En 2011, Loulou Khazen-Baz a tout envoyé promener. Cette jeune Libanaise de 31 ans, qui vit à Dubaï, travaillait alors à ActiveM, une société de capital-risque implantée dans les pays du Golfe. Elle y supervisait les investissements de l’entreprise dans les secteurs de la santé, de l’éducation et des technologies. Mais Loulou Khazen-Baz s’ennuyait. « Cela faisait 10 ans que je travaillais à Dubaï et ma carrière ne m’apporterait plus de satisfactions suffisantes. Mais je savais aussi qu’un entrepreneur ne peut réussir à moins d’être totalement immergé dans son projet. C’est pourquoi j’ai décidé de tout quitter », explique-t-elle. À cette époque, son “projet” n’est pas encore très clair. « Je voulais créer un service ayant un impact social positif. » Dans sa tête, tournent en boucle plusieurs données, inhérentes au monde arabe : un taux d’activité faible, aux alentours de 50 %... ou le sous-emploi des femmes, moins de 25 %. « Je me suis demandée quels étaient les freins à leur entrée sur le marché du travail et j’ai essayé d’imaginer une solution pour aider les talents de demain. »
Cette solution s’appelle Nabbesh (“tu recherches” en libanais), un moteur de recherche d’emplois. Jusque-là rien d’extraordinaire : d’autres sites, à l’image de Bayt ou de Laimoon, trustent déjà le marché. Mais Nabbesh se veut différent : il met l’accent sur les compétences des candidats plutôt que leurs seules expériences professionnelles. « Être journaliste, par exemple, peut ouvrir à d’autres métiers, aux compétences proches. Un reporter peut prétendre à des postes de traducteurs, de blogueurs, d’animateurs de réseaux sociaux… » Nabbesh a une autre originalité : il s’adresse aux personnes à la recherche de missions ponctuelles ou de temps partiels, qu’il s’agisse de plombiers, d’entraîneurs sportifs, de traducteurs, de consultants, d’artistes… Pour développer la première version de son moteur, Loulou Khazen-Baz a puisé dans ses économies, soit un peu moins de 70 000 dollars.
Mais aussi prometteur que soit Nabbesh, ce projet avait besoin d’un sérieux coup de pouce pour démarrer. Cette bonne fortune, Loulou Khazen-Baz va la forcer en s’inscrivant à la première saison du show “The Entrepreneur”. « Je commençais à chercher des partenaires financiers quand j’ai entendu parler de cette émission. Même si je n’avais pas gagné, ce show représente un vecteur de notoriété extraordinaire. » Diffusée sur la chaîne panarabe Dubai One, “The Entrepreneur” est la copie conforme du show de l’homme d’affaires et animateur américain Donald Trump “The Apprentice”. Pour sa première saison, “The Entrepreneur” a ainsi réuni quelque 2 000 jeunes entrepreneurs, venus de tout le monde arabe… Après huit semaines de compétition, c’est Nabbesh qui en est sorti victorieux. « Le fait que ma plate-forme ait une réelle composante sociale a, je crois, joué en sa faveur de même que mon implication personnelle : les risques que j’ai pris – quitter mon travail, m’autofinancer… – ont prouvé que j'avais le potentiel pour pérenniser mon projet au-delà de la simple idée. » Loulou Khazen-Baz repart avec un joli pactole : 272 000 dollars auxquels s’ajoute l’équivalent en services (bureau gratuit pendant un an mis à disposition d’une équipe marketing…).
Grâce à l’émission, Nabbesh a démarré en trombe : il compte aujourd’hui 10 000 utilisateurs enregistrés. « Jusqu’à présent, le modèle est gratuit, mais nous songeons à des services payants : la vente d’espaces publicitaires ou un pourcentage sur chacun des contrats conclus entre un candidat et une entreprise par l’intermédiaire de notre site. »