En janvier 2006, le ministre des Télécommunications Marwan Hamadé signait un accord avec tous les acteurs libanais du secteur qui scellait officiellement les modalités de mise en place de la technologie ADSL au Liban. Le texte définissait les termes de l’utilisation des centraux téléphoniques publics par les acteurs privés, en attendant la libéralisation du secteur. Le processus était censé durer quelques semaines à peine. D’effet d’annonce en effet d’annonce, l’avènement de l’ADSL est finalement devenu une réalité en juin. Il a fallu à l’État un an et demi pour aménager les lignes et les 350 centraux téléphoniques du pays. Un chantier de 12 millions de dollars financé par l’État qui permet désormais d’utiliser le réseau téléphonique en place pour doter les abonnés d’une connexion Internet à haut débit.
La commercialisation de ce service se fait en deux étapes : des fournisseurs de données (Data Service Provider, DSP) installent dans les centraux téléphoniques gérés par l’État libanais les machines (DSLAM) et vendent des espaces de connexion à un second groupe d’entreprises, les fournisseurs d’accès Internet (Internet Service Provider, ISP), qui offrent à leur tour un accès à l’ADSL à leurs clients. Chaque ISP peut faire appel à plusieurs DSP et ainsi surfer sur les différentes offres de services et de tarification des DSP qui dépendent de la qualité des équipements dans lesquels ces derniers ont investi.
Au Liban, six entreprises se partagent le secteur des DSP : GDS, Pesco, Cable One, l’entreprise publique Ogero, Sodetel (dont l’État possède 50 %) et Cedarcom.
Tous les DSP, à l’exception d’Ogero, payent à l’État un forfait de 6 000 livres par paire téléphonique mise à sa disposition par le ministère des Télécommunications et 20 % de la différence entre ce que les DSP facturent aux ISP et ces 6 000 livres. Les ISP, quant à eux, obtiennent leur accès Internet du ministère qui facture chaque 2 Mb/s à 2 500 dollars par mois. L’avantage d’Ogero devrait prendre fin avec la privatisation du secteur des télécommunications, prévue par la loi 431 qui a aussi créé en mars dernier l’Agence de réglementation des télécommunications (ART).
En échange, les DSP ont accès aux 350 centraux du réseau public, qu’ils dotent de DSLAM en fonction de la stratégie de couverture du territoire qu’ils ont choisie. L’équipement de tout le réseau va coûter plusieurs millions de dollars.
Pour le démarrage du service ADSL, chaque DSP a équipé une dizaine de centraux couvrant les régions de Riad el-Solh, Minet el-Hosn, Ras Beyrouth, Nahr Beyrouth, Achrafié, Bir Hassan, Jounié, Tripoli Mina, Saïda et Zahlé. Mais, alors que la commercialisation du service devait débuter à une même date pour tous les opérateurs, les DSP privés ont été distancés par Ogero qui a commencé ses activités avant que les autres n’obtiennent le feu vert officiel : Ogero est seul en bout de chaîne de toutes les offres d’abonnement ADSL lancées en juin par les ISP, les autres DSP étant encore bloqués au moment du bouclage de notre édition.
La suite de la phase d’équipement se fera en deux étapes. La phase deux consiste à mettre en service 50 centraux supplémentaires d’ici à la fin de 2007, puis 100 autres lors de la troisième phase, courant 2008. La grande majorité des Libanais aura donc normalement accès à l’ADSL l’année prochaine. Les quelque 200 centraux restants ne couvrent que des zones moins peuplées du Liban et seront équipés plus tard.
Chaque DSP a sa stratégie propre d’investissement, de commercialisation et de communication. Pesco, dont le PDG Rony Kaddoum reste discret sur le montant de ses investissements, a choisi de convoquer en mai dernier tous les ISP (Wise, Terranet, IDM, Lynx, Cyberia, Ogero et Sodetel) afin de les convaincre d’utiliser sa technologie, fournie par Nokia-Siemens (le géant des télécommunications équipe également Cedarcom). Son principal argument de vente est d’assurer aux ISP intéressés un maximum de flexibilité dans les formules d’abonnement proposées aux clients, y compris la possibilité pour l’usager final de modifier les spécificités de son abonnement en ligne.
GDS, équipé comme Sodetel par Alcatel (numéro un mondial avec 45 % du marché planétaire), opte quant à lui pour une stratégie « agressive », à travers un déploiement rapide dans tous les centraux du pays, au fur et à mesure de leur mise en service, afin de séduire les ISP par la qualité de son étendue territoriale. Son président Habib Torbey dit avoir déjà investi six millions de dollars, sur une enveloppe globale prévue de 15 millions, en deux ans.
Cable One, la compagnie dirigée par Khaldoun Farhat, a de son côté investi un million de dollars dans un premier temps afin d’équiper 36 centraux avec du matériel de la compagnie chinoise Huawei.
Les autres DSP ont refusé de dévoiler leur stratégie au Commerce du Levant.
En ce qui concerne les ISP, la stratégie est la même pour tous. Il s’agit d’occuper le terrain en couvrant tout le territoire et en offrant toute une gamme d’abonnements, ce qui suppose de travailler avec le plus de DSP possible. Dans cette perspective, les alliances entre sociétés sœurs, comme c’est le cas par exemple de GDS et IDM, qui ont avec GlobalCom Holding un actionnaire en commun, sont d’un intérêt stratégique limité.
Le Liban compte aujourd’hui 600 000 abonnés au téléphone fixe. Le défi que doivent relever les fournisseurs d’accès à Internet est de les convaincre de se connecter à l’ADSL. Les premières estimations réalisées par les experts tablent sur 250 000 demandes de service haut débit. Il s’agira soit de capter de nouveaux usagers de l’Internet, soit de convaincre des usagers de changer de technologie pour passer à l’ADSL. À l’heure actuelle, selon Habib Torbey, le Liban compte quelque 200 000 internautes : 100 000 qui se connectent à travers la ligne téléphonique (dial-up), 80 000 qui sont abonnés aux réseaux illégaux du câble et 20 000 qui ont des services à haut débit sans fil (wireless broadband). La superposition des solutions techniques obscurcit la lisibilité du marché, si bien que tous les acteurs préfèrent rester muets sur leurs objectifs, en termes de captation de tel ou tel type de clientèle. Les ISP minimalisent cependant les effets d’une “cannibalisation” de l’ADSL sur les autres technologies Internet, sans toutefois fournir de chiffres. Chacun compte, en effet, sur une augmentation suffisante de sa clientèle, grâce à l’ADSL, pour amortir les effets négatifs probables au sein de chacun des segments de son offre Internet.
Dans cette course nouvelle aux abonnés, les fournisseurs d’accès ne se concurrencent bizarrement pas par les prix, la tarification de l’ADSL étant alignée sur celle d’Ogero. Leur capacité de séduction jouera sur la flexibilité des abonnements, l’agressivité publicitaire et la qualité du service de maintenance assuré en partenariat avec les DSP.
Mais le véritable décollage de l’Internet devra probablement attendre. Au-delà de la nécessaire concurrence sur les prix, il faudra que les ISP soient en mesure d’élargir leur palette de services, notamment à la télévision sur Internet, un produit pour lequel l’ADSL sera alors incontournable.
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