Comment aider les start-up innovantes ? IDAL, l’autorité d’investissement et de développement, a invité divers acteurs de l’écosystème entreprenarial pour répondre à la question lors d’une conférence organisée en juillet à Beyrouth. Parmi eux quatre accélérateurs de start-up et l’incubateur libanais Berytech. Ils expliquent au Commerce du Levant leur rôle dans cet écosystème. 

Qu’est-ce qu’un accélérateur ?

Il n’y a pas encore de consensus sur une définition précise. Il s’agit généralement d’une structure qui offre aux entrepreneurs les moyens de transformer une idée dans le domaine de la technologie, du Web et du mobile en une société rentable. Les accélérateurs organisent plusieurs fois par an des programmes généralement courts (trois mois) au sein desquels les start-up sélectionnées ont accès à une formation intense : mentoring, conseil, structuration d’un business plan, mise en contact avec les fonds d’investissement et autres acteurs du capital-risque. Le programme se termine généralement par un jour de “démo”, au cours duquel les entrepreneurs présentent (pichent) leurs start-up à des investisseurs potentiellement intéressés. Les accélérateurs sont adossés à des fonds qui financent le démarrage des start-up (en général à hauteur de 10 000 à 20 000 dollars) en échange d’une part de leur capital (de 10 à 15 environ). Un exemple de start-up passée par les griffes d’un accélérateur : la compagnie DropBox, dont des millions d’internautes utilisent quotidiennement les services de stockage en ligne, a été accélérée par Y Combinator, le premier accélérateur au monde lancé aux États-Unis en 2005.

En quoi se différencie-t-il d’un incubateur ?

Les accélérateurs sont la version moderne et spécialisée en technologie des incubateurs. La notion d’incubateur est née dans les années 1960 aux États-Unis pour créer un environnement institutionnalisé favorisant la croissance des start-up (pas nécessairement technologiques). Le processus d’incubation d’une start-up peut durer quelques années. Il repose principalement sur son hébergement, l’apport d’expertise managériale et la mise en contact. Dans les années 1990, le boom Internet conduit à la spécialisation de plusieurs incubateurs dans des start-up technologiques, avec à la clé de gros investissements dans des projets uniques. Ce modèle est durement remis en cause dans les années 2000 par l’explosion de la bulle et la chute du Nasdaq de 80 % en deux ans. Lorsque l’écosystème redémarre quelques années plus tard, un nouveau modèle adapté aux start-up technologiques émerge, comprenant notamment des cycles d’incubation plus courts, en ligne avec la rapidité des innovations dans le secteur, et des investissements moins élevés. Paul Graham, ardent défenseur de ce nouveau concept, ouvre Y Combinator, le premier accélérateur de start-up en 2005, dans la Silicon Valley. Depuis, les accélérateurs se multiplient à travers le monde. Leur atout principal repose sur les activités de conseil, fournies par un réseau plus ou moins étendu de mentors, et leur accès aux financements.

Quel est son modèle économique ?

Il n’est pas clairement défini et, à ce jour, seuls quelques accélérateurs dans le monde sont financièrement rentables. Ils ont deux sources de revenus : les frais de gestion (“management fees”), mais pas tous les accélérateurs en prennent ; et surtout la plus-value réalisée lorsqu’une des start-up qu’ils ont financée attire de nouveaux investisseurs et/ou entre en Bourse.
Antoine Abou Samra, directeur de Bader Young Entrepreneur Program, explique : « Aux États-Unis, un accélérateur héberge et investit en moyenne dans plus de 100 start-up par an. Si une dizaine de ces start-up lèvent des fonds avec succès, ça leur suffit pour être rentables. Au Moyen-Orient, et notamment au Liban, les accélérateurs incubent beaucoup moins de sociétés par an, et la question de leur profitabilité se pose vraiment. Ils doivent recourir au système D pour se financer. »
C’est ce que confirme Oussama Fayad, président exécutif de l’accélérateur jordanien Oasis 500 : « Les activités que nous organisons – formations, événements – ne sont pas rentables, à chaque fois nous levons des fonds auprès d’individus et d’organisations pour les mettre en place ; contrairement aux États-Unis, où l’écosystème existe déjà et où la formation est par exemple déjà présente et facilement accessible, dans la région il faut tout créer. »

Quel est leur rôle  dans l’économie ?

Il n’y a pas d’étude sur le nombre d’emplois créés par les accélérateurs et les incubateurs et leur contribution totale au PIB d’un pays. IDAL avance le chiffre de 4 000 emplois directs créés aux États-Unis grâce aux accélérateurs.
Ghassan Bejjani, un investisseur privé, explique que l’écosystème a besoin de trois “piliers” pour fonctionner : les start-up, un environnement légal et réglementaire porteur, et les investisseurs (capital-risque et autres). En encourageant la création de start-up, les accélérateurs jouent un rôle crucial dans le développement de l’environnement. « Mais c’est encore insuffisant, nuance Oussama Fayad. Il faut davantage de fonds, davantage de formation, un réel changement de culture » et un changement de la loi au Liban. 
« La bonne nouvelle, témoigne Ghassan Bejjani, est qu’il existe une base sur laquelle l’écosystème peut se développer ; la mauvaise c’est que les obstacles, notamment réglementaires et culturels, sont encore nombreux. »
 

Quelques accélérateurs de la région en chiffres
Oasis 500
Localisation : Jordanie
Date de création : 2010
Financement : des investisseurs privés dont le roi de Jordanie (à titre personnel)
Investissement initial dans les start-up : jusqu’à 30 000 dollars en échange de 20 % de la société
Nombre de programmes
d’accélération réalisés : 13
Durée des programmes :
trois à quatre mois
Nombre de start-up incubées : 52
Flat6Labs
Localisation: Égypte
Date de création : 2011
Financement : Sawari Ventures, un fonds d’investissement, en partenariat avec l’Université américaine du Caire
Investissement initial dans les
start-up : jusqu’à 12 000 dollars en échange de 10 à 15 % de la société
Nombre de programmes d’accélération réalisés : deux, le troisième est en cours
Durée des programmes : trois mois
Nombre de start-up incubées : 12
Seedstartup
Localisation : Dubaï
Date de création : 2011
Financement : investisseurs privés
Investissement initial dans les
start-up : jusqu’à 25 000 dollars
en échange de 10 % de la société
Nombre de programmes d’accélération réalisés : un, le deuxième est en cours
Durée des programmes : trois à quatre mois
Nombre de start-up incubées : trois, et trois en cours
Seeqnce
Localisation : Liban
Date de création : 2011
Financement : investisseurs privés
Investissement initial dans les start-up : 75 000 dollars en échange de 30 % de la société avec une possibilité de rachat par les fondateurs de 10 %
Nombre de programmes d’accélération réalisés : le premier est en cours
Durée des programmes : six mois
Nombre de start-up incubées : une