Walid Hanna

1997 : masters de Finance HEC-Paris
2010 : fondateur de MEVP (Beyrouth-Dubaï)
2008 : président  Arab Business Angels Network (DIFC - Dubaï)
2007 : cadre Abraaj Capital
1998-2006 : Serial Entrepreneur

Qui est MEVP ?
9 collaborateurs
70 millions de dollars de fonds sous gestion
Participation dans 22 sociétés dans la région Mena
+141 % croissance annualisée des entreprises du portefeuille

MEVP gère des fonds de capital-risque, avec près de 70 millions de dollars d’actifs. Lancé en 2010, avec un premier fonds de 10 millions de dollars, il dirige aussi le Building Block Equity Fund (BBEF) pour le compte de l’association Bader. MEVP a créé en 2014 le premier fonds approuvé par la Banque du Liban dans le cadre de la circulaire 331 autorisant les banques à entrer au capital des start-up. Le Impact Fund a levé 55 millions de dollars et va annoncer dès août cinq investissements pour un montant total de neuf millions. MEVP lèvera en 2015, 20 millions de dollars dans le Golfe, pour se focaliser sur les opportunités régionales.

En partenariat avec
L’association des diplômés de HEC compte une centaine de membres au Liban. Cadres supérieurs ou entrepreneurs, ils ont un point commun : refuser de baisser les bras face à la morosité économique qui touche le pays. Cette série de portraits d’entreprises qui défient la crise est une manière de partager leur expérience. Chaque mois, l’une d’elles présente son parcours à ses pairs lors d’une conférence-cocktail à laquelle est convié un décideur économique ou politique. Le troisième invité était Fouad Zmokhol, président du RDCL.
 

Inverser la fuite des cerveaux
L’avantage comparatif du Liban, MEVP a réussi à le faire prévaloir auprès d’entrepreneurs de la diaspora pour les convaincre de revenir au pays. C’est le cas de Box & Automation Solutions (B.A.S.) qui développe et distribue des solutions de gestion de trésorerie. En 2012, MEVP a investi quelque 500 000 dollars dans cette société cofondée en France par le Libanais Anis Rahal en pariant sur de nouveaux contrats dans les pays arabes. Résultat : B.A.S. a aujourd’hui un bureau de trois ingénieurs à Beyrouth et compte parmi ses récents clients des groupes arabes comme Majid al-Futtaim ou Aramex. « En persuadant certains décideurs de revenir au Liban, nous contribuons à y créer des emplois hautement qualifiés. » Autre exemple, Fadel, une société de gestion de la propriété intellectuelle new-yorkaise, dont les produits équipent des groupes comme Disney ou Marvel. Depuis la prise de participation de MEVP (un million de dollars du BBEF et bientôt deux millions du Impact Fund-331) en 2013, cette société, fondée par plusieurs Libanais, a recruté 15 ingénieurs à Beyrouth.

Arabiser des concepts  déjà éprouvés
Si le marché des entreprises, dans lequel MEVP investit est souvent global, il a tout de même un penchant régional. « Du point de vue de la communication en ligne, c’est une zone relativement unie, avec une même culture, une même langue malgré les frontières. » MEVP s’apprête à lever entre 20 et 30 millions de dollars pour un nouveau fonds dédié aux start-up techno du Golfe. Si la démographie joue en faveur de l’Égypte, le pouvoir d’achat, lui, est clairement du côté de l’Arabie saoudite et des Émirats arabes unis qui concentrent ensemble plus de la moitié des transactions d’e-commerce dans la région. «  On s’intéresse à des start-up aux concepts éprouvés en Occident, adaptées aux spécificités arabes. » Anghami est la plus emblématique. Cette application de streaming musical a des contrats avec des groupes internationaux, mais aussi et surtout un vaste choix de musique arabe, grâce à un accord avec Rotana. Si ses fondateurs se sont inspirés de Spotify, leur produit n’en est pas une simple copie : Anghami s’est adaptée aux déficiences du réseau de haut débit en mettant au point une forme de “streaming léger”, permettant d’écouter de la musique sans les coupures. Le succès est retentissant : payante (5 dollars par mois), l’appli a déjà 6 millions d’utilisateurs dans le monde et compte parmi ses investisseurs les groupes MBC et Telecom Mobily.

Le Liban, back-office de la région
Depuis sa fondation, en 2010, MEVP a investi dans 22 start-up avec un prisme pour les nouvelles technologies. La crise, qui secoue le Liban, n’a jamais été un frein. « Le capital-risque intervient précisément là où d’autres acteurs financiers refusent le risque-pays. » Mais, surtout, MEVP mise sur des entrepreneurs libanais, qui représentent 60 % des investissements, à défaut de cibler le marché libanais. « Il est trop étroit. Il est également trop fragile et confronté à un problème récurrent de liquidité », explique Walid Hanna, fondateur de MEVP. En revanche, le Liban est le back-office idéal pour des entreprises à vocation régionale, voire mondiale, car il offre des ressources humaines qualifiées à un coût compétitif. C’est notamment le pari réalisé par Bookwitty dans lequel MEVP a investi en 2013. Cette plate-forme mondiale de vente de livres a été développée à partir de 2007 par les Libanais Cyril Hadji-Thomas et Sany Naufal. Elle prévoit un chiffre d’affaires de 37 millions de dollars en 2014.

Des solutions pour  le monde arabe
Favoriser les pays du Golfe ne signifie pas qu’on tire un trait sur des marchés de masse telle l’Égypte. « On y trouve les milliers de téléspectateurs qui téléchargent une application mais n’ont pas les moyens bancaires de payer online.  » Pour jouer sur les volumes, MEVP a investi 800 000 dollars dans la start-up jordanienne Gate2Play, une plate-forme de paiement sur Internet qui propose des cartes de paiement prépayées à gratter, sur le même principe que les cartes de rechargement des téléphones, disponibles dans n’importe quelle épicerie, station-service... « On recherche des solutions adaptées aux problématiques arabes. »

Stratégie de sortie
Contrairement aux États-Unis, où le capital-risque est très développé, ce qui permet à des fonds d’investir dans des dizaines de sociétés en espérant la rentabilité grâce à l’une d’entre elles seulement, au Moyen-Orient, chaque investissement doit être soigneusement sélectionné.  Les options de sortie du capital sont limitées, bien qu’en augmentation. On compte une vingtaine de grosses transactions sur les trois dernières années.  Rien qu’au premier semestre 2014, le groupe de presse sud-africain Nasper a investi 115 millions de dollars (soit 45 % des actions) dans souk.com, le site leader d’e-commerce au Moyen-Orient. « Nous avons en portefeuille des sociétés susceptibles d’être introduites à la Bourse de Dubaï », affirme Walid Hanna. À défaut toutefois, MEVP se réserve des possibilités contractuelles de sortie du capital au bout d’une période de cinq ans.