Le 22e Salon du livre, qui s’est tenu du 31 octobre au 9 novembre au Biel, a attiré plus de visiteurs que l’année précédente, et a globalement satisfait libraires et éditeurs.

« On ne s’attendait pas à une telle affluence, raconte Henri Lebreton, directeur de l’Institut français du Liban. Le nombre de visiteurs au salon a augmenté de 16 % par rapport à l’année dernière, totalisant 70 000 visiteurs, dont 17 000 écoliers. » Libraires et éditeurs présents au Biel confirment que l’année 2014 a plutôt été une bonne cuvée, malgré les problèmes d’embouteillage qui ont rendu terni le dernier week-end de l’événement et suscité une réflexion sur un éventuel déménagement. « Les ventes se sont accrues de 7 à 8 % à euros constants en comparaison avec l’édition 2013 », affirme Sami Naufal, le PDG de la Librairie Antoine, qui importe pour l’occasion de nombreux livres de France. « Les visiteurs sont venus pour acheter, et non pas seulement pour flâner ou assister aux conférences. Les ventes ont été satisfaisantes », confirme Tania Hadjithomas Mehanna, directrice des éditions Tamyras. « Nos ventes se sont stabilisées depuis 2012, qui était déjà une très bonne année. Plus globalement, cela fait quatre ans que le salon a retrouvé un nouvel élan. Les ventes dans nos librairies à Beyrouth n’ont pas diminué pour autant, car le public n’est pas le même », note Rania Stephan, directrice de la librairie Stephan. « Le succès du salon s’explique par la qualité des conférences proposées, la bonne communication réalisée en amont par libraires et éditeurs sur les réseaux sociaux, et la création de nouveaux partenariats, notamment avec des universités et des médias, explique Henri Lebreton, directeur de l’Institut français dont le budget pour le salon 2014 s’est élevé à 300 000 euros. C’est notre plus grosse opération financière de l’année, devant la fête de la Musique et le mois de la Francophonie. »

Aide de l’Institut français

L’Institut français finance la venue d’auteurs de l’Hexagone et fournit une contribution financière aux principaux libraires. « Une aide, à hauteur de 25 % du coût du stand,  d’autant plus indispensable que le prix des emplacements a légèrement augmenté cette année », souligne Sami Naufal, qui loue un espace de 300 mètres carrés. En prenant en compte la subvention de l’Institut français, les tarifs des stands varient entre 55 et 85 dollars au mètre carré. La mesure de soutien avait été décidée lors des 20 ans du Salon du livre, pour faire face à la fronde d’une partie des acteurs du salon, qui souhaitaient organiser l’événement uniquement tous les deux ans, afin de limiter les frais. « Le Salon du livre est l’occasion de renforcer libraires et éditeurs qui assurent une présence continue du livre francophone au Liban. Le marché se porte bien, puisque les exportations de livres français au Liban dépassent les 10 millions d’euros par an », précise le dirigeant de l’Institut français. L’aide financière ne s’applique pas à la demi-douzaine d’éditeurs du salon, pour qui l’objectif premier n’est pas forcément de réaliser des bénéfices commerciaux. « Financièrement, nous ne sommes pas gagnants, car l’organisation du salon nous revient à près de 20 000 dollars, alors que nous avons réalisé 7 500 dollars de gains. Le salon est surtout pour nous un moyen unique d’entrer directement en contact avec nos lecteurs et de mettre en avant nos nouveautés », assure Marwan Abdo Hanna, directeur général de Samir Éditeurs, une maison spécialisée dans les livres de jeunesse.

Salon de libraires davantage que salon d’éditeurs

Certains acteurs expriment le souhait de mettre davantage l’accent sur les éditeurs à l’occasion de ce salon. « Il s’agirait de valoriser davantage le travail des éditeurs, de mettre en avant l’identité des collections et de développer la culture éditoriale du public francophone libanais », estime Marwan Abdo Hanna. Dans la formule actuelle du salon, les différentes collections sont disponibles chez les principaux libraires, mais ces derniers ne sont pas incités à favoriser tel éditeur plutôt que tel autre. Pour qu’une telle formule se développe, il faudrait l’implication directe des éditeurs français, qui fait défaut. « Ils apportent un soutien limité, car ils considèrent que les libraires libanaises sont assez dynamiques pour faire le job seules », témoigne Rania Stephan, directrice de la librairie Stephan. « Encore cette année, les éditeurs français se sont peu déplacés, et leurs contributions sont restées symboliques. Elle peuvent par exemple prendre la forme d’une remise de 2 à 5 % sur les livres », explique Sami Naufal.

Guillaume Nusse : « Nos résultats au Liban sont remarquables eu égard à sa taille »
À l’occasion de sa visite au Salon du livre francophone de Beyrouth, entretien avec Guillaume Nusse, PDG du groupe familial Clairefontaine qui emploie 3 300 personnes avec une trentaine de sites de production.
Comment adaptez-vous les modes de consommation de la papeterie et de ses dérivés à l’heure du numérique ?
Quand j’ai repris l’entreprise en 2000, nous faisions des cahiers et des enveloppes. Aujourd’hui, notre catalogue de papeterie s’est beaucoup étoffé à la suite de rachats des marques Exacompta, Rhodia, Quo Vadis... et nous avons développé des articles pour le bureau, les loisirs, les arts graphiques, la décoration et même des jeux d’éveil avec une marque dédiée, Avenue Mandarine. Nous avons élargi notre offre à des produits qui continuent de reposer sur le papier mais ne sont plus des supports d’écriture. Par exemple, notre offre de papiers cadeaux. Ou les enveloppes haut de gamme : une invitation à un mariage se fera toujours sur papier. Mais nous n’avons pas l’intention de développer des produits numériques. Ce n’est pas notre savoir-faire.
Le marché libanais est-il important pour votre groupe ?
Hors Europe de l’Ouest, Clairefontaine s’exporte uniquement sur le haut de gamme de la papeterie. Nos marchés de prédilection sont souvent des pays francophones. C’est le cas du Liban. D’autant que ce pays cultive un certain raffinement qui correspond bien à notre nouveau positionnement sur les produits d’ambiance scolaire. Ces derniers ne représentent pour l’instant que 10 % du chiffre d’affaires du groupe qui est de 525 millions d’euros. Mais le Liban en absorbe le dixième. Si l’on rapporte ces résultats à la taille du Liban, ils sont remarquables !
Depuis quand êtes-vous distribués au Liban et comment vous positionnez-vous sur ce marché ?
Nous y sommes vraiment présents depuis la fin des années 1990 à travers la société Khoutout Lignes qui est notre distributeur exclusif au Liban. Les liens culturels avec la France et les habitudes de consommation des Libanais facilitent notre présence sur le segment utilitaire, même si nous ne nous positionnons que sur le haut de gamme. Ce créneau continue d’y représenter la moitié de nos ventes. Le marché libanais a aussi servi de vitrine pour notre expansion dans le Golfe qui représente désormais 20 à 25 % du segment des produits d’ambiance à l’export. Au Koweït par exemple, la demande est très forte, les élèves y effectuant trois rentrées, avec de nouvelles fournitures, de nouveaux cartables chaque trimestre…
S.R.