorée dans la comptabilité
nationale du fait du niveau particulièrement
élevé des transferts
sans contrepartie et de l’estimation
faible du déficit des revenus
(essentiellement les intérêts).
- Dans le compte financier, les
principaux écarts proviennent du
fait que la BDL maintient un
poste considérable d’erreurs et
d’omissions, alors que le FMI
éclate ce poste et que la
Comptabilité nationale le réduit au
profit des transferts sans contrepartie.
On comprend qu’il soit difficile
dans ces conditions de parler
sérieusement de diagnostic et de
politiques économiques. Données publiées par la Banque centrale
(millions de dollars) 1995 1997 1999 2001 2003
Balance courante -4 987 -5 685 -4 901 -5 393 -4 404
Comptes de capital et financier 4 844 6 208 5 161 4 220 7 788
Investissements directs 2 933 1 712 740 1 450 1 506
Investissements de portefeuille 0 0 129 -479 -922
Dette publique externe 613 1 009 560 753 2 175
Amortissement dette publique externe -103 -344 0 0 0
Capitaux courts non bancaires 450 488 2 -273 516
Autres capitaux + erreurs et omissions 951 3 343 3 730 2 769 4 513
Variation avoirs extérieurs nets (en négatif) -256 -420 -261 1 169 -3 386
dont BDL -591 -62 -1 350 1 486 -5 037
dont banques commerciales 335 -358 1 089 -317 1 651
La balance des paiements pour 2002 et 2003 d’après les trois sources disponibles
(millions de dollars) FMI BDL Comptabilité nationale Variation relative*
2002 2003 2002 2003 2002 2003 2002 2003
Balance courante -2 890 -3 012 -4 353 -4 404 -1 855 -1 037 -34% -49%
Biens et services -4 066 -4 240 -3 893 -4 006 -3 629 -4 167 -5% -2%
Biens -4 962 -5 223 -4 956 -5 221 -14% -10%
Services 896 983 1 063 1 215 9% 11%
Revenus -1 015 -1 232 -539 -665 -184 -214 -59% -59%
Transferts 2 191 2 460 79 267 1 958 3 343 67% 64%
Comptes de capital et financier 2 610 5 511 5 018 9 439 2 518 6 074 34% 25%
Investissements directs 1 385 1 558 1 336 1 506 335 1 288 47% 8%
Investissements de portefeuille 1 225 3 953 1 144 3 420 2 183 4 786 31% 14%
Gouvernement 1 399 -761 2 860 1 917 2 863 1 653 29% 129%
Banque du Liban 6 -23
Banques 505 3 844 -868 1 137 -680 3 133 -175% 42%
Avoirs exérieurs nets -846 -48
Dépôts des non-résidents 1 351 3 892
Secteur privé non bancaire -685 893 -848 366 -11% 42%
Erreurs et omissions 590 524 2 538 4 513 62% 79%
Solde global des paiements 310 3 023 665 5 035 664 5 036 31% 22%
Solde global des paiements -312 -3 024 -665 -5 035 -664 -5 036 -36% -25%
Réserves -612 -5 119 -663 -5 037 -663 -5 037 -4% -1%
Financement exceptionnel 300 2 095
(*) Écart-type sur la moyenne des trois sources.
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