Une trentaine de clubs ont vu le jour en quelques années. Plus de 300 millions de dollars ont été investis. Tout ceci pour un peu d’abdominaux ou une partie de bridge ? Non, on vend plutôt le rêve d’une qualité de vie, une denrée rare au Liban.

Les terrains et installations sportifs municipaux sont rares. Les espaces verts sont inexistants. Les trottoirs aussi d’ailleurs. Les Libanais – oublions le sport et les parcs naturels – ne peuvent tout simplement pas marcher, coincés entre les voitures. Ces facteurs ont favorisé une demande, et c’est surtout dans la région du Grand Beyrouth qu’a été construite la majorité des country clubs (32 %). En plus des différentes activités sportives (tennis, squash, aquagym, yoga, équitation), les clubs offrent, généralement, de nombreuses activités socioculturelles (scrabble, bridge, ciné-club…). Pour mettre au point un tel projet, quelles sont les sources de financement et quels sont les investissements nécessaires ?

Achat ferme ou… wakf

Le choix du terrain est un des éléments majeurs sur lequel l’investisseur penche pour mettre son projet au point. En exemple, certains ont acheté le terrain comme c’est le cas du Yarzé Country Club, ou encore celui du Jeita Country Club. Ricardo Tannouri, propriétaire de ce dernier, explique son investissement par le fait que la zone constitue un espace vert très vaste, « un des très rares encore autour de Beyrouth ». La zone est constituée de millions de mètres dont 14 000 m2 sont dédiés au projet. Dans d’autres cas, tel le Sun City Resort, « le terrain a été loué des wakfs du couvent Saints-Sarkis et Bakhos pour une période de 20 ans, renouvelable », nous informe Bernard Rizk, PDG du Resort à Ajaltoun. Dans le cas des Créneaux, un des rares à Beyrouth, « le terrain a été mis à notre disposition par la congrégation des sœurs de Nazareth », raconte Mona Gannagé, membre du comité directeur du club.
Une fois l’étape du choix et de l’acquisition dépassée, la phase de construction varie entre un et trois ans, selon la superficie du club… et le cash-flow. La construction nécessite un investissement de 6 à 8 millions de $ (cas des clubs dont la superficie générale ne dépasse pas les 20 000 m2).

Le muscle
n’a pas de prix

Les chiffres recueillis auprès des divers country clubs (Racquet Club, Country Lodge, Sun City Resort, Jeita Country Club, Les Créneaux et Spring Hills) ont permis d’établir des chiffres approximatifs du montant investi dans les installations et les équipements.
Les dépenses d’installation pour les différentes activités sont en bonne partie englouties dans l’aménagement sophistiqué des terrains de sport eux-mêmes (tennis, basket, squash, etc.) avec tout ce que ceci implique comme revêtements spéciaux et autres.
Pour les terrains de tennis, le coût d’un terrain en plein air s’élève à 30 000 $, alors que celui d’un terrain couvert est quatre fois plus élevé et peut atteindre les 150 000 $. « C’est que les joueurs, même débutants, exigent des normes dignes de Roland Garros », nous explique un responsable sportif d’un club de banlieue.
Le terrain de squash coûte entre 15 000 et 20 000 $. En ce qui concerne le basket-ball, un terrain en plein air nécessite 40 000 $ et un terrain couvert 100 000 $.
La salle de musculation et d’exercices physiques constitue un chapitre à part entière. Les équipements nécessaires au bon fonctionnement du club comptent, entre autres, tapis roulants, bicyclettes, machines de musculation, et leur prix s’élève à 200 000 $, moyennant 6 000 $ par machine. On ne devient pas un “Schwarzenegger” à bon prix.
Dans presque tous les clubs, les piscines sont semi-olympiques (25 m de longueur). La construction d’une telle piscine coûte près de 55 000 $. Alors que pour une piscine couverte chauffée (de 25 m de longueur et de 10 m de largeur), 10 000 $ de plus (soit 65 000 dollars) sont suffisants. Quant au jacuzzi, le coût varie entre 8 000 et 10 000 dollars.
Promouvoir l’aspect culturel n’est pas moins cher. Pour assurer une salle de théâtre-cinéma avec un sound system de qualité, la somme de 150 000 $ est nécessaire.

Actionnaire à vie et au-delà

Généralement dans les clubs pas plus que 400 à 600 actions sont vendues au cours de la phase de construction, ce qui permet de financer une partie des travaux en cours. À terme, un club moyen devrait compter 2 000 actions, soit 2 000 individus ou 1 000 familles. On devient ainsi membre à vie et parfois “copropriétaire” d’une action qu’on lègue aux ayants droit.
Dans la plupart des clubs, le prix de l’action familiale varie entre 10 000 et 15 000 $ et l’action individuelle varie entre 5 000 et 7 000 $. Les prix sont souvent tributaires de la région, plutôt que du niveau des équipements. Les clubs de Yarzé, Rabieh et environs sont les plus chers. Le système de crédit est généralement admis. Par exemple au Spring Hills, après un premier versement, le reste peut être échelonné sur 24 mois avec un taux d’intérêt de 7 %. À souligner que le prix de l’action a augmenté depuis le commencement des travaux et jusque l’achèvement du projet entre 10 et 20 %. Au Country Lodge, l’action familiale est proposée à 10 000 $ comptant ou 13 000 $ étalés sur deux ans.
Mais dans certains clubs, suite au ralentissement de la croissance économique, certains actionnaires ont du mal à honorer leurs engagements et à payer les échéances en temps dû. « Nous sommes généralement patients dans de tels cas, sauf s'il y a mauvaisevolonté évidente », explique un directeur d’un club de la montagne.
Pour les actions non vendues, certains clubs, tel le Racquet Club, les louent sous forme d’abonnement pour une période de 3, 6 ou 12 mois. Le prix de l’adhésion varie entre 1 700 000 L.L par an pour les célibataires et 3 900 000 L.L pour les actions familiales, avec 4 enfants.
Chaque club a besoin d’un personnel (moniteur, réceptionniste, responsables…), une trentaine de personnes est généralement suffisante. Il doit être également maintenu en bonne forme, lui aussi. D’où les fameux frais annuels redoutés par les membres.
Les frais de maintenance sont payés par les actionnaires et leur montant s’élève en moyenne de 600 à 1 000 $ par an pour les actions familiales et de 300 à 500 $ pour les actions individuelles.
Dans le cas du Racquet Club, les cotisations demandées aux actionnaires sont calculées suivant deux paramètres : un montant par actions qui sert à couvrir les améliorations et l’acquisition de nouvelles immobilisations (meubles, machines de sport…) et un autre montant qui sert à couvrir les dépenses courantes de gestion.
Mais les clubs, en général, comptent également sur d’autres sources de revenus dont l’organisation de soirées privées, d’anniversaires, de dîners, de mariages, concerts, défilés de mode et autres, selon ce que nous explique Roula Mansour, responsable des relations publiques au Country Lodge, un club ouvert cet été et particulièrement prisé pour ses soirées privées.
Les country clubs se suffisent rarement de ce qu’ils ont déjà. De nouvelles idées et des projets d’avenir leur permettent de répondre aux besoins de leurs membres. C’est que les temps sont durs et trouver des familles qui versent, pour un luxe, 10 000 ou 15 000 $ n’est plus tellement facile.