Christofle et Baccarat, les deux maisons aux noms indissociables des arts de la table à la française dont l’origine remonte respectivement à 1830 et 1764, ont fait leur apparition sur le marché libanais en 1880, via le négociant Lutfallah Manasseh qui en a rapporté la représentation exclusive et les a exposées dans la boutique du Gant Rouge. Quelque 130 ans plus tard, la société Manasseh (créée en 1935) ouvre une nouvelle boutique de 355 mètres carrés au centre-ville, rue Omar Daouk ; elle y expose les œuvres de Christofle (orfèvrerie), Baccarat (cristal), Bernardaud (porcelaine) et Gien (faïence).

Pour Christofle et Baccarat, le Liban est un marché qui va au-delà de la taille de sa population et de son chiffre d’affaires, en raison du rayonnement de sa diaspora et de sa « tradition de la table, des réceptions, des cadeaux et de listes de mariage, qui nous aident dans notre métier », confie au Commerce du Levant Yves Bouchetard, directeur commercial de Baccarat. « Paradoxalement, s’amuse Thierry Oriez, PDG de Christofle, le Liban est un marché rassurant, car c’est un pays qui a prouvé sa capacité à se reconstruire après des périodes d’instabilité ou de crise. »
La nouvelle boutique du centre-ville, qui viendra s’ajouter aux boutiques d’Achrafié et de Kaslik, a pour but principal d’attirer une nouvelle clientèle, plus touristique et arabe. « Nous nous attendons à avoir 5 à 10 % de la clientèle d’Achrafié qui s’y reporte, et que le reste soit de la clientèle additionnelle », concède Yves Bouchetard. « La nouvelle boutique nous amène plus de visibilité et plus de modernité », commente Oriez.
Les deux maisons suivent depuis quelques années une stratégie de diversification de leurs produits, afin d’enrayer le déclin mondial du marché des arts de la table, qui représentent toujours le gros de leur chiffre d’affaires : accessoires, bijoux, objets de décoration… « L’offre de la nouvelle boutique est très orientée cadeaux », commente Thierry Oriez. Chez Baccarat, ce sont les luminaires qui tirent la croissance depuis deux-trois ans, y compris au Liban. « Il y a une demande croissante pour des luminaires design et contemporain », note Yves Bouchetard.
Les deux maisons ont en commun de produire leurs œuvres quasi exclusivement en France : Christofle a recentré toutes ses activités de production en Normandie il y a trois ans ; Baccarat produit tout son cristal dans le village du même nom, situé en Lorraine. Christofle et Baccarat ont également été ensemble les premières sociétés à signer avec le groupe Chalhoub en 1955 pour leur représentation au Moyen-Orient. D’ailleurs, ce sont les Émirats arabes unis qui représentent leur plus grand marché sur la région. « Nous travaillons actuellement sur un projet de showroom de luminaires à Dubaï », commente Yves Bouchetard. Traditionnellement, la région représente environ 7 % du chiffre d’affaires de Christofle, qui y prévoit une croissance, quoique ralentie, cette année. Baccarat, quant à elle, mise sur un marché stable. « Les commandes spéciales des palais ont beaucoup diminué cette année », explique Bouchetard.
Baccarat est une société cotée en Bourse, dont l’actionnaire principal, la Société du Louvre, est une filiale du groupe américain Starwood Capital (détenteur entre autres des hôtels Crillon et Concorde à Paris). Christofle est une maison privée, qui ne communique ni sur ses chiffres ni sur son actionnariat. Le chiffre d’affaires de Baccarat est de 95,6 millions d’euros à fin septembre 2011, en progression de 12,5 % par rapport à la même période l’année précédente. Le résultat net consolidé s’élève à 0,9 million d’euros sur le premier semestre 2011, contre une perte de 0,6 million d’euros l’an dernier.