Lorsqu’il essaie de dire ce qu’il fait, les termes employés sont tellement ésotériques, que Fadi Daou finit toujours son explication par un sourire mi-amusé, mi-désolé. C’est que ce Libanais émigré aux États-Unis dans les années 1980 s’est spécialisé dans un domaine hyperpointu de l’industrie des nouvelles technologies : les semi-conducteurs. Entrepreneur à succès, il voudrait faire profiter son pays de son savoir-faire.
Diplômé de La Sagesse, à défaut de trouver du travail au Liban, c’est chez Genrad, un fabricant américain d’équipement électronique, qu’il débute sa carrière, après un cursus à la North Eastern University de Boston. C’est là qu’il se spécialise dans la high-tech. En 1996, il fonde l’ADSL Forum Test and Interoperability, un groupe de réflexion pour optimiser les circuits intégrés, en terme de rapidité notamment. Passionné par l’évolution des technologies de l’information, il décide de créer sa propre société.
En 2000, Telephotonics voit le jour, une entreprise spécialisée dans la communication thermo-optique. Mais deux ans plus tard, avec l’éclatement de la bulle, il est contraint de céder la start-up à Dupont (aujourd’hui Dupont Photonics), une société américaine fabriquant des composants optiques d’avant-garde et des modules pour réseaux de télécommunication.
La même année, il crée Fibergrade. Entouré d’une équipe de 27 ingénieurs, Fadi Daou se lance alors dans la fabrication d’émetteurs et de récepteurs optiques avancés. En 2004, lorsque Fibergrade est vendue à Pxit, une autre entreprise américaine de fibre optique, Fadi Daou est nommé directeur technique du groupe. Il occupe ce poste deux ans mais, en 2006, lorsque Pxit est vendue à Agilent, l’un des leaders mondiaux de l’électronique, il décide de rentrer au Liban.
« Je voulais entreprendre quelque chose dans mon pays. » Fort de son expérience aux États-Unis, il fonde INLET (International Network of Lebanese Entrepreneurs and Technologists), une ONG chargée de mettre en avant le potentiel des ingénieurs libanais. INLET les aide à s’insérer dans le monde de l’entreprise en organisant des réunions au cours desquelles les membres du réseau parlent de leur expérience et partagent leur savoir-faire. INLET leur assure aussi des formations spécifiques sur le financement de projet, la négociation ou les stratégies commerciales.
Parallèlement, Fadi Daou fonde Multilane, sa troisième start-up en six ans. Il décide cette fois de l’implanter à Beyrouth, dans les locaux de Berytech. L’entreprise conçoit des signaux optiques pour le haut débit notamment. Ses clients sont essentiellement des fabricants de semi-conducteurs pour l’industrie informatique comme Cisco, nVidia, Intel ou Dell.
Pour l’instant, Multilane agit en tant que sous-traitant, mais dès qu’elle aura atteint son rythme de croisière, Fadi Daou a l’intention de commercialiser lui-même ses innovations.
Son moteur est tout à la fois la volonté personnelle de réussir que celle de prouver le potentiel du Liban dans le secteur des semi-conducteurs. « J’ai la foi, mais je me rends compte que très peu de gens la partagent ici. Les universités libanaises sont formatées pour exporter leurs diplômés, alors que les jeunes n’ont qu’une envie, trouver des emplois sur place, comme moi à leur âge. »