Que ce soit pour vendre des sodas, des téléphones portables ou des bijoux, les stars libanaises de la variété arabe sont des symboles très prisés par les agences de publicité et les grandes marques.

Le dernier contrat publicitaire de Nancy
Ajram avec Damas Jewellery « dépasse
largement un million de dollars,
selon Maria Badilla, directrice marketing.
Avec ses millions de fans, elle a acquis un
statut d’icône qui la rend très attractive
pour les sociétés commerciales. Belle et
moderne, son image sert à merveille notre
dernière collection – Farfasha – et elle
représente un atout certain pour atteindre
notre coeur de cible : les jeunes ». Comme
Nancy Ajram, de nombreuses marques ont
fait appel aux stars libanaises, dont le
rayonnement dépasse largement les frontières
du pays du Cèdre.
LA GUERRE PEPSI VS COCA-COLA
Cette arrivée en masse des grandes
figures libanaises remonte à 2005. Avant,
les grandes marques internationales ne
s’étaient pas encore orientées vers des
stars régionales pour leur communication
de masse. Au début des années 2000, la
marque de soda Pepsi, par exemple, inondait
les panneaux d’affichage avec des
chanteuses américaines comme Christina
Aguilera. L’“arabisation” de la communication
de la marque a débuté par le chanteur
égyptien Amro Diab, puis la Libanaise Élissa.
En 2005 finalement, c’est le principal
concurrent de Pepsi, Coca-Cola, qui change
la donne en signant un contrat avec
Nancy Ajram, basant toute la communication
régionale du groupe américain sur
cette “icône”, tandis qu’elle se repose sur
le chanteur Abdelmajeed pour le marché
saoudien, aux règles islamiques plus
strictes. Réponse du berger à la bergère, à
l’automne de la même année : Pepsi
recrute Haïfa Wehbé. La guerre publicitaire
commence entre les deux marques, avec
des approches résolument différentes.
La rivalité entre les deux géants est
d’ailleurs très particulière, car le Moyen-
Orient est la seule et unique région du
monde où Pepsi dame le pion à Coca-Cola
en termes de parts de marché (Coca a
beaucoup souffert d’un boycott des pays
arabes entre 1968 et 1992). La domination
est large : 75 % pour Pepsi, 25 % pour
Coca (qui rattrape lentement son retard),
les deux marques affichant chacune une
croissance annuelle des ventes supérieure
à 10 %. En 2006, Pepsi continue son
offensive, avec comme point d’orgue la
Coupe du monde de football et une campagne
publicitaire réunissant Haïfa Wehbé
et le sportif français Thierry Henry ; de son
côté, Coca-Cola continue de tout miser sur
Nancy Ajram. Pepsi enfonce le clou en
2007 en débutant une nouvelle campagne
très agressive, “Bahr el-noujoom” (Sea of
stars), faisant appel à cinq figures de la
variété arabe : les confirmés Haïfa Wehbé,
Waël Kfoury et Carole Samaha, et plusieurs
stars montantes dont Ahmad al-Shérif
(vainqueur de la première saison de la
“Star Academy”) et Ruweida al-Mahrouqi
(issue de l’émission “Studio al-Fan”).
L’apogée de cette campagne (prévue initialement
fin 2007) interviendra dans les
prochaines semaines avec la sortie en
salles d’un long-métrage entièrement produit
par Pepsi – une première dans le
monde du cinéma. Le film intitulé “Sea of
Stars” a été tourné dans les montagnes du
Nord-Liban et inclura neuf nouvelles chansons
de ces stars adulées par le grand
public. Selon la directrice marketing de
Pepsi Co. pour le Moyen-Orient, Rima
Chammas, « la production du film a coûté cinq millions de dollars. Il mettra en
scène des figures bien connues du grand
public, ce qui est une garantie de succès
et de visibilité. Et donc une bonne façon
d’inciter ce public à consommer la même
boisson que ses idoles ». Le PDG régional
de Pepsi Co., Saad Abdel-Latif, est
confiant : « Ce film sera le premier à
réunir un groupe de stars aussi connues et
aussi proches des jeunes. Nous sommes
sûrs qu’il aura une large audience. »
Pepsi et Coca-Cola sont en revanche très
discrets sur leurs budgets annuels pour
leurs campagnes de communication,
même si une fourchette allant de 30 à 50
millions de dollars chacun semble pertinente,
selon plusieurs sources publicitaires.
Évidemment, aucun des groupes ne
dévoile les cachets des stars enrôlées. De
l’avis de responsables des deux marques,
« ils sont certes mirobolants, mais le
retour sur investissement est bon ». Selon
Ahmad Rady, le directeur marketing régional
de Coca-Cola (cité dans le magazine
Communicate édité à Dubaï), « les stars
ont une aura mystique. Les consommateurs
sont attirés par leur succès et leur
célébrité : c’est vrai dans le monde entier,
et encore plus au Moyen-Orient, car ici les
gens ont un besoin viscéral de suivre des
modèles. Nous les utilisons donc beaucoup
dans notre communication, car ces stars
sont des aimants pour les adolescents que
nous ciblons ».
CÉLÉBRITÉ ET… RESPECTABILITÉ
Ces adolescents ne font pas que boire du
soda. Ils achètent aussi des téléphones
portables. Ainsi, le bureau régional de LG,
basé lui aussi à Dubaï, a signé un contrat
en 2007 avec la chanteuse libanaise Nawal
el-Zoghbi. Selon Rima Salman, directrice
des relations publiques de l’agence Polaris
en charge de la communication de LG, « le
choix de Nawal el-Zoghbi s’est fait naturellement,
car elle est une artiste célèbre,
une icône pour les jeunes. LG – qui sponsorise
plusieurs événements musicaux
dans le monde arabe depuis de nombreuses
années comme le “LG Digital
Music Festival” – l’a choisie pour être
l’ambassadrice de la série de cellulaires
Shine, car sa notoriété transcende les frontières,
les cultures et les générations ».
Utiliser la renommée et le visage d’une star
n’a certes rien de nouveau dans le monde
du marketing, mais l’utilisation de figures
arabes est un atout évident. « Se servir de
la célébrité d’une star s’est toujours avéré
être une réussite, poursuit Maria Badilla,
de Damas Jewellery qui dépense annuellement
10 millions de dollars dans ses campagnes
de communication.
Des stars de Bollywood (l’équivalent indien
de Hollywood) aux top models en passant
par les talents régionaux, notre marque a
toujours suivi cette politique. Mais je pense
que le choix d’une star de la chanson
arabe est le plus approprié. Nous pouvons
toujours miser sur une star occidentale, en
faisant le pari qu’elle soit connue par une majorité de gens. Avec Nancy Ajram, nous
n’avons pas ce doute : tous les Arabes la
connaissent. Une marque, quelle qu’elle
soit, doit donc choisir avec intelligence
cette star. Le principal critère – avant le
degré de célébrité – est sa respectabilité. »
Ahmad Rady (Damas Jewellery et Coca-
Cola ont opté tous les deux pour Nancy
Ajram) confirme ce point de vue : « La pire
des erreurs à commettre dans le choix de la
star serait de compter uniquement sur sa
popularité. Il faut que la marque et la star
représentent les mêmes valeurs. C’est un
jugement très subjectif, mais il est fondamental,
sinon la campagne est vouée à l’échec.
Dans le cas de Nancy, c’est très simple :
contrairement à d’autres stars, les parents
des adolescents que nous visons aiment
Nancy autant que leurs enfants. »