La principauté de Monaco est l’un des plus petits pays au monde
avec un modèle économique original, mélange de tourisme très haut de gamme, de services à forte valeur ajoutée et bien sûr pas d’impôt.

La presse tabloïd bruisse de rumeurs : Charlene, l'ancienne championne sud-africaine de natation qui a épousé Albert II l’été dernier, est-elle enceinte ? L’information est peut-être triviale, mais du point de vue de la principauté, elle entretient la part de “rêve” qui fait la réputation de Monaco depuis le célèbre mariage entre Rainier et Grace Kelly dans les années 1950. Et ce “rêve” est un atout marketing de taille. Le Conseil national monégasque, l'équivalent de notre Parlement, ne s’y est pas trompé qui a débloqué une enveloppe de 4 millions d'euros pour le mariage princier, soit presque autant que le budget de la principauté en 2010, pour lancer sa campagne institutionnelle dans la presse magazine française et sur le Web. Sans compter le budget consacré par le palais dont le montant n’a pas été dévoilé.
Les festivités ont été l’occasion de concentrer les projecteurs sur cette cité-État de 35 000 habitants dont la marque de fabrique est d’attirer les milliardaires grâce aux avantages fiscaux dont bénéficient ses résidents : pas d’impôt sur le revenu (sauf pour les Français et les Américains), pas d’impôt foncier ou de taxe d’habitation, pas de taxe professionnelle, pas d’impôt sur les bénéfices des sociétés qui réalisent plus de 75 % de leur chiffre d’affaires dans la principauté.
Pierre ang
ulaire de l’opération de charme : la puissante Société des bains de mer (SBM) dont l’histoire est intimement liée à celle de Monaco. Créé en 1863, son célèbre casino attire à Monte-Carlo toute la belle société européenne tandis que les jeux d’argent et de hasard sont progressivement interdits ailleurs en Europe. C’est François Blanc qui permet au prince Charles III de réussir son pari : faire prospérer ce “Rocher” sans ressources. L’homme d’affaires averti joue la carte du grand luxe en bâtissant par exemple l’Hôtel de Paris – palace sans rival à l’époque – tout en se montrant pragmatique : il prolonge la ligne de chemin de fer Paris-Nice afin d’amener la clientèle au pied de ses établissements.
Aujourd’hui encore, même si la stratégie de diversification a réduit la part du tourisme dans le PIB à 15 %, celui-ci reste au cœur de l’économie monégasque avec près de 500 congrès et réunions par an, et 780 000 nuitées réparties dans les 16 hôtels de luxe. Monaco doit cependant se battre désormais pour attirer une clientèle de plus en plus sollicitée par d’autres destinations. Car le segment du tourisme haut de gamme est en pleine expansion dans le monde. La SBM affiche un déficit pour la première fois de sa longue histoire, de même que le budget de la principauté.
Des contre-performances considérées comme conjoncturelles à Monaco qui paie ainsi son tribut à la crise financière internationale : les riches ont moins le cœur à flamber !
« Les seuls intérêts du fonds de réserve de Monaco couvrent le déficit public. Et le nouveau ministre des Finances s’est en tout cas engagé à retrouver les ressources pour le combler en deux ans », affirme Michel Dotta, président de la Chambre de développement économique de Monaco, pour qui il ne s’agit que d’une mauvaise passe.
Monaco est l’un des bassins d’emplois les plus importants au monde, rappelle-t-il, avec 51 000 salariés contre 35 000 résidents. Le PIB per capita s’établit à 55 000 euros, pas loin du Qatar, numéro un mondial, et devant Singapour. Le commerce (la TVA assure 54 % des revenus de l’État) et les services financiers y jouent un rôle traditionnellement important. Mais l'industrie n’est pas en reste, avec certains secteurs à haute valeur ajoutée (pharmacie, cosmétiques, matières plastiques). Et Monaco est fière de ses “success stories”, comme celle de Single Buoy Moorings, le numéro un mondial de l'extraction de pétrole offshore coté à la Bourse d'Amsterdam. « Ils sont arrivés à Monaco avec 20 personnes il y a 25 ans et emploient désormais 1 500 personnes à travers le monde », raconte Michel Dotta.

Des mètres carrés rares et chers

Signe du dynamisme de Monaco, la principauté a de plus en plus de mal à répondre à la demande foncière, étant donné l’étroitesse de son territoire : deux kilomètres carrés. Résultat, le prix du mètre carré y est l’un des plus élevés au monde. Pour l’immobilier de luxe, Monte-Carlo détient même le record planétaire : 46 000 euros le mètre carré environ contre 28 000 euros pour l’immobilier de luxe à Paris, selon une étude du cabinet Knight Frank. Un appartement sur l'avenue Princesse Grace en bord de mer peut aller jusqu’à 100 000 euros le mètre carré. Exemple de bien partant à prix d’or, un multiplexe de 3 000 mètres carrés sur cinq niveaux vendu sur plan dans la nouvelle tour Odéon. Le montant de la transaction qui ne concerne que les plateaux (core and shell) n’a pas été dévoilé. Une agence immobilière monégasque évoque le chiffre de 80 millions d’euros. Ces produits sont bien entendu destinés aux grandes fortunes qui ont élu résidence à Monaco pour des motivations fiscales, à l’instar de grands sportifs comme Novak Djokovic, Gerhard Berger, David Couthard ou Bjorn Borg… Quant aux Monégasques “de souche” (souvent d’origine italienne en fait comme les Grimaldi eux-mêmes), ils trouvent à se loger à des prix plus abordables grâce à une politique de subvention mise en œuvre par la principauté.
La pénurie foncière a poussé le gouvernement princier à envisager des projets d’extension. Dans les années 1970 déjà, tout le quartier de Fontvieille avait été gagné sur la mer. C’est là que se situent aujourd’hui la majorité des activités économiques et industrielles de la cité-État, ainsi qu’un port ou le stade de football de l'AS Monaco.
Fort de sa réputation de prince bâtisseur, Rainier avait caressé l'idée de rééditer l’expérience avec un autre territoire de cinq hectares devant abriter quelque 275 000 m2. Solidere International était notamment sur les rangs. Mais le projet a été abandonné en 2008. Motif officiel : son successeur Albert, dont la préservation de l’environnement est l’un des leitmotive, s’est inquiété de l’impact d’un tel chantier sur la faune et la flore marines. Le sujet n’est toutefois pas complètement abandonné et des plans plus modestes d’agrandissement de Fontvieille sur 50 000 mètres carrés sont à l’étude sans rien d’officiel à ce stade.

 

La SBM, un État dans l’État
La Société des bains de mer, propriété à 70 % de la principauté, est le premier employeur de Monaco. Son portefeuille d’activités résume à lui seul sa place centrale dans l’économie du Rocher.
- Quatre palaces et hôtels haut de gamme : l'Hôtel de Paris, l'Hôtel Hermitage, Monte-Carlo Beach Hotel, Monte Carlo Bay Hotel & Resort.
- Cinq casinos qui représentent 50 % de son chiffre d'affaires.
- Quatre spas dont Les Thermes Marins de Monte-Carlo.
- 34 restaurants et bars, 12 discothèques, dont le Jimmy'z.
- L’Opéra de Monte-Carlo, un joyau pour les mélomanes, construit par Charles Garnier en modèle réduit de son opéra de Paris.
- Des salles de spectacles, des centaines de biens immobiliers, un château, des clubs de sport, la Société monégasque de l'électricité et du gaz, etc.
 

 

Les Libanais à Monaco
Cadres plus ou moins anonymes de la banque et de la finance, entrepreneurs, ou familles ultrariches… les Libanais figurent en bonne place parmi les ressortissants de quelque 120 pays que compte la principauté. Ils seraient 350 résidents au total. L’un d’entre eux, Béchara el-Khoury, dont le père Khalil était l’ami d’enfance du prince Rainier, a même acquis la nationalité monégasque, un cas très rare, dit-on. Il est à ce titre le consul de Monaco à Beyrouth.
Parmi les noms libanais les plus célèbres du bottin monégasque, on trouve les Hariri et les Mikati. La branche immobilière de la holding familiale du Premier ministre, baptisée M1 Real Estate, a établi son siège à Monte-Carlo, et le gendre de Taha Mikati, Moustapha el-Solh, y est le consul du Liban. Nazek Hariri, propriétaire du Monte-Carlo Palace, y réside souvent, tandis que Bahaa Hariri y a établi récemment son “family office”. Samir Traboulsi, l’homme d’affaires libanais qui a défrayé la chronique judiciaire française dans les années 1990, réside à Monaco. C’est aussi à un Libanais que la principauté doit l’un de ses centres commerciaux les plus dynamiques, dans le “carré d’or” de la ville. Il s’agit du défunt ancien ministre Nabil Boustany, propriétaire de l’hôtel Métropole et de sa galerie marchande. Sans surprise, le secteur de la finance monégasque a son quota de Libanais : c’est dans son appartement de Monaco que le banquier libanais Edmond Safra est tué en 1999 dans un incendie criminel. Son frère Joseph qui a repris le flambeau familial et fondé la banque J. Safra est l’un des hommes les plus riches du monde. La Bank Audi a pignon sur rue sur le Rocher depuis qu’elle a racheté en 2010 la Dresdner Bank Monaco. Établi depuis plus de 20 ans à Monte-Carlo, Antoine Awad y a fondé la société fiduciaire de services aux entreprises AA Corporate Management. Des noms, tels que Habib Ghargour, William Kazan ou Nabil el-Khazen qui exercent dans le commerce, l’immobilier ou l’architecture figurent aussi sur cette liste loin d’être exhaustive. Monaco héberge également un couturier libanais, Georges Feghaly : il a dessiné les uniformes du personnel de salle du célèbre restaurant Louis XV d’Alain Ducasse, trois étoiles au guide Michelin.