Un projet de réforme du code de commerce actuellement à l’étude au Parlement autoriserait les entreprises libanaises à émettre des actions préférentielles sans droit de vote pour attirer les investisseurs.
Entretien avec Freddy Chéhab, directeur à la BEMO Securitisation (BSEC), selon qui il faut aller plus loin en autorisant l’émission
d’actions préférentielles avec droit de vote.

Quel est l’intérêt des actions préférentielles ?
Les actions préférentielles sont des parts d’une société anonyme qui confèrent à l’investisseur davantage de droits qu’une action ordinaire. Ces droits supplémentaires peuvent être économiques (une part plus grande de dividende, une priorité sur la distribution des dividendes, une priorité sur la liquidation) et/ou politiques (droit de vote en Assemblée générale, participation à l’élaboration de la stratégie de l’entreprise). Une sous-commission du Parlement étudie en ce moment la possibilité d’autoriser les entreprises libanaises à émettre des actions préférentielles sans droit de vote, c’est-à-dire des titres uniquement assortis de droits économiques supplémentaires. Conformément à la loi 308 de 2001, seules les banques libanaises peuvent émettre ce type d’actions à ce jour.

Quel serait l’intérêt des entreprises d’émettre ce genre d’actions préférentielles ?
L’objectif de la réforme est d’inciter des investisseurs institutionnels et privés potentiels à injecter des capitaux dans les entreprises grâce à une structure légale claire et solide. La banque d’investissement BEMO Securitisation (BSEC) et le Rassemblement des chefs d’entreprise libanais (RDCL) ont réalisé un sondage auprès des entreprises libanaises pour comprendre leurs besoins en la matière. Il en ressort que 33 % des entreprises ne sont pas intéressées par ce nouvel instrument. Il s’agit majoritairement de sociétés commerçantes, déjà bien établies, dont le capital est détenu par une famille et qui n’éprouvent pas de difficulté particulière à se financer à travers des outils habituels (prêts bancaires, actions ordinaires). Mais 68 % des entreprises accueillent favorablement la possibilité d’émettre des actions préférentielles, car ces titres leur offrent la possibilité d’ouvrir leur capital sans passer par les emprunts bancaires, ce qui limite le risque de défaut de paiement. Parmi elles, 19 % seulement sont intéressées par les actions préférentielles sans droit de vote, pour obtenir les capitaux nécessaires à leur développement sans partager le contrôle des décisions. En revanche, la majorité, c’est-à-dire 48 % des entreprises sondées, en particulier des start-up spécialisées dans les télécoms, Internet et d’autres secteurs très capitalistiques, a réellement besoin d’investissements et est donc favorable à l’émission d’actions préférentielles avec droit de vote, car elles attirent davantage les investisseurs.
Pour que l’objectif de la réforme soit réellement atteint, il faudrait donc autoriser l’émission d’actions préférentielles avec droit de vote.

Pourquoi les investisseurs sont-ils peu enclins à souscrire à des actions préférentielles sans droit de vote ?
Le faible niveau de transparence des entreprises libanaises et les lacunes du cadre légal pour la gouvernance des entreprises dissuadent les investisseurs d’injecter des capitaux dans des sociétés sur lesquelles ils n’ont pas de visibilité, c’est pourquoi ils réclament des droits de vote. L’émission d’actions préférentielles sans droit de vote ne suffira donc pas à attirer des capitaux, comme cela a été le cas pour les banques dont le cas est différent : l’encadrement dont elles bénéficient est nettement plus important.
Il faut savoir aussi que les actions préférentielles sans droit de vote ont initialement été conçues pour être cotées sur les marchés financiers. Ce type d’instrument financier a moins de sens au Liban où le nombre de sociétés cotées est très limité.