Sur cent brevets déposés en France, un seul devient un succès commercial, trois ou quatre permettent à leur dépositaire de gagner de l'argent, une dizaine couvrent les dépenses et tous les autres sont une source de pertes. Raja Siblini, une Libanaise établie à Paris depuis 1985, espère être du bon côté des statistiques de l'INPI (Institut national français de la propriété intellectuelle), même si cette ancienne prof de maths rompue aux probabilités le sait mieux que quiconque : la réussite est loin d'être garantie.
Son invention, le “Pourcenteur”, a pourtant un très vaste marché potentiel, à savoir les quelque quatre millions d’élèves du cycle complémentaire en France (collège) sans compter ceux qui sont scolarisés dans des établissements francophones à travers la planète, dont le Liban.
Cet outil, breveté en 1999 et marque déposée en 2000, s'ajoute à la panoplie de règles, équerres, rapporteurs... qui peuplent les trousses des apprentis mathématiciens. Avec une fonction nouvelle : visualiser le concept des pourcentages et tracer un camembert directement en pourcentage, alors que jusqu'à présent l'élève devait faire les calculs en degrés et les transformer en pourcentage, ou vice versa.
« Les statistiques sont au programme du collège et elles tiennent aussi une place importante dans la vie quotidienne », dit Raja Siblini, pour expliquer l'origine de son idée. Auteure des sections mathématiques de la collection parascolaire “Tout savoir” des éditions Hatier, ainsi que de livres des “Fiches Bac” pour les classes de seconde, cette Libanaise de 64 ans admet ne pas avoir le profil type d’une entrepreneuse. « Pourtant, j’y crois », explique-t-elle à l’occasion d’un passage à Beyrouth, qui a été l’occasion pour elle de démarcher des établissements scolaires. « J’envisage une commande du Lycée Hariri à Saïda pour la rentrée prochaine, et je suis déjà référencée depuis 2003 par le Grand Lycée français de Beyrouth, mes produits sont disponibles à la Librairie Antoine. »
Au total, sa société Maths en main, une SARL au capital de 7 500 euros, a déjà écoulé 35 000 exemplaires du Pourcenteur depuis sa création sur 54 000 fabriqués, ce qui représente un chiffre d’affaires d’environ 10 000 euros par an. « J’aurais pu céder mes royalties à un grand éditeur, car je n’ai pas vraiment la formation d’une gestionnaire, mais en général ils n’associent pas le plastique au livre et j’ai dû me lancer à mon propre compte. » Raja Siblini espère tripler son chiffre d’affaires dans un premier temps, à travers des efforts promotionnels limités. « À moins de trouver un partenariat concluant, je ne peux pas me permettre de salarier un commercial pour l’instant. Je me consacrerai au démarchage à temps plein au moment de ma retraite », explique-t-elle. La lenteur du décollage ne semble pas l’effrayer : « J'ai rencontré des éditeurs de produits scolaires, qui ont passé sept à huit ans dans des conditions difficiles avant de percer. Ils ont maintenant sept à huit salariés. Ce marché est très difficile quand on est un petit acteur. »
La clé des ventes, ce sont les professeurs qui la détiennent, car il leur appartient d’inscrire le matériel et les livres nécessaires sur la “liste” de leurs élèves. Or, en la matière, ils sont très conservateurs et les innovations prennent beaucoup de temps à s’imposer, poursuit Raja Siblini, qui cite l’exemple de la calculatrice : « Il a fallu une dizaine d’années pour la faire entrer dans les programmes. »
Parallèlement au défi commercial qu’elle doit relever, l’inventeuse du Pourcenteur a consacré tous ses efforts à l’aspect technique de la fabrication de son produit, vendu aux alentours de deux euros. Pas question, en effet, de le faire fabriquer en Chine comme la plupart des règles, rapporteurs ou équerres en plastique disponibles sur le marché : le plastique doit être souple, car des découpes internes sont nécessaires et la précision doit être maximale, l’outil étant bicolore, ce qui suppose deux étapes d’impression. « J’en suis à ma quatrième série et je pense avoir enfin trouvé le bon fabricant. »
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