La jeune Taghreed Darghouth a marqué les esprits libanais par ses séries de peintures autour de thèmes engagés, comme la chirurgie plastique au Liban ou les armes nucléaires.

Taghreed Darghouth travaille par thème : elle aborde un sujet, le développe à fond, puis passe à autre chose. Révélée au public libanais grâce à sa série sur les poupées démembrées en 2006 et surtout sur la chirurgie plastique dans la société libanaise en 2008, elle travaille depuis quelques années sur une série sur les armes nucléaires, “Cantique of Death”, dont la première partie a été exposée à la galerie Agial, qui la représente, en 2011. Ses crânes géants ont durablement marqué les esprits du public libanais. Elle y souligne l’ironie du contraste entre les surnoms joyeux donnés aux armes de destruction massive et leurs objectifs mortels. « J’ai senti que je n’avais pas encore fait le tour du sujet, raconte la jeune femme, alors je travaille sur une deuxième exposition sur le même thème. »
Née à Saïda en 1979, Taghreed Darghouth a étudié les arts (peinture et sculpture) à l’Université libanaise : « J’allais pour m’inscrire en décoration d’intérieur, parce que mon père avait peur qu’en suivant une vocation d’artiste, je ne puisse pas en vivre. » Dans les bureaux d’inscription, une élève lui conseille la filière des arts plastiques, moins concurrentielle. « Je l’ai pris comme un signe du destin et je me suis inscrite. » À l’université, où elle côtoie les frères Ayman et Saïd Baalbaki, elle obtient également un diplôme en éducation de l’art. En 2000, elle participe à la session d’été de Darat al-Founoun, en Jordanie : « J’ai eu la chance de pouvoir y travailler avec Marwan Qassamachi, qui m’a appris à me sentir responsable de ce que je peins. »
En 2003, encouragée par son futur mari Ayman Baalbacki, elle suit une formation d’un an en art-espace à l’École nationale supérieure des arts décoratifs à Paris. « Je n’ai pas pu terminer l’année, car je risquais de perdre mon poste d’enseignante au Liban, j’étais fonctionnaire d’État. »
Sa première exposition date de 2004, à Zico House : son travail était alors plus abstrait, concentré sur les coffres en bois. « J’ai présenté mes œuvres réalisées pendant et après l’académie d’été, j’avais besoin de les exposer pour tourner la page de ma période d’études. » Le projet de poupées démembrées, symboles de la fragilité de la condition humaine, exposées au Goethe Institute en 2006, lui permet de rencontrer Saleh Barakat, de la galerie Agial, qui décide de la représenter. Abordant des sujets de société difficiles et controversés, ses peintures figuratives témoignent d’une certaine obsession de la mort : mort physique bien sûr, « À Saïda nous habitions en face du camp palestinien de Aïn el-Héloué, toujours sous la menace d’être atteint par erreur pendant la guerre », mais aussi mort d’une identité, d’une culture, avec la chirurgie plastique et son obsession de s’accrocher à la vie, ou les produits blanchissants “fair and lovely” utilisés par les employées de maison (dans une exposition à Agial en 2010).
Celle qui se revendique féministe, qui peint tous les jours ou presque, dont le surnom affectueux donné par son père est Miss Térébentine, avoue avoir des tendances obsessives compulsives : « C’est terrible, je ne sais faire qu’une seule chose à la fois, si je veux cuisiner, je ne peux faire que ça, si je peins, je ne peux faire que ça. » Elle affirme accorder davantage d’importance à la technique qu’au sujet : « Le sujet peut être le plus intéressant du monde, si je ne sais pas le peindre, ça ne ressortira pas. » Ses toiles ont été exposées à Beyrouth, Istanbul, Dubaï, Qatar, Amman, Paris et Buenos Aires. Elle a obtenu le premier prix de la Cité internationale universitaire de Paris en 2003 et le deuxième prix de l’académie d’été de Darat al-Founoun en Jordanie en 2000.