Le mezzé libanais a bon nombre d’adeptes en France. Mais il n’y a pas que les hommos
qui s’exportent. Nos industriels ont trouvé des niches inespérées.
Hommos, foul et tahina se trouvent désormais sur les étagères des grandes surfaces parisiennes. Présente au Liban depuis 20 ans, Al-Wadi Al-Akhdar atterrit en France, il y a 12 ans. Et ça marche. Les ventes de cette célèbre conserverie libanaise connaissent une progression annuelle de 20 à 25 %. «De janvier à mai 2000, nos ventes en France ont déjà enregistré une hausse de 40 %», ajoute Serge Zarka, directeur régional de l’exportation de Al-Wadi Al-Akhdar.
Cette amélioration est due à une stratégie agressive dans un domaine où les concurrents sont très nombreux. «Nous essayons de prendre la place que nous méritons par rapport aux produits concurrents libanais, syriens voire israéliens, explique-t-il. Nos points forts sont la qualité du produit, d’abord ; ensuite, la coopération précieuse que nous entretenons avec notre distributeur exclusif en France, la société Sodimo (du groupe Sehnaoui avec une participation du groupe Fattal). Le choix d’un seul distributeur relève d’une stratégie d’avenir à long terme. Cela nous a permis de développer le produit dans le cadre d’une relation fructueuse fournisseur-agent».
Dans un premier temps, les produits Al-Wadi Al-Akhdar sont vendus uniquement dans les magasins dits ethniques, c’est-à-dire très spécialisés. Avec la société Sodimo, la conserverie s’est efforcée d’introduire sa marque dans le secteur de la grande distribution et les hypers.
Tahina, numéro 1
Aujourd’hui, Al-Wadi Al-Akhdar a réalisé son pari. Les boîtes de conserve se trouvent désormais dans de grandes surfaces françaises, comme Auchan et Monoprix. «30 à 35 % de la marchandise est actuellement vendue dans ces centres commerciaux», raconte Serge Zarka.
Cette réussite est d’autant plus importante que les grandes surfaces s’adressent d’abord et surtout à des consommateurs français. Les spécialités libanaises ont ainsi acquis une place de choix dans les habitudes alimentaires de certains Français. Ces derniers sont surtout gourmands de hommos, de foul et de baba ghannouge. Mais c’est la tahina de Al-Wadi Al-Akhdar qui occupe la première place avec 50 % des ventes». Et comme pour mieux servir ses consommateurs étrangers, Al-Wadi Al-Akhdar leur a conçu des produits spéciaux. Les préparations de falafel prêtes à cuire, qui n’existent presque pas au Liban, en sont un parfait exemple. Globalement, le marché français consomme 40 % des ventes de Al-Wadi Al-Akhdar à l’étranger.
Un produit, un vin, une image
De sa carcasse ethnique, le vin libanais réussit également à sortir. Exportés d’abord en pleine guerre pour être vendus aux nostalgiques de la diaspora libanaise installée en France, les vins du Liban ont depuis renforcé leur position. «Dans le cadre de notre prospection des marchés étrangers, nous avons choisi dans les années 80 d’introduire notre vin en France à travers la chaîne de restaurants libanais», raconte un des directeurs de Château Ksara. «La cuisine libanaise est un produit d’exportation par excellence, ajoute Michel de Bustros, directeur de Château Kefraya. Elles permettent la vente à l’étranger d’un grand nombre de matières premières. C’est aussi une opération touristique parfaite et complète».
La stratégie de Château Musar, vin exporté à 90 %, est quelque peu différente. «On exporte une image, plus qu’un produit», déclare Ronald Hochar, un des propriétaires du domaine vinicole. «Cité dans plusieurs encyclopédies comme l’un des meilleurs vins du monde», Musar préfère se vendre dans les grands restaurants français. Tout a en fait commencé en Grande-Bretagne. C’est dans une foire internationale que les Anglais ont découvert le vin de la famille Hochar. Depuis, l’Angleterre est le premier marché de Château Musar qui y a installé un bureau de représentation. Les Français se sont laissé convaincre par leurs voisins qui ne cessaient de louer la qualité du vin libanais. Les bouteilles vieillies et signées Musar sont d’abord exportées en zone franche anglaise, d’où elles repartent en France.
Même chez Nicolas
Comme pour le mezzé libanais, les vins ont également réussi à pénétrer le circuit de la distribution française. Château Musar est présent dans les 130 points de vente de Carrefour. Château Kefraya est distribué par la société Sodimo dans les 350 points de vente des magasins Nicolas. «Nous exportons 37 % de notre production viticole, souligne Michel de Bustros. 18 000 caisses, soit 60 % des ventes totales à l’étranger, sont consommées en France».
Château Ksara a également trouvé son coin dans les grandes surfaces. La marque a été récemment agréée dans les hypers Auchan. Les cinq conteneurs vendus récemment à ce centre commercial par une société française spécialisée dans la distribution des produits alimentaires grecs et libanais provoqueront une hausse de 20 % des ventes en France. Ksara avait déjà connu une progression de 32 % entre 1998 et 1999. Ce vin libanais vend 40 % de sa production à l’étranger. 20 000 caisses, soit 40 % des exportations, atterrissent en France. Pour Kefraya, comme pour Ksara, la France est leur premier marché à l’exportation.
Libanais et peu cher
Contrairement à toute idée reçue, les produits libanais ne sont pas chers en France. «Les frais de distribution sont élevés en France. Mais nos produits sont très abordables, confirme Serge Zarka. Par exemple, la boîte de 400 g de foul est vendue 3,41 FRF (0,5 $) par le distributeur, 5 FRF (moins d’un dollar) par le détaillant». À Ksara, on approuve : «Les prix des bouteilles varient entre 3 et 10 $ chez le distributeur. Les restaurants, ils font ce qu’ils veulent avec les prix».
Finalement, si les produits libanais sont bien présents sur le marché français, c’est parce qu’ils font preuve de qualité, de crédibilité et surtout d’une certaine valeur ajoutée dans un marché très concurrentiel. À tel point que les producteurs de vins libanais sont constamment sollicités. «Les intéressés font vraiment légion», déclare un directeur à Ksara. Par ailleurs, quand on a un produit avec un bon rapport qualité/prix, la France est un pays d’accueil pour les Libanais. On ne s’est jamais plaint de mesures restrictives, coercitives ou dissuasives. Et ce qui s’applique à Ksara pourrait bien s’appliquer à d’autres produits libanais».