Les enfants sont des clients très appréciés des fabricants de vêtements : ils renouvellent leur garde-robe tous les ans, voire davantage quand ils sont bébés, leurs habits devant accompagner leur croissance.
Les budgets consacrés à ce poste de dépenses sont importants pour les ménages, sachant que dans les catégories sociales les plus aisées, il n’est pas rare de payer jusqu’à 150 dollars pour une robe de fillette. À l’autre extrémité de l’éventail social, un grand nombre de magasins disséminés dans tout le Liban ou les étals des souks de Tripoli, Saïda, Tyr et Beyrouth vendent à des prix dérisoires des vêtements achetés en masse en Asie du Sud-Est. On peut y dénicher un pantalon enfant à cinq dollars ou encore une paire de chaussettes à moins d’un dollar.
Le pouvoir d’achat des catégories sociales moyenne et aisée est en tout cas suffisamment important pour justifier la multiplication des boutiques qui se sont spécialisées sur ce créneau afin de satisfaire une demande très dynamique.
S’il était essentiellement occupé, il y a une dizaine d’années encore, par quelques enseignes locales, le secteur est aujourd’hui marqué par les mêmes évolutions qui touchent celui des habits pour adultes : arrivée en force des franchises depuis 2002 et regroupement des boutiques dans les centres commerciaux. L’ABC de Dbayé inaugure par exemple en février 2008 le plus grand espace de vêtements et accessoires dédié aux enfants sur 17 000 mètres carrés.
La particularité du marché libanais, en la matière, est de proposer une offre internationale qui combine des marques européennes et américaines – sachant que l’écrasante majorité des produits sont confectionnés en Asie du Sud-Est ou au Maghreb. À côté de références américaines comme Mother Care, on trouve par exemple Petit Bateau, une marque estampillée française.
Le secteur est assez éclaté : certaines franchises appartiennent à des groupes qui étoffent leur offre avec des marques pour enfants, d’autres sont représentées par de petites sociétés. Peu de groupes détiennent plusieurs marques pour enfants dans leur portefeuille, comme c’est le cas dans d’autres créneaux du textile.
L’offre est généralement répartie entre, d’une part, des boutiques en ville – celles qui se sont implantées au centre-ville ont beaucoup souffert et fermé boutique le plus souvent – ou dans des centres commerciaux, et, d’autre part, des stands dans les grands magasins, comme le BHV ou l’ABC.
Face à cette déferlante étrangère, les enseignes libanaises traditionnelles comme Zahar, Khabbaz ou Kindou s’adaptent plus ou moins bien à la mutation du marché, alors que de nouvelles marques Made in Lebanon ont émergé récemment, s’inscrivant d’emblée dans une logique de régionalisation ou d’internationalisation. L’exemple le plus marquant est celui de Lola et Moi, une petite aventure locale qui s’est transformée en moins de deux ans en marque internationale, vantée dans les magazines de mode les plus lus des États-Unis ou d’Europe.
Avec des modèles très haut de gamme – une robe coûte environ 200 dollars –, cette entreprise a tiré des leçons de toutes les crises qui ont traversé le secteur textile libanais : le design est local, mais la fabrication sous-traitée.
Les producteurs locaux ont en effet été décimés par les importations massives de textile du sud asiatique d’une part et de la concurrence déloyale et parfois illégale en provenance de Syrie. Le Syndicat des industriels textiles au Liban a obtenu en 2004 d’imposer des taxes douanières sur les vêtements de seconde main pour contrer un phénomène qui menaçait de les faire tous disparaître : des habits neufs étaient importés en vrac et présentés comme usagés, mais revendus ensuite après traitement dans de petits ateliers. Cette taxe forfaitaire n’a pas permis d’enrayer la déferlante des habits asiatiques, mais elle a soulagé les derniers industriels locaux.
Certaines petites structures résistent en effet. Comme par exemple les industriels qui traitent avec les écoles et fabriquent localement des uniformes et des habits de cérémonie.
Khabbaz s’est notamment spécialisée sur cette niche. L’enseigne fournit environ 200 000 pièces d’uniforme chaque année à 25 écoles privées pour un prix moyen de 20 000 livres. En ce qui concerne les vêtements de cérémonie, Khabbaz en fabrique en moyenne 10 000 par an.
Les uniformes sont même un produit d’exportation pour le Liban. Sleiman Khattar, président du Syndicat des industriels textiles, explique que le marché du Golfe ne peut être pris par les fabricants asiatiques, car ils n’ont pas la même capacité de réactivité en termes de délais de livraison et de confection de petits volumes que les Libanais. « Nos industriels comprennent beaucoup mieux ce marché. »
Petit Bateau
Propriétaire et investisseur : Michel Abchee, PDG d’Admic
Chiffre d’affaires : NC, en hausse de 15 % en deux ans
Nombre de pièces importées par an : 15 000
Prix de vente : un caleçon garçon à 15 dollars et un body bébé (vendu en pack de trois) à 13 dollars l’un
Budget publicitaire : NC. Surtout SMS pour annoncer les soldes
Sergent Major
Propriétaire : groupe Abchee
Franchise : origine française
Date d’implantation au Liban : 1993
Points de vente :
1) ABC-Dbayé
2) ABC-Achrafié
Chiffre d’affaires : NC
Jacadi
Propriétaire : Georges Karam
Franchise : origine française
Date d’implantation au Liban : 1998
Points de vente :
1) Centre-ville (en septembre 2008 dans le mall du souk du centre-ville)
2) ABC-Dbayé
3) ABC-Achrafié
4) Boutique à Tabaris, immeuble SNA
Chiffre d’affaires : NC
Okaïdi
Propriétaire : F. A. el-Hokaïr & Co.
Nombre de pièces importées par an : NC
Charges fixes : 780 000 dollars par an
Prix de vente : une robe est à environ 30 dollars et un pantalon à 30 dollars
Nombre de transactions : 65 000 par an
Budget publicitaire : 30 000 dollars par an
Kenzo Kids
Propriétaire : Denise Hobeiche També
Franchise : marque italienne
Date d’implantation au Liban : février 2008
Société : Océane
Points de vente :
1) Centre-ville (en septembre 2008
dans le mall du souk du centre-ville)
2) ABC-Dbayé en février 2008
3) ABC-Achrafié
Chiffre d’affaires : NC
Tartine et Chocolat
Propriétaire : Denise Hobeiche També
Franchise : marque française, fabriqué en France
Date d’implantation au Liban : 1999
Société : Océane
Points de vente :
1) Centre-ville (boutique de vêtements rue Foch)
2) Centre-ville (showroom pour vente de cadeaux de naissance dont les chocolats Tartine et Chocolat)
3) ABC-Achrafié
4) ABC-Dbayé en février 2008
Chiffre d’affaires : NC, a triplé en 8 ans
Prémaman
Propriétaire : Youssef Coussa
Date d’implantation au Liban : 1989
Franchise : origine belge
Points de vente :
1) Centre-ville
2) ABC-Dbayé en février 2008
3) Antélias
4) Broummana
Chiffre d’affaires : NC
Grain de Lune : le nouveau-né de la mode enfantine
Propriétaire : June Kettaneh
Chiffre d’affaires : pourrait atteindre 100 000 dollars en 2008
Nombre de pièces produites par an : environ 5 000 avec les chaussures
Produit phare : le pancho serviette vendu à 40 dollars
Prix de vente : une paire de ballerines à 60 dollars et une serviette à 40 dollars.
Budget publicitaire : pas de budget, compte sur le bouche-à-oreille et les médias.
Grain de Lune est née de l’envie de sa créatrice, June Kettaneh, de dessiner les vêtements qu’elle aurait aimés trouver sur le marché pour en habiller ses quatre enfants.
La jeune femme diplômée d’économie, avec un parcours dans la finance, s’est d’abord intéressée aux accessoires de plage et fait de la serviette “pancho” son cheval de bataille. Très vite, elle diversifie son activité et vise un chiffre d’affaires de 100 000 dollars pour 2008. Sa société, qui est née en juin 2007 avec un capital de départ de 10 000 dollars, est située au cœur de Beyrouth, avec une boutique de 150 m2 dans le quartier Saint-Nicolas qu’elle loue pour 4 000 dollars par an, un tarif relativement bas car elle n’a pas pignon sur rue. Ses produits sont aussi disponibles à l’export, à travers les magasins ABC, implantés à Bahreïn, Qatar et en Jordanie.
Dans la boutique showroom et atelier d’Achrafié, June Kettaneh a embauché une personne pour la seconder, mais elle restreint ses charges fixes à 10 000 dollars par an, préférant recourir à la sous-traitance, auprès d’unités libanaises spécialisées dans le textile. Sa cible est une clientèle relativement aisée qui recherche avant tout des accessoires, habits ou chaussures vendus en petites quantités.
Kindou change de main
Chiffre d’affaires : NC
Prix de vente : une jupe se vend entre 18 et 20 dollars et un pantalon 15-18 dollars
Très actif sur le marché libanais dans les années 1980 et 1990, Kindou est l’un des rares fabricants libanais de vêtements pour enfants à avoir créé sa propre marque dont la vocation était régionale. Au début des années 2000, l’enseigne créée par Roy Badaro comptait une vingtaine de boutiques dont 16 au Liban et les autres réparties en Syrie, Jordanie et aux Émirats. Son budget publicitaire atteignait environ 60 000 dollars par an. Mais l’industriel qui visait un créneau moyen de gamme, avec 200 000 à 300 000 pièces produites par an, n’a pas pu résister à une série de facteurs qui l’ont conduit en juillet 2007 à fermer son usine : la concurrence des produits chinois, combinée à la crise économique et politique, a eu raison de son activité qui devait aussi faire face, selon Roy Badaro, à un phénomène incontrôlé de contrebande. Il accuse l’État d’avoir fermé les yeux.
« Impossible de lutter contre l’importation illégale de conteneurs à 8 000 dollars sans TVA ni douane », dit-il.
L’enseigne a tenté plusieurs adaptations, en commercialisant progressivement des produits importés et en centralisant au Liban la conception de vêtements fabriqués en Asie du Sud-Est. Mais sans succès. Les activités commerciales de la société ont été vendues à une autre entité dont l’actionnaire principal est Hyam Maatouk depuis novembre 2007. Kindou va désormais s’approvisionner à l’étranger.
Zahar Kids fait de la résistance
Propriétaire : Georges Zahar & Co. Group
Chiffre d’affaires : NC
Nombre de pièces importées par an : environ 90 000 avec les chaussures. La plupart des vêtements sont des ensembles
Nombre de pièces fabriquées par an : 10 000 pour des occasions comme les baptêmes, les rameaux, les mariages
Prix de vente : ensemble garçon à ~ 100 dollars ; robe à ~ 80 dollars ; pyjama bébé à 33 dollars
Budget publicitaire : NC
Zahar est une entreprise familiale dont le nom est connu de la quasi-totalité des mamans libanaises. Avant l’arrivée massive des franchises sur le marché libanais, Zahar se partageait le marché du vêtement pour enfants avec Kindou et Khabbaz. Depuis les années 1990, la société a vu sa part de marché se réduire comme peau de chagrin. Créée en 1935 par la famille Zahar, elle a résisté et opté pour un repositionnement sur le créneau moyen-haut de gamme. Elle importe des produits de marque comme Mayoral, AKT Kids, Ginkana, Jean Bourget ou Sucre d’Orge et des chaussures comme Baby Botte, Nike et Converse. Zahar signe parfois des exclusivités avec de grandes marques pour certaines pièces. Le groupe qui emploie 40 personnes confectionne aussi des vêtements pour des occasions spéciales, du baptême au mariage, en passant par la fête des Rameaux.
Huit boutiques sont implantées un peu partout à Beyrouth et une solderie à Fassouh permet à l’entreprise d’écouler les stocks invendus.
Khabbaz lance une nouvelle marque
Propriétaire : Pierre Khabbaz
Nombre de pièces produites par an : 200 000 pièces produites au Liban par an et 600 000 pièces importées
Coût de l’investissement : plusieurs millions de dollars
Prix de vente : une robe de 12 à 80 dollars ; un pantalon garçon à 19 dollars, un pull à 22 dollars
Points de vente : 22 points de vente partout au Liban
Budget publicitaire : environ 100 000 dollars par an
Khabbaz est la seule société qui fabrique encore au Liban près de 200 000 pièces pour enfants par an dans son usine de Kaslik. Une production qui se concentre surtout sur le créneau de l’uniforme scolaire et des costumes de cérémonie. Le reste des ventes correspond à des articles importés du Sud-Est asiatique.
La société familiale est détenue à 100 % par les Khabbaz et dirigée par Pierre Khabbaz Aux commandes depuis deux ans, il a entrepris de restructurer l’entreprise afin qu’elle reste compétitive dans un secteur où la concurrence est très rude. Lorsque Khabbaz a commencé ses activités dans les années 1950, son seul rival sérieux était Zahar. Comme cette autre enseigne libanaise, il doit aujourd’hui faire face à une concurrence multiforme.
Khabbaz, qui emploie une cinquantaine de personnes à temps plein et une centaine d’autres pendant certains pics saisonniers, a choisi de viser la clientèle à revenu modeste et moyen. En 2008, Khabbaz se développe même avec des enseignes au nom de sa nouvelle marque adaptée à ce créneau : Mini Man. Trois boutiques seront inaugurées sous ce nom. Elles s’ajouteront au réseau de 22 points de vente existant, la majorité est la propriété de la famille, à l’exception de ceux qui sont situés dans des centres commerciaux.
Khabbaz est aussi présent en Jordanie, à Dubaï, Abou Dhabi et en Côte d’Ivoire où il vise une importante communauté libanaise. En 2008, l’enseigne ouvre au Koweït, en Égypte et en Arabie saoudite. Il s’agit de franchises auxquelles la société livrera environ 20 % de marchandise fabriquée au Liban.
Lola et Moi : une saga en fluo et rose
Propriétaires : Antoine et Rania Tohmé
Chiffre d’affaires : NC
Nombre de pièces produites par an : 200 000
Prix de vente : une robe est à environ 150 dollars
Budget publicitaire : 200 000 euros pour 2008
L’histoire de Lola et Moi est celle d’une “success story” née du flair d’un couple qui combine le sens des affaires avec une créativité débordante. La marque de renommée internationale affiche une croissance de 800 % entre 2005 et 2007. Adulée, saluée par les critiques internationales, Lola et Moi compte bien s’établir durablement dans la niche jusqu’alors presque vierge du vêtement haut de gamme et “design” pour enfants de moins de 12 ans.
La saga commence en 2003, lorsque Rania Tohmé, graphiste de formation, s’installe dans une micro-boutique à Saïfi pour y vendre des objets importés pour enfants, triés sur le volet. Elle concevait aussi des vêtements qu’elle faisait fabriquer suivant les commandes. Un article était exposé en vitrine, les clients intéressés étaient livrés une semaine plus tard. Très vite, le bouche-à-oreille aidant, Rania a été dépassée par les commandes, les clients raffolant de ses vêtements pour filles aux couleurs chatoyantes et au design original. Au bout de six mois, Rania décide de louer un plus grand atelier à Jounié pour y créer une vraie collection. Son mari, Antoine qui s’occupait jusque-là de la société de nettoyage industriel CA&T, structure l’entreprise pour en développer l’activité. En juin 2005, il investit 125 000 dans l’affaire et le couple confectionne une première collection printemps/été avec 75 modèles.
L’entreprise s’agrandit à grande vitesse grâce aux différents salons dans lesquels elle présente la marque, tels le “Kids Fashion” de Bruxelles, en juin 2005, ou le “Children’s Club” de New York, en mars 2006. Jusqu’alors totalement inconnue aux États-Unis, Lola et Moi triomphe : le salon américain se solde par 50 000 dollars de commandes.
Antoine et Rania ne perdent pas de temps pour exploiter cet engouement. Ils créent une société offshore au Liban et ouvrent plusieurs bureaux à Paris, à Beverly Hills et à Londres. Depuis Jounié, la société est pilotée comme une multinationale dès la première année de sa création. Un capital supplémentaire de 2,5 millions de dollars est injecté par le couple pour permettre à Lola et Moi d’investir dans la communication et l’établissement de structures de distribution. C’est le cas du showroom de 150 mètres carrés, place de Furstemberg dans le VIe arrondissement. Avec des frais de fonctionnement d’environ 300 000 euros par an, Paris sert de plate-forme européenne : un responsable gère six agents répartis sur le continent. En 2008, le budget publicitaire européen prévu est de 200 000 euros.
C’est aux États-Unis que la marque connaît un succès retentissant au point qu’Antoine et Rania ont recruté pour 100 000 dollars par an une attachée de presse chargée de faire connaître la marque dans les médias internationaux.
L’ensemble est piloté à partir d’un bureau et d’un atelier de 700 mètres carrés à Jounié qui compte 16 employés sur un effectif total de 41 personnes dont cinq affectées au contrôle qualité en Inde. Conçues au Liban, les collections sont en effet exécutées à Delhi où 300 personnes travaillent quotidiennement dans six usines différentes affectées en exclusivité à la marque. Le carnet de commandes est de 200 000 pièces en 2008, avec une nouveauté : une collection pour garçons à partir de l’été.
Le prix de vente moyen d’une robe étant de 200 dollars, Lola et Moi se positionne sur le très haut de gamme, en concurrence avec Oilily, une marque néerlandaise qui occupe ce créneau depuis 30 ans.
Après Ryad et Beverly Hills, l’enseigne inaugure en grande pompe (grand défilé à Burj al-Arab) une franchise à Dubaï. L’année 2008 verra l’ouverture de nouveaux points de vente au Koweïit et en Jordanie. Au Liban, la marque a deux points de vente à l’ABC Achrafié et Dbayé.
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