Chafic el-Khazen a fait du Skybar un des restaurants-bars les plus courus. Situé sur le toit du Pavillon Royal du BIEL, au centre-ville, il accueille certains soirs plus de 3 200 personnes. Le ticket minimum étant de 30 dollars et 40 les week-ends, le calcul de sa bonne fortune est rapide. L’extravagance de la fête en pleine crise de Nahr el-Bared choque parfois, mais le public en redemande.
Le Skybar est le premier à avoir investi l’un des toits de Beyrouth, à ciel ouvert. C’était en 2003, au haut du Palm Beach Hotel. Chafic el-Khazen s’est inspiré d’une mode venue d’ailleurs (cf. Le Commerce du Levant, mars 2006) qui consiste à installer un restaurant-bar sur un toit et de le transformer ensuite en boîte de nuit. Ce concept saisonnier est souvent difficile à rentabiliser, car les investissements sont de plus en plus importants et la concurrence est rude.
Chafic a convaincu son cousin Raymond Béchara, actionnaire du Palm Beach, du bien-fondé du concept et réuni autour de lui plusieurs actionnaires pour un investissement de 200 000 dollars. L’affaire a été rentabilisée en moins d’une saison avec un chiffre d’affaires de 800 000 dollars en 2003. Le résultat double l’année suivante (1 500 000 dollars) et se stabilise en 2005, ce qui donne des idées à la concurrence. Le toit du Virgin, l’immeuble du Nahar sont à leur tour loués, alors que Chafic el-Khazen veut déménager. En janvier 2006, il fait un tour du marché et tombe amoureux du toit du BIEL.
Il crée une nouvelle société, Higherskies, dont il prend la direction et 15 % des actions. Vingt partenaires dont l’âge varie entre 22 et 45 ans ont mis chacun entre 25 000 et 100 000 dollars et acceptent de prendre le pari du BIEL pour un montant d’investissement prévu de 700 000 dollars, mais qui atteint très vite 1 200 000 dollars, selon el-Khazen. Le loyer est signé pour cinq ans avec un minimum garanti et un pourcentage sur le chiffre d’affaires.
Chafic fait appel à son frère Sari el-Khazen, décorateur et architecte d’intérieur, pour l’aménagement de l’espace : un restaurant de 420 places assises et 100 supplémentaires au bar. Mais le Skybar peut contenir jusqu’à 2 000 personnes en même temps. Quelque 100 000 dollars sont investis dans l’air conditionné, alors que le lieu est en plein air.
Les 11 et 12 juillet 2006, le Skybar fête son ouverture avec deux soirées non facturées. Coût de l’opération : 60 000 dollars. Les pertes dues à la guerre sont cinq fois plus lourdes au total.
En mars 2007, Khazen propose à ses actionnaires de racheter leurs parts. Personne n’accepte de vendre. Le 30 mai 2007, en pleine crise de Nahr el-Bared, le Skybar ouvre à nouveau. Le succès est immédiat : 10 000 clients par semaine, des réservations un mois à l’avance…
Malgré la controverse, Khazen a réduit le bruit des feux d’artifice, mais les a maintenus. Le Skybar peut tout se permettre, il a créé un effet d’aspirateur qui a vidé les autres restaurants de Beyrouth comme ceux de Gemmayzé par exemple. Seuls les autres restaurants-bars à ciel ouvert, comme le White (al-Borj) ou le Bubbles (Palm Beach) tiennent le choc. La clientèle s’y réfugie dans l’espoir que les attentats ne l’atteindra pas sur les toits. « Il est très difficile de faire sauter les peurs, mais on garde encore l’espoir » explique-t-il. Chafic el-Khazen, qui vient de fêter ses 30 ans, le répète à l’envi dans les reportages que lui consacrent CNN, Orbit, Fashion TV, Fashion TV Arabia.
Le Skybar qui emploie 120 personnes et 100 valets parking espère rentabiliser 80 % de son investissement en 2007 et couvrir les pertes de 2006.
La clé de son succès selon lui : « Pour faire de l’argent, il faut être très généreux et permettre aux employés d’en profiter aussi. »
Chafic el-Khazen a étudié à l’USJ avant d’obtenir une licence de gestion à la Pepperdine University de Californie en 2000. À son retour au Liban, il commence par travailler dans l’entreprise familiale et aide sa mère Gloria Ayoub el-Khazen à créer la Boutique du monde au moment de sa séparation de Sleep Comfort. Aujourd’hui, son objectif est de développer le Skybar à l’étranger et d’ouvrir une boîte de nuit à Beyrouth. Mais son rêve est de gérer un hôtel de charme quelque part sur une île du Pacifique.