«Le marché de l’automobile évolue à grande vitesse. Il est tenaillé par une concurrence féroce. Pour le suivre, les mentalités doivent changer de fond en comble».
C’est ainsi que Jacques A. Nasser, le nouveau directeur exécutif de “Ford Motor”, interpelle les jeunes cadres de la compagnie, dans la salle de conférences de son siège de Dearborn, à Michigan, USA.
Depuis qu’il a pris en charge ses fonctions, au mois de janvier 99, ce nouveau directeur de 51 ans s’est saisi de toute l’organisation de la société et l’a entièrement secouée. Son but ? Refaire du géant industriel de 96 ans une société puissante, orientée vers la croissance du nombre des consommateurs. Une société bâtie pour le XXIe siècle, au moment où seule une poignée de géants de l’automobile pourra encore se battre au niveau mondial.
Durant les neuf premiers mois de sa prise de fonctions, Nasser a lancé des initiatives drastiques. Depuis janvier, il a dépensé 6,45 milliards de dollars pour acheter Volvo. Il a intensifié les efforts pour modifier la façon dont Ford conçoit ses voitures. Et il a établi des plans pour augmenter les ventes de voitures Ford de luxe.
Un Libanais d’Australie
Ce poste est une importante responsabilité pour cet homme d’origine libanaise, qui ne se repose jamais. Depuis qu’il a débuté son parcours, il y a 31 ans en Australie, en tant que jeune directeur, il a passé presque toute sa carrière dans les régions lointaines de l’empire Ford, emmenant partout avec lui Jennifer Nasser, sa femme depuis 26 ans, trois filles et un fils.
Dès le départ, Nasser s’était montré impatient face à la bureaucratie qui régnait à Ford, et qui le dérange encore tant aujourd’hui. Il se souvient que lorsque, en 1977, il avait quitté l’Australie pour la branche de Ford aux Philippines, son patron l’avait prévenu : «Si vous partez, vous ne reviendrez jamais à Ford-Australie».
Il y est revenu, pourtant, en 1990, pour réorganiser cette unité à problèmes, avant d’aller faire la même chose en Europe. Jusqu’au moment où il a atteint la haute administration de Ford, en 1994, Nasser a pu ainsi développer son propre style d’entrepreneur.
Pour atteindre ce top niveau, Nasser combine à la fois des compétences financières et un sens instinctif du produit. Ce sont ces qualités qui l’ont propulsé vers les sommets, en 1993, lorsqu’il a pris en main les opérations en crise en Europe, parvenant rapidement à les faire sortir du rouge. Alors qu’il avait été appelé en Europe en tant qu’homme d’affaires astucieux, il a démontré qu’il avait un génie pour la création de produit.
Aujourd’hui, Nasser est toujours un visiteur fréquent, les samedis, des studios de conception de Ford. Et le responsable des conceptions reçoit une avalanche de notes, de photos et de croquis de la part de son patron, inspirées aussi bien des expositions classiques de voitures que de tout ce qui se passe à la télévision, ainsi que du spectacle de la rue.