Les plus forts en “marketing” sont les perses, les plus artisanaux et probablement les mieux cotés aujourd’hui sont les caucasiens. Les tapis d’Asie centrale dévoilent leurs secrets… et leurs valeurs.

L’histoire du tapis remonte fort loin dans le temps, à quelque 2 000 ans. Le plus ancien qui nous soit parvenu date de 500 ans av. J-C. Découvert, en 1949, dans la vallée de Pasyryk, à la jonction de la Sibérie méridionale et de l’actuelle Mongolie, il est d’une qualité réelle et admirablement composé.
Jusqu’au XIIIe siècle, les informations sont rares, mais on sait que les tapis furent surtout confectionnés en Perse. L’âge d’or devait apparaître à la fin du XVe siècle et se poursuivre jusqu’au début du XVIIIe siècle. Sous la pression de la demande étrangère, européenne puis américaine, le tapis perdra de son originalité : il deviendra en quelque sorte standard.

Le tapis d’Anatolie

Une grande partie des tapis confectionnés en Anatolie (Turquie), soit à point noué, soit tissé, est due au travail de quelques minorités ethniques habitant en colonies isolées ou intégrées dans une communauté villageoise turque. Les plus intéressants sont les Arméniens, les Grecs, les Kurdes et les Yuruks. Les Arméniens se distinguèrent très tôt par leurs esquisses et leur savoir artisanal. Leur sens de l’esthétique se refléta dans leur tapis, mais c’est surtout à Kars, à Kayseri, à Sivas et à Zara que les Arméniens se firent remarquer par leur art. Les tapis de soie, ornementés très finement et fabriqués au Kum-Kapi, partie d’Istanbul, sont les plus remarquables.
Les tapis d’Anatolie sont d’un art rude, avec des dessins géométriques et peu de motifs floraux (islamique, chrétien, fleurs, animaux réels et imaginaires, dragons). Presque tous ces tapis sont en laine. Leurs couleurs sont claires et variées. Certains sont parfois tissés avec des fils d’or et d’argent. La plupart sont des tapis de prière.
Les lieux qui produisent les plus beaux tapis sont :
• Hereke (ceux qui datent de 200 ans peuvent valoir jusqu’à 1/2 million de dollars ; ils sont signés “Hereke”.)
• Kaïseri (parfois tissés avec des fils métalliques, d’or et d’argent).
• Magri (leurs couleurs sont frappantes, tel un tableau moderne).
Les tapis de prière, les plus anciens, connus dans le monde entier, sont les Koula.
Toutes les fabriques actuelles ne font plus d’aussi jolis tapis. Les contemporains valent entre 100 et 2 000 $.

Le tapis persan

D’une remarquable richesse d’invention, les tapis persans ont la diversité même des lieux de production qui leur ont donné leur nom.
Avec la dynastie des Safavides, le tapis persan va connaître aux XVIe et XVIIe siècles sa période florissante. Il ne sera plus un simple revêtement du sol, mais une œuvre d’art. Il sera caractérisé par un grand médaillon central traité avec une extrême variété : coupole architecturale consacrée aux oiseaux, aux nuages, aux dragons ailés, aux chemins entrelacés de jardins fleuris. La palette des couleurs est large, mais le vert est très rare. Ils sont fabriqués en laine, coton et soie.
Le tapis persan est tissé avec différents nœuds. Il existe plus de 20 appellations : le plus ancien date du XVIe siècle, le tapis persan Esphahan. Il fait partie d’une collection privée. Sa valeur a été estimée à environ 400 000 $. Ensuite, les plus courants sont les Tabriz, les Cachan et les Bijar.
Actuellement, les plus recherchés par les collectionneurs datent du XIXe siècle, tels les Malayer, les Ferahan, les Bijar Halvaï, les Esphahan, les Sultana Abad et les Mahals.
Pour un format de 140x220, le prix varie de 2 000 à 15 000 $ (en fonction du nombre de nœuds, de la richesse des motifs et du maître qui l’a conçu).
Les tapis persans contemporains de bonne qualité sont très rares depuis une vingtaine d’années. Effectivement, à cause d’une forte demande aux États-Unis et en Europe, ceux-ci sont fabriqués à la chaîne par des propriétaires étrangers et donc la qualité laisse à désirer. Ils sont fabriqués selon la demande et directement exportés. Ils se vendent entre 300 et 600 $ par mètre carré, ce qui est très cher. Depuis 7 ans, les couleurs végétales ont été réutilisées dans certaines usines, afin d’améliorer leur qualité. Environ 10 % seulement d’entre eux sont intéressants.

Le tapis caucasien

Le tapis caucasien est le seul à être encore aujourd’hui tissé à la main, car il comprend 11 couleurs. Son dessin fournit à l’imagination orientale l’occasion de s’exprimer en toute liberté. Aussi en existe-t-il une variété infinie?
Le tapis du Caucase, dans lequel prédomine le dessin géométrique, peut nous apparaître comme l’expression d’un art primitif ; en réalité, il révèle une faculté d’invention, en même temps qu’une maturité remarquable. Les motifs, tout simples, tels les personnages, les animaux, les fleurs, les étoiles, les carrés et les losanges, sont exprimés en quelques traits seulement et souvent implantés sans symétrie.
Il existe plus de 25 appellations de tapis caucasiens. Les plus recherchés sont les Karabagh, les Chirvan, les Lenkoran et les Akastafa. Chaque région a sa manière de tisser. Les plus beaux sont les Chirvan. Les plus rares sont les Lori Pambak, les Star Kazak et les Sevan. Il existe seulement 12 Star Kazak dans le monde. Le dernier a été vendu à Londres en 1985 pour quelque 275 000 $.
Le tapis le plus ancien du monde vient du Caucase : le Pazourik. Il date du IVe siècle av. J-C. Il se trouve actuellement au musée de l’Hermitage à Saint-Pétersbourg.
Les autres plus anciens ont environ 1 500 ans. Aucun tapis antique du Caucase n’est conservé au Caucase ou ailleurs en Russie. Le plus grand nombre se trouve maintenant dans les musées d’Istanbul, au musée du textile, en Arménie, et au Textile Museum de Washington.
On peut trouver des tapis caucasiens contemporains de qualité au Kazakhstan (Asie centrale), en Arménie, en Turquie, en Égypte, en Chine et au Pakistan. Les couleurs végétales sont très importantes, car au lavage elles ne déteignent pas. Leur prix varie entre 300 et 3 000 $ (pour un format moyen).

Bons tuyaux

Cote : tous les tapis ayant 60 ans et plus sont considérés comme anciens ; leur cote est proportionnelle à leur âge, leur condition, leurs dessins et autres. Ils peuvent valoir jusqu’à 300 000 $ (certains, plus).
Il existe des copies d’anciens tapis fabriqués avec des fils d’époque. Ceux-là peuvent valoir jusqu’à environ 3 000 $.
Ce qui détermine le prix d’un tapis : son état de conservation, le fil utilisé, le nouage, la religion, son format, son âge, le dessin et la beauté des couleurs combinées. Puis :
• La conception générale des motifs et des couleurs.
• La répartition détaillée du fond et de la bordure.
• L’ornementation avec ses motifs et ses détails.
Précautions : c’est une opinion répandue et malheureusement erronée que de s’imaginer que plus un tapis est vieux plus il a de valeur. De par sa fonction même, qui est de servir de revêtement au sol, le tapis est un objet périssable. S’il en est fait un usage normal, son existence ne saurait dépasser une soixantaine d’années. Les inévitables dégradations qu’il aura subies durant ce temps l’auront déprécié peu à peu.
Certes, il existe encore des tapis très anciens de cent, deux cents et même parfois trois cents d’âge qui ont résisté à l’épreuve du temps. Mais ce sont des pièces précieuses qui ont peu servi quand elles n’ont pas été détournées de leur fonction, pendues au mur ou exposées dans des musées.
Il faut bien se garder de faire l’acquisition de tapis que l’on croit “anciens”, parce qu’ils sont usagés et que leurs couleurs se sont ternies.
Si l’on désire acheter une pièce ancienne, la prudence commande de ne faire appel qu’à des spécialistes : marchands ayant pignon sur rue ou experts qui garantiront, par écrit, l’origine et l’âge du tapis.
Qualité : un tapis se reconnaît aux matériaux entrés dans sa confection et à la finesse de sa trame. Un tapis en soie a plus de prix qu’un tapis en laine. Et plus il comporte des nœuds, plus il est fin.
• Les tapis en velours de soie des manufactures impériales perses avaient jusqu’à 13 000 nœuds au diamètre carré.
• Les tapis persans de la grande époque, en velours de laine mais à fond de soie, de 5 à 7 000 nœuds. Les plus courants, en velours de laine et dont le fond est en coton, ne comportent que 1 500 à 3 000 nœuds.
• Les tapis du Caucase ne comportent qu’entre 600 à 2 000 nœuds.
Le tapis idéal à tout point de vue est celui dont le dessin et la qualité s’harmonisent parfaitement. Une ornementation atypique à la région de production d’un tapis, c’est-à-dire des motifs provenant d’une autre région, dévalue considérablement un tapis.
En ventes publiques, il faut être très connaisseur pour éviter les traquenards toujours possibles : pièces coupées, repeintes, décolorées et bien entendu brûlées ou mitées.
L’amateur ne doit pas hésiter à prendre certaines précautions, comme de disposer le tapis contre la lumière. Il découvrira les trous et les accrocs, s’il en existe.
Si, en frottant légèrement avec un chiffon humide, il s’aperçoit qu’elles déteignent, mieux vaut qu’il s’abstienne d’acheter le tapis : les couleurs sont repiquées ou de mauvaise qualité.
De même, ce serait une erreur de croire que les pertes de couleurs d’un tapis proviennent toujours d’un vieillissement naturel ; elles peuvent être obtenues artificiellement. Une méthode très simple permet de déterminer le genre de colorants utilisés. Il suffit d’écarter les fils du velours et de vérifier si la teinte est la même à leur base et à leur sommet. Si l’on découvre une différence, on peut être à peu près sûr qu’on se trouve devant un colorant chimique.
En règle générale, il convient d’examiner avec la plus grande attention et méthode le champ intérieur, puis les bordures d’un tapis afin de s’assurer de son état de conservation. Prendre garde aux morceaux rapportés, aux restaurations trompe-l’œil qui camouflent un accident sérieux : trou ou déchirure, au velours si râpé qu’il laisse apparaître par endroit la trame. Tout cela est grave et retire à la pièce la moitié, parfois les 3/4 de sa valeur.