Eh oui, la bourse est aussi un indicateur de caractère. Mais c’est également pour dire que le blanc et le noir n’existent pas en bourse. Par contre, il y a des nuances infinies de gris.
Pour tous ceux qui ont aujourd’hui un peu d’argent, juste déposé à la banque, la tentation est grande de se tourner vers la bourse. Les rendements offerts sur les autres placements financiers, notamment les produits de trésorerie, ne peuvent soutenir la comparaison. Au cours des cinq dernières années, les performances moyennes au niveau des rendements des investissements boursiers n’ont pas été en général inférieures à 25 ou 30 %, suivant la politique de diversification choisie.
La Bourse de Beyrouth tardant à décoller, les boursicoteurs néophytes ou avertis lorgnent vers les places internationales. Pourtant, l’histoire financière regorge d’interminables crashes et “corrections”.
En fait, les analystes les plus réputés, les économistes les plus brillants ont souvent commis de graves erreurs de prévisions boursières. Dès lors, les interrogations des investisseurs sont justifiées.
Toujours est-il que le mot d’ordre à la bourse est “la prudence”.
Mais que signifie vraiment un placement “prudent” ? Un placement “équilibré”, “conservateur”, “agressif” ? Comment profiler les produits structurés ?
Limiter la casse
Dans tous les cas de figure, l’obsession du client sera la même : limiter la casse en cas de baisse de marché.
«On ne vous dira jamais : achetez ou n’achetez pas, affirme Pierre Gaspard, directeur général adjoint à la Banque Saradar. En bourse, il n’y a pas noir ou blanc. Tout dépend du profil du client. Et c’est en fonction de ce profil qu’on lui conseillera une allocation de son actif».
Pour une allocation correcte du patrimoine, il s’agira d’étudier les types d’actifs du client et leur corrélation. La bourse n’est pas un jeu de hasard et ne devrait pas être associée au gambling. «On allouera l’actif d’une façon rationnelle et l’on changera les barèmes d’allocation suivant les conditions du marché», fait valoir M. Gaspard.
Et de souligner : «On s’adapte à un marché». On investira un peu plus dans les instruments obligataires lorsqu’il y a une forte volatilité sur les marchés et une certaine incertitude. On ira plus dans les instruments d’actions, lorsque celles-ci peuvent être associées à un potentiel de croissance des compagnies qu’elles représentent.
Le profil d’un produit d’investissement financier est mesuré par rapport au risque et non à la rentabilité. Tous les portefeuilles conservateurs ne sont pas les mêmes. Mais c’est un principe général, les instruments obligataires sont plus conservateurs que les instruments d’actions dans un portefeuille profilé conservateur. On dira qu’un portefeuille global très conservateur sera formé à 100 % d’obligations et au niveau de ces obligations, les plus conservatrices seront celles cotées AAA.
Les agressifs et les autres
Suivant le type d’allocation du patrimoine, on orientera un portefeuille dans un sens agressif ou conservateur.
Toutefois, est-il nécessaire de souligner que conservateur n’est pas le contraire de profitable, mais d’agressif.
«Qui dit bourse dit risque. Et en finance, rien n’est gratuit», affirme Pierre Gaspard. Pour cette gamme de produits, dans le pire des scénarios, il y aura toujours les intérêts servis sur le capital à perdre.
Sortir complètement des marchés en ces temps d’incertitude ! «Ce n’est pas la meilleure solution», dit-il. On pourrait profiter des corrections pour entrer.
Quelles que soient les corrections et la volatilité passagère sur les marchés internationaux, il a été clairement démontré que les investissements dans les valeurs à long terme sont les plus lucratifs. Sur une période de dix à quinze ans, l’investissement dans les valeurs est plus profitable que celui dans l’or, l’immobilier, les obligations ou tout autre forme de placement.
«Un placement dans les actions est par définition un placement à long terme», souligne Jean Riachi, directeur de Financial Fund Advisors (FFA). Quelle que soit l’évolution du marché à la hausse ou à la baisse, à long terme, le client sera gagnant. «On investit la part des épargnes qu’on est en mesure d’oublier et qui ne serait pas allouée aux dépenses imprévues», dit-il.
Faudrait-il un montant minimum pour investir à la bourse ? Oui et non.
Dans l’affirmative, il s’agirait du cas où le client décide de gérer lui-même en direct son portefeuille en sélectionnant les actions.
Non, si on choisit d’investir via un fonds de placement. Avec une petite somme, il est possible d’avoir une gestion professionnelle suffisamment diversifiée.
La chasse au trésor
Aux personnes qui ont de l’argent à immobiliser pendant plus de trois ans, le patron de FFA recommandera d’investir en actions, d’avoir un portefeuille équilibré et de prendre une bonne partie en valeur de la nouvelle économie.
Faut-il se tourner vers la bourse pour éviter une épargne stérile ?
«Il y a toujours une possibilité d’investir dans les livres libanaises qui continuent à rapporter gros. Et dès que le client accepte le risque Liban (qui est un risque pays et un risque monétaire), les investissements en LL sont extrêmement rentables et se comparent bien à la performance moyenne d’un portefeuille de valeurs étranger», souligne Alain Camilleri, directeur du Private Banking à la Société Générale Libano-Européenne de Banque, qui se prononce par ailleurs pour une diversification des risques. Il estime que jusqu’à concurrence de 30 % d’un portefeuille peuvent être investis dans le pays en LL. Et ce pour quelqu’un qui n’a pas beaucoup d’immobilier.
Pour les clients, qui n’ont pas le goût du risque et qui souhaitent quand même participer à la performance des principales bourses mondiales, Alain Camilleri considère que les produits structurés à capital garanti sont attrayants, la plus-value étant mesurée à la performance d’un panier ou d’un indice boursier. Ce qui est intéressant pour ces produits, outre le fait que la pérennité du capital est garantie, c’est leur liquidité sur le marché secondaire. À n’importe quel moment, il est possible de liquider les actifs.
Laissez passer la tempête
Dans les moments de tendances baissières, on recommande ainsi l’achat d’actions de sociétés appartenant tant à la nouvelle qu’à l’ancienne économie, pourvu qu’elles aient des actifs considérables, une stratégie de développement et des perspectives bénéficiaires.
Pour quelqu’un qui a l’intention de se constituer un portefeuille boursier et qui n’a pas l’expérience des marchés, M. Camilleri lui recommande de patienter. «Il y a une telle volatilité des marchés, qu’il est préférable d’attendre que leurs niveaux se stabilisent. Mieux vaut entrer dans le marché alors que la courbe est ascendante que lorsqu’elle est en dents de scie».
Les spécialistes s’attendaient depuis un certain temps à des autocorrections des marchés boursiers. Mais c’est le timing et surtout l’ampleur de ces corrections qui ont représenté le facteur de surprise.
La pléthore de private bankers, de consultants financiers et de courtiers ainsi que la multitude de produits structurés représentent-elles un signe de bonne santé dans le pays ? Beaucoup diront que c’est le même phénomène que dans le téléphone. Le portable n’aurait pas pu se développer avec un seul opérateur.