Plus de 1 500 marques italiennes sont présentes sur le marché libanais. Mais les Italiens ne s’arrêtent pas en si bon chemin. Ils multiplient même les initiatives de séduction.
L’Italie constitue pour le Liban un point de référence fondamental surtout sur le plan du processus de reconstruction. D’abord parce que c’est le premier pays donateur avec 10% du total des financements octroyés et aussi parce que c’est le premier partenaire commercial et le premier créditeur.
Paolo Dionisi, conseiller commercial à l’ambassade d’Italie, fait le point sur l’actualité des relations économiques et des échanges entre les deux pays.
L’argent et la volonté
Selon M. Dionisi, l’Italie est depuis plus de vingt ans déjà le premier partenaire du Liban. Elle totalise 13% du total des échanges commerciaux. Il explique: «Il existe un déséquilibre important en faveur de l’Italie: pour 100 dollars d’échanges commerciaux, 95 dollars sont des exportations, et seulement 5 dollars sont des importations. Le solde est donc positif pour l’Italie avec une moyenne de 1 266,8 milliards de lires italiennes par an (700 millions de $). En 98, nous avons perdu 14,2% des importations libanaises. Les secteurs les plus affectés sont: la mécanique des métaux (-28,6%), les machines électriques (-13,6%), le pétrole raffiné (-12,3%), l’argent, l’or et le platine (-12%)».
L’Italie importe essentiellement du Liban des fertilisants et des engrais chimiques, des cuirs et des peaux, de l’huile d’olive, des produits métalliques et du cuivre usagé.
M. Dionisi enchaîne: «Malheureusement, les investissements directs ne sont pas nombreux. En réalité, il n’y en a qu’un seul, c’est le joint-venture Snaidero-Groupe Indevco (New-Okal). Cette usine de production de cuisines et d’éléments de rangement donne de bons résultats et elle a réussi à se développer dans la région à partir du Liban».
Pour développer ses échanges avec le Liban, l’Italie met en place chaque année un programme spécial. M. Dionisi donne un exemple: «En février 99, nous avons été le sponsor principal d’une visite d’industriels libanais en Italie où ils ont rencontré le ministre du Commerce extérieur, Piero Fassino».
En résultat de cette visite, une stagiaire de la Confindustria (fédération industrielle) est arrivée au Liban depuis plus de trois mois. Elle travaille avec l’Association des industriels libanais pour développer des projets communs. Les premières conclusions de son séjour se résument en quelques mots: il y a l’argent, la capacité et la volonté de produire.
Paolo Dionisi assure: «L’Est européen nous concerne et nos échanges avec lui ne sont pas négligeables, mais la région Mena (Middle East-North Africa) et le Liban en premier lieu sont au même niveau de notre intérêt. Preuve en est la visite du ministre Fassino en juillet dernier».
Entretiens fructueux
M. Dionisi évalue les résultats de cette visite. Pour lui, M. Fassino a eu des entretiens très fructueux avec les ministres Najib Mikati et Nasser Saïdi.
Concernant les transports ferroviaires, M. Mikati a demandé l’aide de l’Italie pour compléter le cahier des charges du projet de la ligne ferroviaire Jounieh-Jieh, qui a un impact au niveau du social et de la rentabilité. Déjà, la compagnie Ansaldo-Breda en consortium avec une compagnie française (SPI Enertrans) et une firme japonaise sont intéressées à l’entreprise.
Pour les transports aériens, il a été question d’une coopération MEA-Alitalia. Cette dernière peut offrir un réseau de destinations pour aider la MEA à établir des ponts avec le Brésil et le Canada par exemple. De son côté, la MEA peut servir de lien entre Alitalia et les pays arabes.
Dans le domaine du transport maritime, huit compagnies italiennes sont déjà intéressées aux travaux entamés dans le port de Tripoli.
En ce qui concerne l’économie, le commerce et l’industrie, les pourparlers avec le ministre Saïdi ont été aussi concluants. Une coopération sera assurée dans le secteur de l’agro-industrie surtout au niveau de la production d’huile d’olive pressée à froid. Un projet conjoint Syrie-Liban-Italie est à l’étude.
M. Saïdi a aussi demandé une aide italienne pour créer un institut libanais du commerce extérieur. Des cours de formation seront organisés au profit des cadres dirigeants de la nouvelle agence, grâce à des fonds octroyés par l’Italie.
De même, il a été question d’installer une ligne de fibres optiques entre Beyrouth-Zahlé et Zahlé-Syrie. «Bref, la visite de M. Fassino peut être qualifiée de très positive, lui-même était très satisfait et impressionné par les qualifications du ministre Saïdi», ajoute M. Dionisi.
Vision régionale
Le cadre général de l’avenir des échanges commerciaux entre l’Italie et le Liban a été d’ailleurs débattu au cours de la réunion régionale des représentants de l’économie italienne au Moyen-Orient et au nord de l’Afrique (Mena). Celle-ci s’est tenue à Beyrouth, les 28 et 29 juillet dernier.
Cette réunion annuelle est organisée par le ministère du Commerce extérieur italien. Elle regroupe tous les conseillers économiques et commerciaux des ambassades d’Italie dans la région Mena, ainsi que les directeurs des ICE (Instituts du commerce extérieur) et plusieurs membres de la Chambre de commerce italo-arabe.
Rappelons que l’ICE est une agence rattachée au ministère du Commerce extérieur. Son premier but est la promotion des produits italiens à l’étranger. Elle assiste les compagnies et les Chambres de commerce italiennes. Ces dernières ont fondé une association, Asso Camere, afin de mieux coordonner leurs activités.
Quant à la Chambre de commerce italo-arabe, elle œuvre en vue d’augmenter le volume des échanges avec les pays arabes. L’Italie est le premier partenaire commercial de l’Algérie, de la Tunisie et du Liban. Elle est aussi parmi les trois premiers fournisseurs du Maroc, de la Libye et de l’Égypte. C’est la cinquième puissance économique mondiale et le quatrième bailleur de fonds des Nations unies après les États-Unis, le Japon et l’Allemagne.
La réunion est donc l’occasion d’échanges de vues. Son but principal est de reconsidérer la politique commerciale italienne dans la région MENA.
Cette année, à Beyrouth, le ministre Fassino présidait aux séances. Il a notamment déclaré: «La région Mena est primordiale. Mais face à l’importance de notre présence politique, nous gardons encore un rôle assez limité sur la scène économique des pays en question».
Que faire de plus?
Les conclusions au niveau du Liban ont globalement soulevé que le marché libanais demande surtout une série d’interventions finalisées, en vue de maintenir et de développer la position qu’il a réussie à reconquérir sur le plan commercial.
Le Liban devrait encourager une formation professionnelle plus poussée, en vue de futurs investissements industriels et en prévision du marché commun libano-syrien, qui sera constitué bientôt.
Du côté des relations italo-libanaises, une direction stratégique devrait être adoptée. Elle consisterait à renforcer la position italienne dans le domaine des grands travaux, surtout au niveau de l’infrastructure, qui est un secteur prévalant de l’économie libanaise.
Quant à l’exportation, certains produits italiens ne sont pas encore assez présents sur le marché: les équipements hôteliers, les machines pour l’industrie du plastique, les équipements électro-médicaux, les cosmétiques et l’imprimerie.
Au niveau général, les recommandations ont porté sur les opportunités disponibles et les actions promotionnelles à envisager :
- Sur le plan de la coopération industrielle afin de favoriser surtout les PME.
- L’octroi d’une assistance technique, spécialement en vue d’implanter le programme Meda et les standards européens.
- La promotion des opportunités d’investissements valables.
- L’implantation d’une formation universitaire de management, technique, professionnelle et sectorielle suivant l’esprit italien. C’est le meilleur véhicule pour mettre en présence des PME mixtes.
- L’amplification du réseau de l’ICE dans la région Mena. Dans le cadre d’un programme particulier pour l’an 2000, l’ICE a proposé une augmentation des ressources mises à disposition afin de mieux aider à atteindre les objectifs précités.
La Sace, un rôle-clé
Sur le plan des investissements directs, certaines entreprises italiennes que nous avons interrogées ont fait part de leur inquiétude face à la bureaucratie libanaise, qui constitue pour elles, un obstacle majeur.
Reste que sur le plan des échanges entre l’Italie et le Liban, la Sace (Societa Assicuratrici Al Credito Estero) joue un rôle important. La Sace, société de garantie des crédits extérieurs, est l’organisation publique italienne équivalente à la Coface française et à la Hermes allemande. Elle intervient normalement dans la plupart des pays où l’Italie a des intérêts économiques et commerciaux. Elle est omniprésente dans tous les contrats de crédits à l’export et donc incontournable dans toute situation de négoce avec des firmes italiennes.
Le comité de gestion de la Sace a adopté, dès le 30 octobre 97, une nouvelle position envers le Liban. Il l’a placé dans la catégorie des pays à risques 5a (un peu mieux que les pays sous-développés souvent classés 7). Ceci a impliqué un abattement des tarifs de 10%, et les contrats d’importations doivent être assurés à 90% seulement.
Dans les cas d’opérations à court terme, une LCI (Lettre de crédit irrévocable) est devenue suffisante, à l’exclusion de l’examen au cas par cas qui était en vigueur auparavant. Quant aux crédits à moyen et long terme, ils restent liés à l’examen au cas par cas sauf dans des situations particulières où il s’agit d’aider à améliorer les capacités de productivité du Liban.
Pour le secteur privé, il suffit de présenter une garantie bancaire. Mais en ce qui concerne le secteur public, l’engagement de l’État est souverain. De plus, il n’existe plus un plafond ou une limite unitaire maximale de transition. L’engagement de la Sace au Liban est exposé à concurrence de 679 milliards de lires italiennes (370 millions de $).
Cette présence de la Sace devrait encourager beaucoup plus les investissements directs et faire prévaloir les partenariats entre le Liban et l’Italie.