Comme chaque année au début du mois de décembre, le magasin Exotica d’Achrafié est en ébullition. La mise en place des sapins de Noël symbolise le début d’une intense activité pour cet établissement. « Notre chiffre d’affaires augmente de près de 50 % durant cette période. C’est de loin le mois le plus important. Nous restons d’ailleurs ouvert le dimanche pour pouvoir répondre à la demande et nous embauchons huit personnes de plus pour renforcer notre effectif de 12 employés », affirme la responsable du magasin Samira Matta. Des arbres de toutes les tailles remplissent petit à petit l’espace.
La valeur d’un sapin varie en fonction de deux critères : la dimension et l’espèce du conifère. L’épicéa, très odorant mais peu résistant, et surtout le nordmann, qui garde ses aiguilles près de 60 jours, sont les principales variétés proposées. Le premier prix est de 35 dollars pour un arbre d’un mètre sans racines, mais il peut atteindre plusieurs centaines de dollars pour des arbres de grande taille.
La succursale d’Exotica propose aussi une large gamme de sapins synthétiques d’un étonnant réalisme pour un coût variant entre 50 et 430 dollars.
« Nos ventes de sapins naturels ont diminué depuis quelques années. Les arbres artificiels sont de bien meilleure qualité qu’avant. Ils représentent aujourd’hui la moitié de nos ventes », assure Étienne Debbané, directeur général du groupe Debbané qui détient Exotica, l’un des grossistes d’un secteur qui écoule environ 10 000 conifères par an, ce qui représente des importations d’environ 300 000 euros. Les arbres importés sont principalement des nordmanns. Même si ces arbres sont plus chers que les épicéas, ils sont mieux adaptés au climat libanais. 90 % des sapins importés sont coupés au pied, car les mottes prennent trop de place, notamment pour le transport.
Malgré son importance en terme de chiffre d'affaires, l’arbre de Noël n’est pas un produit très rentable. « La marge est beaucoup moins forte que sur d’autres plantes. Sans compter que les clients sont très exigeants avec les sapins et beaucoup d'entre eux rapportent leur arbre lors de la livraison ou lorsqu’il meurt avant Noël », confie Debbané. Dans le magasin Exotica d’Achrafié par exemple, près de la moitié des sapins vendus sont ainsi jetés ou remplacés, selon Samira Matta.
Ces difficultés découragent beaucoup de petits détaillants qui n'ont pas la même surface que le réseau Exotica. Le sapin « ne génère pas de profit, il prend de la place et mobilise beaucoup de main-d’œuvre », témoigne Georges Hanna, l'un d'entre eux. La demande étant en baisse constante, il n’exposera pas d’arbres de Noël cette saison dans son magasin Les 3 Fleurs, à Mar Mikhaël, et se contente d'en vendre une cinquantaine par an, sur commande. « Seuls les plus riches peuvent encore se permettre de s’offrir un beau sapin », constate-t-il, et certains clients se sont rabattus sur des thuyas qu'ils pourront replanter après Noël.

Un produit d'appel

Le sapin naturel présente toutefois des avantages pour une entreprise comme Exotica : il contribue à son image de marque d'une part et favorise d'autre part les achats de produits dérivés présents en force dans les cinq points de vente du réseau. Ce sont ces derniers qui assurent la rentabilité pour la période des fêtes de fin d’année.
Les sapins vendus au Liban, chez Exotica comme ailleurs, sont tous importés d'Europe à défaut de terrains exploitables localement. Il existe une forêt de vieux sapins à Ammouh, dans le Nord, mais elle est protégée, explique Étienne Debbané qui s'approvisionne principalement en Italie, ainsi qu'en France et en Belgique. Le Danemark est le plus gros exportateur au monde de sapins de Noël. L’exploitation de huit à neuf millions d’arbres, très majoritairement des nordmanns, rapporte à ce pays près de 150 millions d’euros chaque année. Seule 10 % de cette production est à destination de son marché national. L'Europe produit annuellement entre 50 et 60 millions de sapins de Noël naturels contre 36 millions en Amérique du Nord. Rien qu’aux États-Unis, le marché des sapins de Noël représente plus d’un milliard et demi de dollars par an, selon l’association Plant Health Progress.
Les sapins de Noël poussent facilement sur des sols relativement pauvres : ils sont coupés en forêt, car leur prix de vente est trop faible pour justifier une exploitation en pépinière. « Ils n'ont pas besoin de beaucoup d’entretien, mais ils ont besoin de temps, car il leur faut huit à dix ans pour arriver à maturité », assure Michel Denis, copropriétaire d’une petite exploitation de 15 hectares dans les Ardennes Wallonnes, qui produit annuellement 30 000 sapins (surtout de la variété nordmann) dont 80 % sont exportés.