IDAL, l’Autorité de développement d’investissement au Liban, a publié en janvier dernier un rapport sur le secteur des médias au Liban.
Ce dernier a été identifié par l’autorité comme un des trois secteurs stratégiques pour l’économie du pays, aux côtés de ceux des technologies de l’information et de la santé. Les médias représentent 2,5 % du PIB libanais et emploient 2,11 % de la main-d’œuvre. Ils ont surtout un potentiel de développement important, car ils desservent le marché du Moyen-Orient, où la consommation média par foyer est bien plus élevée que dans la plupart des pays développés, y compris les États-Unis, le Japon et les pays européens.
« Notre secteur média traditionnel est déjà bien développé avec des sociétés établies qui offrent leurs services dans toute la région, les Libanais sont des acteurs importants de la dynamique du secteur à Dubaï, explique l’équipe en charge de l’étude. En ce qui concerne les médias numériques, encore relativement peu développés, le grand atout du Liban réside dans le coût compétitif de ses ressources humaines qualifiées. »
Plus de 300 millions de personnes dans la région parlent arabe et 60 % d’entre elles préfèrent lire ou écouter du contenu en arabe. Si les programmes télévisés répondent bien à cette demande, ce n’est pas encore le cas d’Internet, où moins de 1% de contenu produit est en arabe. « Le Liban peut développer les jeux en ligne, les animations, les applications mobiles, détaille l’équipe d’IDAL. Il peut accueillir des tournages de films : il y a 250 jours de soleil et une diversité géographique très riche. »

Un hub média

IDAL insiste sur la nécessité de créer des “clusters”, des zones spéciales dédiées aux médias, avec la bonne infrastructure physique et technologique : « Le Liban pourrait se positionner le pays comme un hub média, ce qui suppose de créer des zones spécialement dédiées au secteur », explique l’équipe. Dubaï a par exemple très tôt investi dans Media City, Internet City, Singapour a fait pareil, Taïwan aussi, etc.
Tous ces pays ont une chose en commun : une implication initiale du gouvernement très forte, même lorsque c’est le secteur privé qui s’est chargé par la suite de gérer les zones. « Il faut définir une stratégie sur cinq ans et il faut une entité supérieure, qu’elle soit étatique ou pas, pour regrouper tous les acteurs du secteur autour de la table et organiser ces zones », explique IDAL.
Pour encourager la constitution de ces zones, IDAL peut jouer des moyens dont elle dispose selon la loi d’investissement n° 360 : elle peut directement investir (et devenir actionnaire) dans les sociétés en charge de leur établissement et gestion. La même loi l’autorise à fournir des exemptions de taxes (allant jusqu’à 10 ans) aux sociétés souhaitant s’installer dans ces zones. L’autorité a également encouragé un décret qui permet aux sociétés travaillant dans l’industrie numérique et employant au moins six personnes de démarrer avec un capital initial de 0 dollar au lieu de 200 000 dollars ; ce décret a été approuvé par le Conseil des ministres.
 

Deux investissements par IDAL
IDAL a déjà commencé à encourager les investissements dans le secteur des médias, en exonérant de taxes deux sociétés :
VTR Beirut, une joint-venture libano-anglaise fournissant des services de postproduction high-tech, a bénéficié de 10 millions de dollars d’exonération de taxe. IDAL s’attend à ce qu’elle emploie 24 personnes au total. La société, créée en 2004, offre maintenant ses services dans toute la région du Moyen-Orient. Elle travaille sur des campagnes publicitaires, des vidéo-clips, des documentaires, des courts et longs-métrages, etc.
Front d’or, également une société de postproduction, bénéficiera de 4,1 millions de dollars d’exonération de taxes, pour une création potentielle de 25 nouveaux emplois. IDAL s’attend à ce qu’elle contribue de manière significative au développement d’un hub régional pour l’industrie de la musique et du film.
Quelques chiffres
L’industrie média représente 2,53 % du PIB libanais.
Son chiffre d’affaires tourne autour d’un milliard de dollars.
400 sociétés travaillent dans le secteur.
Elles emploient 2,11 % de la main-d’œuvre libanaise.
Chaque année, 250 personnes sont diplômées en arts audiovisuels.

 

Un aperçu du secteur
1) Production et postproduction
Quelque 70 sociétés de production se partagent le marché, elles facturent en moyenne 1 000 jours de tournage par an.
Programmes télé
Le Liban est un hub de diffusion satellitaire important, qui fournit une base pour une industrie de production télévisée de taille. Les sociétés spécialisées dans les services de production télé créent du contenu pour les télévisions locales et régionales, notamment des émissions de divertissement, des séries, des reality shows et des talk shows. Des programmes comme Superstar, Star Academy et Arab Idol ont fait du Liban un des leaders dans les émissions de divertissement dans la région. Quelque 80 % de la production libanaise est à destination des pays du Golfe. Si la Syrie et l’Égypte produisent du contenu télévisé à un prix inférieur, les tâches plus sophistiquées reviennent au Liban, qui offre une meilleure qualité à des prix acceptables.
Pubs télé et clips de musique
La production de publicités télé représente le gros des revenus des maisons de production ; les clips musicaux viennent en second, alors que le marché des courts-métrages et des films croît doucement. Le Liban est considéré comme le leader de la région pour les clips musicaux et la publicité télé. Environ 10 grandes boîtes de production dominent le marché, mais la tendance récente est à l’ouverture de maisons de production plus petites.
Cinémas
L’industrie libanaise du film reste modeste, mais une nouvelle génération de réalisateurs est en train d’émerger. En moyenne, quelque quatre films sont produits chaque année, le manque de ressouces étant le principal obstacle pour les réalisateurs locaux. Certains réalisateurs ont produit leurs films indépendamment, alors que d’autres ont bénéficié de fonds étrangers destinés à encourager l’industrie. Le financement a récemment augmenté pour les films libanais, grâce à des succès locaux et internationaux. Le film “Caramel”, produit en 2007, a par exemple été présenté au Festival de Cannes et a été bien accueilli à l’international.
Services de postproduction
Ce sous-secteur consiste en des sociétés qui offrent des services d’édition, de transfert film/cassette, de titrage et sous-titrage, de dessins produits sur ordinateur, d’animations et d’effets spéciaux, ainsi que de développement et de traitement de films cinématographiques. Au total, il existe quelque 20 sociétés de postproduction au Liban. La tendance est à l’ouverture de structures de postproduction plus petites, spécialisées en média et film numériques, avec des animations 3D et des effets spéciaux.
2) Édition
Il existe quelque 200 maisons d’édition actives au Liban, soit le nombre le plus élevé de la région MENA (Moyen-Orient et Afrique du Nord), et plus qu’en Égypte, en Syrie et en Jordanie. Quelque 50 % de la production provient des cinq plus grandes maisons d’édition. Plus de 50 % des livres sont exportés dans les marchés arabes : Émirats arabes unis, Jordanie et Iran notamment. Les principaux sujets abordés sont l’islam, les livres pour enfants, la littérature et la politique. La majorité des livres publiés est en arabe, mais les publications en français et en anglais restent populaires au Liban.  Avec 15 quotidiens et près de 1 500 hebdomadaires et mensuels, la presse est un secteur encore très actif au pays du Cèdre. Près de la moitié des publications en circulation au Moyen-Orient sont produites à Beyrouth.
3) Musique
L’industrie de la musique au Liban emploie 2 400 personnes. L’industrie est largement concentrée ; le groupe Rotana possède près de 80 % du marché total de la musique au Liban ; cinq grandes maisons internationales se disputent 15 % du marché et les 5 % restants sont l’apanage des studios libanais.
4) Médias numériques
Encore très peu développés, les médias numériques sont aujourd’hui le sous-secteur le plus porteur de l’industrie. Englobant les effets spéciaux, les animations, les jeux en ligne, les Web-séries, etc., ils sont en croissance exponentielle dans la région MENA : les jeux numériques à eux seuls représentaient 900 millions de dollars en 2011 et devraient atteindre 3,2 milliards de dollars d’ici à 2016. Au Liban, des success stories comme Wixel Studios, premier studio de jeux en ligne établi à Beyrouth en 2007, et Birdy Nam Nam, un jeu pour mobile en arabe, ou encore Shankaboot, la première série Web en arabe, permettent d’augurer un bon développement de l’industrie.