Deux nouveaux vins, Château Marsyas et Bargylus, feront leur entrée sur le marché des vins proche-orientaux au début de l’année prochaine. Le lancement officiel a eu lieu au cours d’une conférence de presse à l’hôtel George V de Paris devant un parterre de professionnels du vin et de journalistes libanais et internationaux. Le premier vin est libanais, issu de vignes plantées dans la Békaa, d’où il tire son nom – Marsyas est l’ancien nom de la plaine – ; le deuxième est syrien, issu de vignes plantées dans la région de Jebel al-Ansariyé, anciennement mont Bargylus. Les deux ont en commun d’être le fruit de l’investissement du groupe de Johnny Saadé et notamment de ses deux fils, Karim et Sandro.
Tout a commencé en 1997, lorsque la famille Saadé, déjà active dans l’immobilier et le tourisme, décide de se lancer dans les vins et cherche à acquérir un vignoble à Bordeaux. Très vite, les deux frères se rendent compte du potentiel du Proche-Orient, et du fait qu’il leur est plus intéressant de créer un vignoble à partir de zéro, sur lequel ils auront un contrôle total de toutes les étapes de production et pourront imposer leurs propres critères de qualité. C’est ainsi que la famille a commencé à chercher des terres en Syrie, d’où elle est originaire, et au Liban, où elle réside depuis trois générations.
En Syrie, le processus a été long et laborieux. Outre le fait que la culture du vin y avait disparu depuis de nombreux siècles, les nationalisations dans les années soixante y avaient morcelé les propriétés terriennes. La famille de Johnny Saadé a dû obtenir un décret du Conseil des ministres pour pouvoir acquérir une surface cultivable importante en rachetant des parcelles aux propriétaires locaux. Le temps de choisir les cépages adéquats, de former les travailleurs locaux... Les premières vignes ont été plantées en 2003, et il a fallu trois ans avant de sortir un premier millésime.
Le projet libanais a quant à lui commencé en 2004. La culture du vin étant déjà développée dans la Békaa, il a été plus simple à mettre en place. Le premier millésime date de 2007, deux ans après la plantation des vignes
D’emblée, l’objectif est de produire de la qualité. Le spécialiste français Stéphane Derenoncourt* a été sollicité dès 2004 en tant que consultant. Des experts français et italiens ont été embauchés pour leurs conseils en œnologie et en agriculture, une grande place a été accordée à la formation du personnel sur place, les cépages choisis figurent parmi les meilleurs au monde, les architectes sélectionnés pour la construction des chais ont fait l’objet d’appels d’offres sélectifs…
Les surfaces cultivées ne sont pas encore très grandes : 20 hectares pour Bargylus, 50 pour Château Marsyas, mais sont amenées à doubler ; l’objectif est d’atteindre 50 hectares pour Bargylus et 100 pour Château Marsyas dans un horizon de trois à quatre ans. La production actuelle est d’environ 50 000 bouteilles de vins par an pour Bargylus et 150 000 à 300 000 pour Château Marsyas. À titre de comparaison, la production libanaise de vins en 2005 est de six millions de bouteilles par an, dont près des deux tiers vendus par Kefraya et Ksara**. Plus des trois quarts des bouteilles produites par les deux domaines de la famille Saadé sont destinées au marché international, en particulier à la France et au Royaume-Uni.
Bien que les deux vins se positionnent sur le même segment, à savoir le haut de gamme, ils bénéficieront chacun de leur propre réseau de distribution, ainsi que d’équipes (marketing, commerciales) distinctes, d’images et de communications indépendantes, etc.

Musée du vin

Mais la famille Saadé va plus loin : elle souhaite « développer la culture du vin », selon les termes de Karim Saadé, en construisant un hôtel de charme et un musée du vin près du domaine de Château Marsyas. Les deux projets, conçus en collaboration avec la boîte de conseil en hôtellerie et tourisme Hodema, en sont encore au stade préliminaire, mais on sait déjà que le musée sera consacré au vin moyen-oriental : traditions, histoires, culture, cépages, outils, etc. Il sera également un laboratoire d’étude et de test des cépages autochtones afin de promouvoir et d’améliorer leur exploitation dans la région.
Au total, les projets nécessitent un investissement de 29 millions de dollars : quatre millions pour Bargylus, quinze millions pour Château Marsyas, et dix millions pour la chambre d’hôte et le musée du vin, le tout financé intégralement par la famille Johnny R. Saadé. Avec un prix à la cave*** de quatorze euros pour le Bargylus rouge, huit euros pour le blanc, dix euros pour le Château Marsyas rouge et sept pour le blanc, la famille Saadé peut s’attendre, avec les surfaces cultivées actuelles, à un chiffe d’affaires sur les vins oscillant entre 2 millions et 3,5 millions de dollars par an ; ce chiffre doublera d’ici trois à quatre ans, avec l’expansion des surfaces cultivées, et s’y ajouteront les chiffres d’affaires de la chambre d’hôte et du musée lorsqu’ils seront opérationnels. Comme le souligne Karim Saadé, « même si le projet est rapidement rentable à partir du lancement de la production, nous avons une vision à long terme, et la priorité est de créer de la valeur : au fur et à mesure que les vignes vieillissent, la production devient meilleure et tout le projet prend de la valeur».

(*) Stéphane Derenoncourt : www.vigneronsconsultants.com
(**) Source : le site Internet de l’Union vinicole du Liban (www.lebanonwines.com)
(***) Prix à la cave : prix du vin à la sortie de la cave où il est produit.