Peu de lois façonnent autant le Liban que celle qui régit les loyers “anciens”. Elle affecte depuis des décennies le tissu social du pays, son économie, son urbanisme, etc. C’est donc peu de dire que le vote d’une loi destinée à sortir de ce régime d’exception est un événement majeur – du moins pour les baux résidentiels. Et comme toute modification de cette ampleur il était prévisible qu’elle produise des gagnants et des perdants. Sachant que le statu quo avantageait les uns au détriment des autres. Le propre de la politique publique est de réaliser les arbitrages nécessaires, dans l’intérêt général. Or, c’est là que le bât blesse. Malgré l’importance de l’enjeu, les députés ont voté le texte comme des voleurs. À l’heure de boucler ce numéro, on ignore d’ailleurs encore si le président de la République va leur renvoyer la loi ou la promulguer. La nécessité de libéraliser les baux anciens était indéniable. Cette loi a appauvri les propriétaires et enrichi les locataires de façon arbitraire, en violation du droit de la propriété privée, et ce sans tenir compte du niveau de revenu réel des uns et des autres. Son impact sur le marché de l’immobilier a été désastreux, contribuant très largement à la destruction de quartiers entiers et à la spéculation foncière la plus débridée. Mais les mécanismes proposés pour en sortir ne font que perpétuer un système profondément inéquitable : comment peut-on justifier que le “détenteur” d’un bail ancien continue d’être subventionné, certes par l’État cette fois si le financement proposé se concrétise, sans aucun critère lié à son niveau de revenu ; alors que dans le même temps, le signataire d’un bail “nouveau” reste soumis à la loi du marché la plus libérale, sans protection d’aucune sorte sur l’évolution de son loyer, et sans aide financière aucune ? En réalité, le seul avantage de cette loi est d’en finir avec une exception dont même l’Égypte et la Syrie s’étaient affranchies avant le Liban. Il a fallu attendre si longtemps pour qu’elle voie le jour qu’on aurait espéré son intégration dans une politique plus globale de l’habitat indispensable pour compenser les effets dévastateurs de l’ancien régime. Il faut pourtant se contenter de ce pis-aller en considérant que la plus élémentaire des réformes est une victoire en soi.