Lorsqu’on pratique une césarienne, on provoque un triple surcoût : intervention chirurgicale,
séjour plus long et frais annexes plus importants. Est-ce justifié ?

Selon une étude menée par MedNet, le Liban enregistre un taux alarmant de naissances par césarienne : 25,7 %. Sur quatre naissances, une se ferait par césarienne.
Le pays va donc à contre-courant. Parce que, selon le “US Health and Human Services Department”, le taux optimal des naissances par césarienne ne devrait pas dépasser les 15 % en l’an 2000. Ce même pourcentage serait aussi fixé par le corps médical canadien.
Les retombées de cette situation sont loin d’être uniquement médicales : le coût moyen d’une naissance par césarienne équivaut environ au double de celui d’une naissance par voie naturelle ou vaginale. Certaines pratiques médicales ne font qu’aggraver le problème.
Ainsi le prix payé dans le cas des césariennes rajoute au coût de la santé en général et crée un poids supplémentaire sur l’économie du pays.

Du simple au double

Toujours selon l’étude menée par MedNet une intervention par césarienne coûte au Liban (en 1998) 1 778 $ contre 880 $ pour une naissance naturelle. De plus, le coût moyen des deux procédés d’accouchement avait conjointement augmenté de 8 %, pour la période s’étendant entre 1994 et 1998.
Les raisons qui justifient une telle différence sont multiples. Il y a tout d’abord le séjour hospitalier qui est impérativement plus long dans le cas d’une césarienne, mais il y a aussi d’autres facteurs qui entrent en jeu comme la classe d’hospitalisation, le choix de la maternité, etc.
Admettre que les frais d’hôpitaux sont inversement proportionnels à la classe d’admission est en soi une lapalissade. Or, selon une étude qui couvre la période allant de mars 1991 à décembre 1998, le coût en première classe représente 45 % de plus que le coût en seconde classe et serait de 105 % supérieur à celui en troisième classe. Les rémunérations du médecin traitant, les tarifs de la chambre et du personnel sont à l’origine de cette différence.
De plus, il est apparu que les patientes admises en première classe auraient tendance à prolonger leur séjour hospitalier 10 % plus longtemps que celles admises en seconde et 14 % plus longtemps que celles séjournant en troisième classe.
Des chiffres qui en disent long notamment dans le cadre de la moyenne des 3 928 naissances par césarienne (comptabilisées sur le programme MedNet et non sur l’ensemble de la population) sur un total de 15 497 naissances enregistrées entre 1991 et 1998. Le taux maximal étant détenu par le mois de décembre avec un pourcentage de 28,5 %.

Une tendance qui remonte aux années 60

S’il fallait remonter aux causes premières de ce taux élevé, on arriverait aux années soixante. À cette époque, l’accent avait été mis sur la nécessité de veiller à la santé du fœtus et d’endiguer la mortalité infantile d’une part, et d’autre part sur l’urgence d’éviter à la mère toute complication pouvant mener à son décès ou avoir des incidences sur sa santé.
D’où l’idée d’adopter le procédé d’accouchement “le plus sûr” en s’aidant de l’outillage technique performant récemment mis au point, comme l’appareil électronique de détection des signaux de détresse fœtale.
C’est aussi à ces années que remonte l’adage “césarienne pour une fois, césarienne pour toujours”, qui est à l’origine de près de 40 % des accouchements par césarienne au Liban…
Des études ont démontré qu’une femme ayant accouché une première fois par césarienne est susceptible d’accoucher répétitivement par le même moyen. Le taux de ces cas atteint 70 % et peut parfois arriver jusqu’à 95 %. En 1978, aux États-Unis, le pourcentage de femmes ayant accouché par césarienne pour la seconde ou la troisième fois était de 98 %. Il a baissé jusqu’à 72,5 % en 1998. Alors que, selon les statistiques de MedNet, les césariennes répétitives au Liban étaient à un taux de 92,35 % au courant de la même année.
Si les accouchements par voie naturelle après une première césarienne ont augmenté à travers le monde, leur taux est encore très bas au Liban.

Pratiques
de certains
médecins et hôpitaux

Les données recueillies par MedNet ont permis d’arriver à la conclusion suivante : les naissances par césarienne sont plus fréquentes dans certains hôpitaux et dans la pratique de certains médecins.
De 1995 à 1998, certains médecins ont pratiqué des accouchements par césarienne dont le taux dépasse de loin la moyenne générale de césariennes.
Ces médecins ont eu un taux de 43 à 59 % de césariennes, soit un ratio de 60 à 120 % de plus que la moyenne (26,8 %).
Certains hôpitaux ou maternités jouent un rôle considérable dans la hausse du taux de naissances par césarienne. Le ratio a atteint pour certains hôpitaux 92 % de plus que la moyenne.
Le genre de maternités est aussi un facteur supplémentaire qui influe sur le coût des naissances par césarienne. En 1998, en utilisant le réseau MedNet, un repère du coût moyen d’une césarienne a été établi. Il est apparu que le coût moyen pouvait varier d’un centre à l’autre de 37 à 175 % par rapport au repère moyen. La variation entre le centre le plus cher et le centre moins cher est donc de 400 %, une variation énorme et injustifiable.
Enfin, le taux de césariennes augmente avec la classe d’hospitalisation. En d’autres termes, plus on est riche et plus on a tendance à privilégier la césarienne. C’est peut-être pour cette raison que l’hôpital Serhal-Rabieh connaît un taux record de près de 50 % de césariennes.

Quelles solutions ?

Quelle serait donc la stratégie à suivre et les recommandations à appliquer pour inverser cette tendance développée depuis plusieurs générations ?
La réponse résiderait en partie auprès des établissements hospitaliers, notamment par les mesures suivantes :
• Le développement des soins obstétriques.
• L’exigence d’un second avis médical en ce qui concerne les césariennes (excepté bien entendu les cas d’urgence).
• Le contrôle systématique des opérations par césarienne.
• L’adoption de moyens d’aide au moment du travail de l’accouchement.
• La participation de sages-femmes au processus de travail et d’accouchement.
• Le développement de l’information auprès des femmes ayant déjà subi une césarienne, et la mise en avant des avantages de l’accouchement par voie naturelle.
• Exiger des certificats de préadmission pour césarienne et contrôler les cas répétitifs.
• Sélectionner le corps médical (médecins et hôpitaux) qui affiche le taux de césarienne le plus bas.
• Offrir des avantages financiers aux femmes avec précédent qui optent pour l’accouchement naturel à la naissance suivante.