En un an, plus de 800 000 personnes ont utilisé Yamli.com, un outil qui révolutionne la recherche sur le web arabe et qui a valu à ses créateurs le “Prix de la meilleure technologie Internet” décerné par le Pan Arab Web Awards 2008.
L’idée est simple : le logiciel transcrit en caractères arabes les mots tapés phonétiquement en caractères occidentaux. Le but est de permettre à ceux qui n’ont pas accès à un clavier arabe, ou qui préfèrent simplement écrire phonétiquement, de pouvoir faire des recherches sur les pages Internet dont le contenu est en arabe. Ce système ouvre de nouvelles possibilités pour tous les sites arabophones dont l’accès et le développement sont freinés, entre autres, par la difficulté d’écrire en arabe sur un ordinateur.
« Le contenu arabe ne représente que 0,5 % du web, alors que 4 % des internautes sont arabophones et que l’usage d’Internet a augmenté d’environ 920 % entre 2000 et 2007 dans la région, soit l’une des plus fortes progressions mondiales », dit Habib Haddad, cofondateur de Yamli. « C’est un cercle vicieux, explique le jeune ingénieur libanais de 28 ans diplômé de l’Université américaine de Beyrouth et de l’Université South California. Les internautes ne tapent pas en arabe, parce que c’est presque impossible sur un clavier occidental. Ils ne font donc pas de recherches arabophones. La demande étant faible, peu de contenu est publié en arabe et ces sites attirent eux-mêmes peu de publicité en mesure de soutenir financièrement leur développement. » Une étude faite par l’Université américaine du Caire montre que 78 % des internautes arabophones n’ont jamais tapé en arabe. « Imaginez si 78 % des Français n’avaient jamais tapé en français, comme ce serait destructeur pour leur langue sur le web et comme cela limiterait les entreprises locales. »
L’idée de Yamli.com est née lors de la guerre de l’été 2006 avec Israël. Habib Haddad, alors à Boston en tant qu’ingénieur graphique chez AMD (Advanced Micro Services), il cherche des nouvelles en arabe et fait face à la difficulté de trouver des informations précises, à défaut de pouvoir taper en arabe à partir de son clavier. Le besoin pour un convertisseur de transcriptions phonétiques lui paraît évident. Il fait alors équipe avec un compatriote, Imad Jureidini, diplômé de MIT avec un PhD en génie nucléaire, avec lequel il commence ses recherches et fonde la start-up Language Analytics LLC basée à Cambridge, Massachusetts. « L’avantage d’être aux États-Unis c’est la technologie, la rapidité d’Internet et certaines autres choses pratiques. Mais il est clair que nous avons besoin d’être proche de notre public, et je passe d’ailleurs près de la moitié de mon temps au Moyen-Orient », explique Haddad, qui envisage d’ouvrir un bureau au Liban pour entreprendre davantage de recherches sur les besoins des internautes de la région. Mais pour l’instant, l’équipe n’est composée que des deux fondateurs.
Conçu d’abord comme un outil de transcription, Yamli.com prend un nouvel élan le 8 octobre 2008, avec le lancement d’une interface de programmation gratuite (Application Programming Interface ou API) qui permet à tout site Internet d’intégrer la technologie de Yamli.
« Ce qui est génial dans les projets d’Internet, c’est qu’au départ ils ne coûtent pas grand-chose. Il nous a fallu un capital de moins de 10 000 dollars pour commencer. Nos coûts se limitant à celui du serveur, de certaines licences et des frais légaux, sachant que nous fournissons la totalité de l’investissement en travail. Et comme nous avons utilisé la tactique du bouche à oreille, nous avons très peu dépensé sur la commercialisation du produit. » Ces frais ont été couverts grâce à l’apport de deux “angel investors”, Georges Harik, d’origine libanaise, et Aydin Senkit, deux ex-googlers qui ont à leur palmarès des initiatives comme Gmail, Adsense et Google Mobile. La rencontre avec Harik s’est faite à travers un ami commun, précise Haddad. « Il s’est intéressé à nous après avoir quitté Google, alors qu’il avait entrepris de conseiller de petites start-up Internet. »
Pour rentabiliser l’investissement, Yamli compte sur des recettes publicitaires dès 2009, suivant en cela un modèle économique classique sur Internet. Les bannières apparaîtront sur la page de résultat d’une recherche, comme sur Google ou Yahoo!. Yamli offrira aussi un espace qui lui est spécifique : la bannière se situera dans la boîte offrant plusieurs mots arabes correspondant au mot tapé phonétiquement. Son avantage pour les internautes est de se trouver directement dans le champ visuel de l’internaute. Les revenus publicitaires devraient toutefois rester minimes, car le marché de la publicité en ligne est encore réduit dans le monde arabe : il n’est que de 30 millions de dollars par an, selon une estimation citée par Start-up Arabia contre 20 milliards de dollars aux États-Unis. « La bonne nouvelle, c’est que ce marché grandit très vite », dit Haddad.
À en croire la rumeur qui court sur les blogs Internet, le jackpot pourrait venir d’ailleurs si Yamli.com est racheté par un grand du secteur comme Google.