La communauté Dom souffre d’une situation de discrimination et d'exclusion parmi les pires du Liban. Plus de 30% des Dom, vivent ainsi sous le seuil de pauvreté (moins de 1 dollar par jour) quand, par comparaison, seulement 9% des réfugiés palestiniens du Liban s'inscrivent en dessous de ce même seuil.

75% des familles dom gagnent moins de 500.000 livres libanaises (moins de 334 dollars) quand seulement 18,7% des familles libanaises sont dans ce cas. Pour la première fois, un rapport de Terre des hommes (TDH) et de l’association libanaise Insan s'intéresse à cette communauté de 3 à 5000 individus au Liban.

Les Dom ? Le terme peut être ne vous dit rien. Pourtant, vous les avez déjà croisés. Ce sont ces jeunes vendeurs de fleurs ou de chewing-gum. Ce sont aussi souvent ces femmes à la tête enturbannée dans des foulards de couleurs vives qui assurent les vendanges dans la Békaa. Ce sont eux, les « Gitans » du Levant, aussi isolés et exclus que leur alter ego européens.

Les quelques chercheurs, à s’être penchés sur l’histoire de cette communauté, pensent qu’il s’agit d’une caste d’artistes itinérants qui parcourait le monde, depuis le continent indien dont ils seraient originaires et le Moyen-Orient, entre le IIIe et le Xe siècle. Présents aussi bien en Syrie, dans les Territoires palestiniens, en Jordanie, ou encore en Turquie, ils font partout l’objet d’un même rejet social. Le terme arabe qui les désigne, « Nawar » traduit d’ailleurs bien cette exclusion : en Arabe, « Nawar » évoque une mauvaise hygiène, une moralité douteuse, voire même la folie.

Nombre des Dom libanais ont pu obtenir la nationalité libanaise en 1994 lors de la vague de naturalisation décidée par le gouvernement à cette époque. « Beaucoup d'entre eux vivaient cependant au Liban avant même l'indépendance du pays  », explique Charles Nasrallah, fondateur et président de l'association Insan. L'accès à la citoyenneté a eu pour conséquence l’abandon progressif du nomadisme au profit d’une sédentarisation autour des villes libanaises ou dans les régions agricoles.

« A Beyrouth, un de leurs camps se situe près de Chatilla. Ils sont aussi présents dans le Sud, à Tyr notamment ou dans la Békaa », précise Charles Nasrallah. 

Mais leur accès aux droits civiques ou aux services de l’Etat reste toujours aléatoire. Le rapport TDH-Insan montre qu’il leur est encore difficile, voire quasi impossible d’accéder à la protection juridique, aux soins de santé, à l’éducation, à des abris appropriés et à la nourriture. Ainsi, 77% des personnes interrogées dans le cadre de cette enquête déclarent vivre dans des abris précaires (quand seulement 8% des réfugiés palestiniens sont dans le même cas) sans accès à l’eau courante ou connection au tout-à l’égout. Les Dom n’ont pas non plus accès aux services éducatifs : 68% des jeunes n’ont, par exemple, jamais été scolarisés. Quant à leur santé, elle est directement affectée par les conditions de pauvreté dans lesquelles ils survivent.

« Les maladies infantiles ne sont guère différentes de celles qu’on retrouve dans les communautés confrontées à des problèmes socio-économiques et à un accès limité aux soins : diabètes, otites chroniques, dysplasie, gale… »

L’étude de TDH-Insan s’est en particulier concentrée sur les enfants. Les enfants, parce qu’ils sont exposés à la violence, à la malnutrition chronique, au phénomène du mariage précoce, à des conditions de travail dangereuses voire des formes d’exploitation liées à leur statut d'enfants des rues.

Charles Nasrallah d'Insan avoue ainsi craindre l'intégration des enfants ou des adolescent(e)s dans des réseaux organisés de pédophilie ou de prostitution régionaux.

C’est pourquoi l’étude exhorte les ONG présentes au Liban à intégrer la communauté Dom dans leurs actions humanitaires. Insan escompte d'ailleurs démarrer une action d'initiation à l'éducation dans les camps dom ainsi que la mise en place d'un suivi psycho-social pour ces familles.