L’usine de traitement des eaux de Tripoli sera l’un des premiers sites au Liban à recourir à une énergie renouvelable dont l’usage est déjà éprouvé depuis longtemps dans les pays développés : la biomasse. Ce terme regroupe l’ensemble des matières organiques pouvant devenir des sources d’énergie. En l’occurrence, le biogaz issu du traitement des boues assurera 50 % des besoins électriques de la station (hors chauffage) estimés à 10 mégawatts. L’économie serait de plus d’un million de dollars par an.
Youssef Karam, chef du département de l’eau et de l’infrastructure au Conseil du développement et de la reconstruction (CDR), explique que le principe de cogénération d’énergie est inscrit dès le départ dans le cahier des charges de la station d’épuration, dont la construction, l’exploitation et la maintenance ont été confiées sur appel d’offres à Degrémont, leader mondial dans le secteur. Le CDR était en effet tenu de respecter les réglementations européennes en matière de protection de l’environnement, puisque la Banque européenne d’investissement (BEI) assure la totalité du financement des travaux, soit 77,5 millions d’euros (auxquels il faut ajouter six millions de dollars pour l’émissaire en mer de 1 600 mètres qui sera opérationnel dès 2009).
La station d’épuration de Tripoli, dont le projet a été lancé en 2003, est la plus grande en cours de réalisation au Liban. À terme, elle traitera un débit moyen journalier de 135 000 mètres cubes de boues, issues des eaux usées, soit 60 tonnes/jour. Pour maximiser son autonomie énergétique et optimiser ses coûts de fonctionnement, la station puisera une grande partie de ses ressources énergétiques dans le biogaz issu du traitement des boues dans trois digesteurs de 10 000 m3 chacun. « Le digesteur agit à la manière d’un ventre humain lorsque vous mangez du “foul” au Liban », explique Bruno Hochart, directeur de la succursale de Degrémont au Liban. Le biogaz ainsi produit suivant le processus de méthanisation (voir encadré) est récupéré pour produire simultanément, dans la même installation, de l’énergie thermique et de l’énergie mécanique. C’est le principe de la cogénération, un système de production d’énergie à haut rendement (80 à 90 % en général) contre 40 % pour un générateur simple qui n’utilise pas l’énergie thermique produite.
En résumé, une partie du biogaz produit par digestion anaérobie est utilisée pour réchauffer les boues du digesteur (leur température passe de 15 à 37 degrés) afin d’optimiser le procédé de digestion. Une autre partie sert à actionner les alternateurs de deux générateurs électriques de 1 300 kVA produisant chacun 7 GWh/an, soit des économies annuelles de 600 000 dollars par générateur pour un tarif moyen EDL de 130 livres/kWh, selon Chadi Chaker, ingénieur électrique chez Degrémont. Enfin, une troisième partie de ce biogaz est exploitée pour brasser le digesteur, une technique propre à Degrémont Suez, explique François Baillot, responsable études chez Degrémont Liban.