Salim Ramia dirige Gulf Film, le plus grand groupe de distribution de films et d’exploitation de salles de cinéma au Moyen-Orient. Il a récemment repris au circuit Empire la gestion des salles de l’ABC à Achrafié. Un retour aux sources pour ce Libanais qui a bâti son empire à Dubaï.
Crâne rasé, lunettes discrètes et chemise de cow-boy, Salim Ramia est “un mordu de cinéma”. À la tête de la société Gulf Film, ce Libanais installé à Dubaï a bâti en 20 ans un véritable empire. Son groupe qui emploie 460 personnes assure à lui seul la distribution de la moitié des films diffusés aux Émirats, dont une grande partie est projetée dans ses propres salles, puisqu’il exploite 63 % des écrans du pays.
« Je ne peux pas révéler notre chiffre d’affaires, mais il s’élève à plusieurs centaines de millions de dollars », lâche-t-il dans un demi-sourire. En février dernier, Salim Ramia a repris au circuit Empire l’exploitation des salles de l’ABC-Achrafié. Un retour aux sources pour cet homme qui a fondé sa première société de distribution à Beyrouth, à Hamra, en 1980.
Poussé à l’exil par la guerre civile – une “milice” occupait ses locaux –, Salim Ramia s’est installé aux Émirats en 1986. C’est là-bas que naît Gulf Film, la société fondée en 1989 avec son ami et partenaire iranien Ahmad Golchin, qui se spécialise dans la distribution de films hollywoodiens. « Quand je suis arrivé à Dubaï, raconte-t-il, une seule salle projetait des films américains. Nous avons été des pionniers. » De la distribution, les deux compères passent à partir de 1992 à l’exploitation. Ils reprennent une salle qu’ils décident de rénover. Le premier Grand Cinemas, l’enseigne de Gulf Film, ouvre ses portes à Dubaï. « Il s’agissait d’un vrai pari, car dans l’esprit des gens le cinéma était surtout destiné aux travailleurs indiens et pakistanais. » Le succès immédiat de Bodyguard, avec Kevin Kostner, contribue à changer la donne.
Depuis, les mentalités ont évolué, les salles obscures n’ont pas désempli et Gulf Film a accompagné le spectaculaire boom de Dubaï. En janvier 2008, aura lieu l’inauguration d’un nouveau multiplex de 12 salles au Dubai Grand Festival City. Son succès a pourtant donné des idées à des concurrents. Un Émirati associé à un Américain d’origine palestinienne crée la société al-Massa. Gulf Film la rachète en 2003. L’histoire est la même pour Century Cinema : créé par un investisseur originaire d’Afrique du Sud, il est repris par Salim Ramia en 2005.
Un seul autre joueur reste en compétition, l’australien Cine Star, « mais il n’est présent qu’à Dubaï et Abou Dhabi. Nous sommes dans tous les émirats », précise Ramia.
Avec 166 écrans et plus de 30 000 fauteuils, sa société réalise aujourd’hui 50 % de son chiffre d’affaires grâce aux Grand Cinemas.
Le groupe reste également l’un des plus grands distributeurs de la région, une activité qui représente 40 % de son chiffre d’affaires. À son palmarès, Titanic et King Kong, les deux plus grands succès du box-office aux Émirats, avec 465 000 et 263 000 entrées respectivement. Gulf Films représente les studios Paramount, Dreamworks et Universal. Il achète aussi pour le Moyen-Orient 90 % des films produits par des indépendants, hors du circuit des majors hollywoodiennes. Alexandre, d’Oliver Stone, en est un exemple. « Je l’ai acheté sur simple coup de fil pour 500 000 dollars. Le film a été un flop aux États-Unis, mais un succès dans notre région. »
Le flair est un facteur déterminant du succès d’un distributeur. Une production américaine coûte généralement entre 100 000 et 700 000 dollars et les contrats sont négociés par téléphone. « Nous devons réagir tout de suite, explique Salim Ramia. La plupart du temps, nous n’avons pas le temps de visionner les films. » L’œuvre la plus chère qu’il ait acquise, pour un million de dollars, est L’Immeuble Yacoubian. « Nous ne distribuons que des productions hollywoodiennes », note Salim Ramia, qui cite en exemple une acquisition récente : The Host, un film coréen.
Les activités de Gulf Film ne se limitent pas à la distribution et l’exploitation de films. En 2004, le groupe a investi 1,3 million d’euros dans un laboratoire de sous-titrage laser qui emploie 12 personnes. Il est aujourd’hui le plus grand laboratoire du Moyen-Orient. Salim Ramia est aussi agent de fauteuils de cinéma, d’un système de son digital DTS, des projecteurs Cinemecanica, etc.
Fort de ses acquis aux Émirats, le groupe est parti à la conquête d’autres marchés. « Il existe de vraies opportunités en Égypte, en Jordanie et même en Syrie, s’enthousiasme Salim Ramia. En Jordanie, il exploite déjà cinq salles et vient d’investir cinq millions de dollars dans un nouveau multiplex ultramoderne de 2 092 places (dix salles) inauguré en octobre. Cette fois, il mène l’aventure sans son partenaire iranien. C’est aussi le cas au Liban, où le fils du pays a choisi d’investir seul.
En plus de la reprise des cinémas de l’ABC, Salim Ramia souhaite construire 11 salles dans le projet Landmark situé place Riad el-Solh. Mais le terrain est pour l’instant occupé par le sit-in de l’opposition. « La crise est transitoire, commente Ramia. Pour gagner, il faut accepter de perdre. » Son retour au Liban n’est, en tout cas, pas seulement une affaire de business. Il a toujours conservé des attaches avec son pays natal et bon nombre de ses collaborateurs, avocats et directeurs de salles, sont libanais.
La distribution régionale est aux mains des Libanais
Salim Ramia n’est pas le seul Libanais à compter sur la scène cinématographique du Moyen-Orient : toute la distribution y est contrôlée par ses compatriotes, que ce soit Hikmat Antypas, les fils de Georges Haddad, Joseph Chacra et Fils ou Vincenti et Fils.
Ci-après la liste des distributeurs pour le Moyen-Orient et les studios qu’ils représentent.
- Georges Haddad et Fils : Fox, Columbia (Empire).
- Joseph Chacra et Fils : Warner Bros. Shooting Stars.
- Italia Film (G. Vincenti et Fils) : Buena Vista International (Disney).
- Association entre Shooting Stars (Joseph Chacra et Fils) et Gulf Film (Salim Ramia et Ahmad Golshin) : New Line.
- Four Star Films (Hikmat Antypas) - Gulf Film est le sous-distributeur pour le Golfe : Universal, Paramount et Dreamworks.
Les salles de l’ABC font peau neuve
Les sept salles de cinéma du centre ABC, à Achrafié, sont exploitées depuis cet été par Gulf Film. Son PDG Salim Ramia explique qu’il souhaite y améliorer le service, en introduisant notamment les nouvelles technologies en vigueur dans les autres complexes de l’enseigne Grand Cinemas. Billetterie électronique, système de réservation et d’achat de billets via Internet (une première au Liban), réaménagement du lobby et du bar, et introduction du son digital DTS… Gulf Film espère ainsi dynamiser les ventes. « Nous avons été sollicités par la direction de l’ABC pour reprendre l’exploitation des salles jusque-là assurée par le circuit Empire. Le contrat a été conclu très rapidement », explique Salim Ramia.