Le nouveau PDG de la Société générale de banque au Liban, Antoun Sehnaoui, est désormais soutenu par un groupe d’actionnaires détenant 81 % du capital. Il s’agit de son père Nabil qui détient 57,5 % des actions et du groupe Kamel (Pierre André Kamel étant le beau-frère d’Antoun Sehnaoui) qui en possède 23,5 %. Le reste du capital (19 %) est détenu par le groupe français Société générale. L’ancien PDG Maurice Sehnaoui s’est désengagé totalement, alors qu’il avait une minorité de blocage dans la banque.
Nabil Sehnaoui a en effet racheté pour 84 millions de dollars à son frère et ses associés (la famille de Leyla Ziadé) la totalité de leurs parts dans la SGBL, soit environ 33,4 % des actions. La transaction valorise la banque à 252 millions de dollars.
« L’opération a été financée en partie par un apport personnel de Nabil Sehnaoui et le reste par un prêt de la Banque Byblos », précise la SGBL.
En association avec le groupe français Société générale, l’équipe entourant le nouveau PDG, élu le 11 octobre 2007, dirige désormais la banque et ses filiales, notamment la Sogecap, Fidus et Sogelease. « Les participations détenues en direct dans ces filiales par Maurice Sehnaoui et Leyla Ziadé ont fait l’objet d’un contrat de cession en annexe à un prix additif », explique la SGBL, sans préciser le montant concerné.
L’intervention des Kassar
Le désengagement du groupe Maurice Sehnaoui, au profit de Nabil Sehnaoui, s’est fait par l’intervention d’un tiers : le groupe Kassar, actionnaire majoritaire de la Fransabank.
« Les Kassar se sont présentés à nous comme les représentants mandatés par Maurice Sehnaoui et Leyla Ziadé pour les négociations », dit le porte-parole de la SGBL pour qui les Kassar ont assumé un rôle “d’intermédiation”. Il ajoute que l’ambition de ces derniers semble avoir été « d’entrer dans l’actionnariat de la SGBL avec une minorité de blocage en vue d’objectifs qui leur sont propres ».
Interrogée par Le Commerce du Levant, la Fransabank n’a pas souhaité répondre à nos questions.
Maurice Sehnaoui réfute, quant à lui, que les Kassar aient agi en simples « intermédiaires » entre lui et son frère Nabil. « Il y a eu application d’un contrat me liant au groupe Fransabank et à la BLC. C’est ainsi que je me retrouve actionnaire et PDG de la BLC. Il s’agit d’une opération “complexe”, une notion qui a une signification spécifique pour les avocats d’affaires. »
Selon lui, depuis que la Société générale a réduit en 2005 sa participation de 50 à 19 % du capital de la SGBL, il fallait dégager une nouvelle majorité en mesure de reprendre la gestion de la banque assmée depuis 1995 par le groupe français. L’accord avec les Kassar portait donc au départ sur le financement d’une offre d’achat/vente à travers laquelle Maurice Sehnaoui offrait au groupe d’actionnaires libanais, représentés par son frère Nabil, de racheter leurs parts ou de reprendre au même prix les siennes (et celles de Leyla Ziadé). Cette offre ayant été déclinée, « j’ai donc décidé de réduire unilatéralement ma part dans la SGBL en vendant mes titres et ceux de mes associés à un tiers. Et j’ai approché parallèlement la famille Kassar pour lui proposer d’entrer au capital de la BLC Bank à hauteur de 30 % ».
« J’ai proposé aux Kassar de développer la BLC, qu’ils détiennent à 97 % depuis juillet 2007, en concurrence vertueuse avec la Fransabank, explique-t-il. Les Kassar ont été séduits par ma proposition et ils ont exprimé le souhait d’acquérir des participations dans la SGBL. L’accord initial s’est ainsi mué en une opération tripartite “complexe“ avec la Fransabank et la BLC Bank avec achat, vente, échange d’actions et options, le tout portant sur une partie de mes parts dans la SGBL et sur environ 30 % des actions de la BLC Bank. »
Contestation de l’opération
Si la partie de l’accord entre les Kassar et Maurice Sehnaoui concernant la BLC a été appliquée en mars 2008, en revanche l’entrée des Kassar au capital de la SGBL à travers la BLC a été suspendue.
La SGBL d’une part et Maurice Sehnaoui d’autre part l’expliquent de deux façons divergentes.
Selon la SGBL, si la transaction avait été possible elle aurait eu lieu. « Il n’y a même pas eu tentative de changement dans l’actionnariat de la banque, ni au niveau des holdings de Maurice Sehnaoui et de Leyla Ziadé ni au niveau de leurs actions détenues en direct, tout simplement parce que c’était impossible sans notre accord. »
Le groupe Nabil Sehnaoui affirme en effet avoir la possibilité de se prévaloir d’un droit d’agrément, notamment en vertu d’une clause insérée dans les statuts de la SGBL. Maurice Sehnaoui dit, quant à lui, que la clause d’agrément statutaire ne s’appliquait pas dans le cas présent, dans la mesure où il ne cédait pas des actions SGBL, mais une holding détenant ces dernières.
« Les contrats de cession ont été signés et ils liaient les deux parties (Maurice Sehnaoui et les Kassar). Seul l’enregistrement a été suspendu parce que de sérieuses négociations ont immédiatement débuté à la demande du groupe Nabil Sehnaoui, et elles ont été acceptées par le groupe Kassar et par moi, car nous voulions démontrer que notre opération n’était pas hostile. Il aurait été inutile d’enregistrer les cessions pour ensuite revendre les titres, les procédures et les coûts associés étant superflus. Mais en cas d’échec de cette négociation, l’opération tripartite était en fait irréversible et c’est en vertu de cela que je suis devenu PDG de la BLC dès mars. »
Priée de dire quelle a été la position de la Banque centrale sur la question du droit d’agrément, la SGBL dit « pouvoir risquer objectivement une hypothèse : en tant qu’autorité responsable de la stabilité financière, elle s’est impliquée pour éviter des secousses préjudiciables au secteur financier qu’aurait nécessairement entraîné un conflit judiciaire ».
À la même question, Maurice Sehnaoui répond : « La Banque centrale a été parfaite dans sa fonction d’autorité de tutelle, affichant, comme il se doit, une objectivité et une neutralité certaines. À mon sens, elle a été imperméable aux menaces d’actions judiciaires relatives à l’agrément ainsi qu’aux pressions politiques ou confessionnelles. »
Sur le fond, c’est-à-dire la question de savoir si la Banque centrale jugeait la clause d’agrément applicable, la BDL n’a pas souhaité répondre au Commerce du Levant, préférant s’abstenir de tout commentaire concernant cette affaire.
Quoi qu’il en soit, les négociations ont abouti. Les Kassar et Maurice Sehnaoui ont accepté la proposition du groupe Nabil Sehnaoui. Les parts des holdings Maurice Sehnaoui et Leyla Ziadé, de même que leurs titres en nom propre, ont été cédées à Nabil Sehnaoui.
En comparant le prix auquel Nabil Sehnaoui a racheté à son frère Maurice ses titres, et celui auquel ce dernier avait cédé le contrôle de ses actions contre des titres de la BLC (sans que l’opération ne soit enregistrée), la plus-value réalisée par les Kassar serait de 24 millions de dollars. C’est en tout cas le chiffre qui a circulé dans la presse.
La SGBL juge que le terme de plus-value est en soi inapproprié, « car il n’y a pas eu transaction puis revente », mais tout au plus une commission « d’intermédiation », dit-elle.
Quant à Maurice Sehnaoui, il affirme que les prix des actions SGBL et BLC Bank étant intimement liés dans le cadre d’une opération complexe, la notion même de plus-value est inopérante.
La clause d’agrément
La SGBL n’a pas souhaité dire au Commerce du Levant sur quel argument juridique elle se fonde pour faire valoir son droit d’agrément, car, selon elle, le cadre ne s’y prête pas. « Nous nous conformons en cela à la demande expresse des autorités de régulation de suspendre toute action juridique ou polémique relative à ce sujet. » Gérard Garzuel, directeur général délégué de la SGBL, représentant la Société générale, n’a pas non plus souhaité ajouter quoi que ce soit aux réponses fournies par la banque.
De son côté, Maurice Sehnaoui confirme l’existence d’une clause d’agrément dans les statuts de la SGBL. Mais, en s’appuyant sur les consultations juridiques de plusieurs avocats au Liban et en France, il conteste l’applicabilité de l’agrément au motif principal que la cession de titres s’est faite au niveau de sa holding, cette dernière restant actionnaire de la SGBL.
« Le contraire serait absurde, car cela signifierait que les Sehnaoui auraient eu un droit d’agrément sur toute transaction sur les actions de la Société générale (le groupe français actionnaire de la SGBL), même par exemple en cas d’OPA éventuelle de BNP Paribas sur cette dernière ! »
Le PDG de la BLC ajoute que, dès 1984, les Sehnaoui ont voulu se regrouper en une holding qui aurait été actionnaire à leur place à hauteur de 50 % du capital de la banque, l’autre moitié des titres étant détenue par la Société générale. « Mais à l’époque, le groupe français avait refusé notre demande justement parce qu’il estimait que le remplacement des actionnaires par une holding empêchait de faire jouer la clause d’agrément. L’entrée de nos différentes holdings familiales au capital de la SGBL n’a été possible qu’en 2006, lorsque les Français ont réduit leur participation au capital de la SGBL de 50 à 19 %. »
L’agrément de la Banque centrale
La question de la validité du droit d’agrément ne se pose pas seulement au niveau des actionnaires de la SGBL. Le secteur bancaire est en effet régi par le code du commerce et le droit bancaire. En vertu de ce dernier, la Banque centrale a un rôle prépondérant de contrôle des banques commerciales. Elle a notamment un droit de regard sur l’acquisition et la cession des titres de capital dans une banque et doit donner son accord préalable lors d’un changement d’actionnaire lorsque la transaction porte sur plus de 5 % du capital de la banque ou lorsque le cédant fait partie du conseil d’administration. La Banque centrale vérifie si le nouvel actionnaire possède les qualifications bancaires requises et s’il a jamais trempé dans quelque affaire de blanchiment ou de fraude financière ; cela pour préserver la bonne santé du secteur bancaire. « Toutefois le texte n’est pas explicite en ce qui concerne le transfert des actions des holdings qui détiennent des participations dans des banques », souligne Maurice Sehnaoui. Sur ce point comme d’autres, la Banque centrale n’a pas souhaité répondre au Commerce du Levant. Chiffres-clés de la SGBL*
Bilan 31/12/2007 31/12/2006
(en millions de dol.)
Créances 817,5 866,6
Dépôts 2 251,3 2 409,9
Actifs 2 886,4 2 983,4
Capitaux propres 160,8 146,9
Revenu net 13,2 8,4
Nombre d’agences 58 58
Nombre d’employés 1 039 989
Rang par total bilan 11 10
(*) SGBL consolidée avec la SGBJ – Société générale
de banque en Jordanie, Fidus, la branche syrienne
et Sogelease. Chiffres-clés de la BLC
Bilan 31/12/2007 31/12/2006
(en millions de dol.)
Créances 190,9 189,8
Dépôts 1 479,5 1 464,1
Actifs (*) 1 732,6 2 200,9
Capitaux propres 128,4 76,9
Revenu net 13,2 8,4
Nombre d’agences 35 35
Nombre d’employés 483 487
Rang par total bilan 12 12
(*) Le total actif a baissé parce que BLC Bank
a vendu sa filiale opérant en France et aux
Émirats.
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