Le marché libanais des couches-culottes, toutes catégories confondues, représente entre 15 et 17 millions de dollars par an. Malgré la crise économique, les professionnels ont le sourire, car le rythme des naissances reste soutenu. Et qui dit naissances, dit clients potentiels…
Avec un taux de natalité tournant autour de 20 ‰ ces 15 dernières années (équivalent à la moyenne mondiale, soit le double des pays européens par exemple), le Liban est une mine d’or pour les industriels de l’enfance. Qui dit naissances nombreuses, dit bébés à “équiper” en grand nombre. Des poussettes aux sièges pour auto en passant par les petits pots et les couches-culottes, les promesses de bénéfices ont incité les industriels à davantage d’investissements.
Selon les professionnels du secteur des couches-culottes, une famille dépense en moyenne 45 dollars en couches par mois et par bébé. Au Liban, ce pactole estimé entre 15 et 17 millions de dollars par an est divisé entre trois grandes marques : les américaines Pampers et Huggies, et la libanaise Sanita.
À la fin des années 90, Pampers prend de plus en plus au sérieux les promesses de croissance du marché levantin et décide d’ouvrir un bureau de représentation à Beyrouth en 2001 afin de couvrir le Liban, la Jordanie, la Syrie, l’Irak, le Soudan et l’Égypte. Avant cette date, le Liban était géré depuis l’Europe. « Depuis les années 90, le marché des couches est en constante augmentation, c’est pour cela que nous nous sommes implantés directement au Liban, afin de nous adapter au mieux à ce marché, affirme Sandra Hage, responsable marketing de Procter & Gamble au Liban. Notre marque, Pampers, est présente au Liban depuis de nombreuses années et nous sommes leaders sur le marché. Mais il faut se battre, car la concurrence est sérieuse. » Elle porte un nom : Happies, l’une des marques du groupe libanais Indevco (Sanita).
Des investissements colossaux
« Le marché des couches est relativement à l’abri de crise qui touche le Liban, se félicite Élias Osta, PDG de Sanita, qui revendique 45 % de part de marché. Il faut des investissements très lourds pour rester compétitifs. Par exemple, une chaîne de production coûte quatre millions de dollars. Nous en avons deux qui tournent en continu pour satisfaire la demande libanaise. » Selon lui, le marché des couches-culottes évolue très rapidement sur le plan technique. Sanita a donc développé un département de Recherche et développement (R&D) pour rester à la pointe. « Nous introduisons environ deux innovations techniques par an, constate Osta. Nous ne pouvons pas nous permettre de nous laisser distancer. » Dans ce domaine, le leader mondial américain possède une force indéniable, car le département R&D nécessite des investissements permanents. Le groupe Indevco, dont Sanita fait partie, a ainsi créé la société Phoenix Machinery qui se charge du R&D pour les couches. Phoenix Machinery est également responsable de la fabrication des chaînes de production de couches.
Si Sanita s’est lancée dans les couches en 1985, c’est surtout à partir de 1998 et le lancement de Happies, sa marque-phare sur le créneau haut de gamme, que les choses sérieuses ont commencé. « Notre grande force par rapport à la concurrence est d’être les seuls présents sur les trois créneaux : bas de gamme, moyen de gamme et haut de gamme, explique Élias Osta. Nous pouvons nous le permettre, car nous produisons au Liban, ce qui facilite l’adaptation au marché. Les marques importées n’ont pas la possibilité de cibler une clientèle spécifique. » Outre Happies et des marques destinées à l’export ayant les mêmes spécifications (qui représentent 50 % de sa production de couches), Sanita commercialise d’autres marques comme Bambi (moyen de gamme) ou My Baby (bas de gamme). « Mais attention, bas de gamme ne signifie pas mauvaise qualité, prévient le PDG de Sanita, qui respecte le standard international de qualité AAA Product. Pour pouvoir opérer dans ce domaine, il faut être au point techniquement, et ce savoir-faire se retrouve dans tous nos produits. La différence entre une couche Happies et My Baby se situe simplement sur la décoration de la couche et le nombre d’élastiques. »
Sur le marché libanais, Sanita prend évidemment très au sérieux la concurrence d’un géant commercial comme Procter & Gamble. « Pampers a une approche très pointue des couches-culottes, et très agressive en termes de marketing et de communication, poursuit Osta. Nous dépensons moins que Pampers en campagnes publicitaires à la télévision par exemple. En revanche, notre force est de pouvoir commercialiser nos produits avec des petits cadeaux. C’est une politique qui attire efficacement de nouveaux consommateurs. »
Séduire les consommateurs dès la maternité
Les deux marques leaders se retrouvent sur un point essentiel : l’approche du terrain. « Les mamans respectent les recommandations des maternités et du corps médical pour les soins à apporter aux bébés, explique un publicitaire libanais. Par exemple, 70 % du marché de la nourriture pour nourrissons est motivé par l’avis du médecin, contre 30 % par la publicité. Pour les couches, c’est la même chose : l’option de départ est déterminante, car les mamans sont fidèles dans le choix d’une marque. »
« Nous privilégions la communication de terrain, affirme le PDG de Sanita. Notre département marketing se doit d’être très actif, car nous vendons nos propres produits, nous ne sommes pas agents. Ainsi, nous organisons des visites dans les maternités et les maternelles afin de faire connaître nos produits. » Ces dernières années, la marque américaine Pampers a, elle aussi, développé un large plan d’attaque du marché libanais, à l’attention des mamans, mais aussi des pédiatres. Pour accroître ses parts de marché, Procter & Gamble ne lésine pas : campagnes publicitaires et parrainage d’émissions spécialisées à la télévision, mise en place de partenariats et de programmes d’informations avec le ministère de la Santé et la Lebanese Pediatric Association, installation d’une hot-line à l’attention des mères, et surtout démarchages dans les maternités. « Nous utilisons tous les supports médiatiques pour faire connaître nos produits. Mais nous nous focalisons surtout sur le contact direct avec les mamans, explique Sandra Hage. En collaboration avec l’association Petit Ange, nous distribuons des livrets d’informations et des kits pour les jeunes mamans dans plus de cent hôpitaux. Nous croyons fermement à l’éducation des mères. » Si Procter & Gamble et Sanita possèdent une réelle crédibilité sur le marché, nul doute que cette omniprésence auprès des jeunes mamans revêt un enjeu commercial majeur pour fidéliser les clientes le plus tôt possible.
60 ans d’histoire
C’est aux États-Unis, à la fin de la Seconde Guerre mondiale, qu’apparaît la couche-culotte telle que nous la connaissons aujourd’hui. Une maman entrepreneuse, Mary Donovan, a simplement l’idée d’ajouter un film plastique aux langes classiques. En 1950, Mary Donovan fait le tour des industriels de son pays pour développer et commercialiser l’idée. Aucune ne donne suite, à cause de coûts de production trop élevés.
Quelques années plus tard, en 1961, c’est finalement la société Procter & Gamble qui récupère le projet et diffuse à grande échelle son nouveau produit, les Pampers. Seul sur le marché, Procter & Gamble assoit son image et ses parts de marché, avant de voir arriver quelques concurrents, à la fin des années 60, parmi lesquels Kimberly Clark (Huggies).
Le chassé-croisé des prix
Sur le segment haut de gamme, Pampers, Huggies et Happies ont une politique prix de vente sensiblement similaire dans les supermarchés. Mais des trois, Huggies est la plus chère.
Les prix de vente au détail varient toutefois selon les promotions, comme l’explique Élias Osta, PDG de Sanita : « En moyenne, nous sommes 7 % moins cher que Pampers. Dernièrement, la marque américaine a baissé ses prix pour une période donnée, si bien que nos prix sont équivalents sur cette période. »
L’étude des prix de vente révèle en outre que les paquets économiques (dits “jumbo”) qui comprennent en général 80 % de couches de plus que les paquets normaux sont à des tarifs plus intéressants, ramenés au prix unitaire, chez Happies que chez Pampers.
Les marques moyen de gamme sont entre 20 et 38 % moins chères que les marques haut de gamme, selon les spécificités.
Comme pour nombre de produits industriels, un grain de sable enraie toutefois la mécanique des marques, qu’elles soient importées ou produites localement : la flambée des prix des matières premières et des transports internationaux. « Notre produit fini contient 80 % de matières premières importées, constate Osta. Nous n’avons pas répercuté ces hausses jusqu’à présent. » L’avenir dira si cette politique est tenable à long terme.
Sanita exporte 85 % de sa production
Le marché libanais ne représente que 15 % des 600 millions de couches produites chaque année par Sanita. Les 85 % restants partent à l’exportation. L’ensemble représente un chiffre d’affaires annuel de 45 millions de dollars. « Nous sommes présents dans quinze pays, de l’Europe au Maghreb en passant par l’Afrique noire et le Moyen-Orient, affirme le PDG Élias Esta. « Cette stratégie internationale, à travers des filiales ou des distributeurs indépendants, a été adoptée depuis le lancement de Happies en 1998, un produit que l’on retrouve parfois sous un autre nom commercial, en Angleterre par exemple où nous possédons d’ailleurs une usine de production. » Pour couvrir le Moyen-Orient, Sanita a aussi implanté trois usines en Arabie saoudite.